N°43 | Espaces

Alain Vircondelet
Saint-Exupéry dans la guerre
Légendes et vérités
Monaco, Éditions du Rocher, 2019
Alain Vircondelet, Saint-Exupéry dans la guerre, Éditions du Rocher

Spécialiste de Saint-Exupéry, Alain Vircondelet cible ici son propos sur les années de guerre, « vues comme l’aboutissement et l’accomplissement d’une destinée humaine dont il a su exalter, dans une sincérité exemplaire, la part héroïque et la fierté d’être homme ». Avec une profonde connaissance humaine et psychologique de son personnage, il s’appuie sur un volumineux ensemble d’archives privées (en particulier la correspondance) pour dresser le portrait de son héros à la veille de la Seconde Guerre mondiale, qui ne semble porté que par le désir de piloter. Officier de réserve, Saint-Exupéry reprend du service dès 1939 avec le grade de capitaine et le désir de se frotter au danger. La drôle de guerre se traîne et le « pilote sans emploi » s’ennuie. De repli en repli, c’est de Toulouse qu’il s’envole pour l’Afrique du Nord le 20 juin 1940. Après avoir tenté de jouer un rôle entre la France et les États-Unis, il part pour l’Amérique à la fin de l’année. L’estime qu’il porte à Pétain lui fait estimer que « Vichy est donc un pis-aller nécessaire ». De cette position résulte des relations tendues avec les gaullistes, tandis qu’il écrit (Citadelle, Pilote de guerre, Le Petit Prince) et prône une « neutralité (ni Vichy ni Londres) affirmée pour mieux préserver l’unité nationale et préparer la réconciliation ». Il développe ses idées dans un appel à la radio qui lui vaut un flot de critiques et suscite l’irritation à Londres. L’interdiction de Pilote de guerre par les autorités d’occupation en France le fait basculer du côté de Giraud ; il rejoint l’Afrique du Nord au printemps 1943. Dans l’atmosphère soupçonneuse d’Alger, il constate que « la guerre est plus intense entre giraudistes et gaullistes qu’entre Français et Allemands » et il ne songe qu’à partir pour des missions opérationnelles. Les derniers mois de sa vie sont marqués par la détérioration de son état psychologique, même s’il parvient enfin à réintégrer son escadrille à la fin de janvier 1944. Le livre s’achève sur le récit de sa dernière mission, menée à partir de la Corse à l’été 1944, et sur la création du mythe Saint-Ex, paradoxal car son œuvre est dans le même temps souvent réduite au Petit Prince, « livre pour enfants », voire passée sous silence. Un ouvrage passionnant, qui entraîne son lecteur au cœur des pensées et des passions d’un homme complexe, mais si profondément humain.

PTE

Thomas Saintourens | Les Poilus de Harlem