L’épopée des Harlem Hellfighters, ces soldats afro-américains de la Grande Guerre qui se sont battus aux côtés des poilus tout au long de l’année 1918, a été redécouverte par le grand public américain lors des commémorations du centenaire. Il manquait un ouvrage en français pour retracer leur histoire et c’est à cette tâche que s’est attaqué Thomas Saintourens, journaliste de profession, avec un récit qui ne manque pas de mérite et qui s’attache à suivre le Old 15th, régiment d’infanterie afro-américain issu des faubourgs de Harlem, qui a emmené les accents du jazz et les luttes raciales du siècle dans le fond des tranchées de l’Argonne. L’immense mérite de cet ouvrage est de ne rien taire des enjeux politiques de la présence de ces combattants sur le sol européen, et des obstacles qu’il leur a fallu surmonter pour gagner une reconnaissance éphémère et aussitôt effacée à leur retour sur le sol américain. Le dernier chapitre, qui retrace les destins d’une poignée de figures du régiment de retour dans un pays qui n’était pas prêt à les accueillir, souligne pleinement le tragique de leur histoire. C’est au croisement entre le récit de guerre et l’analyse d’une lente évolution politique que l’ouvrage de Thomas Saintourens est le meilleur, lorsqu’il vulgarise, au sens noble du terme, un chapitre d’histoire peu connu. Le caractère fluide de la lecture n’en masque pas tous les défauts pour autant : on pourra regretter l’absence complète de références et de notes de bas de page, comme le ton parfois inutilement doloriste pour relater les épisodes de combat. Ce dernier trait, assorti d’une description très approximative du déroulement des opérations, est le principal défaut d’un livre dont la lecture est pourtant agréable, mais que l’on recommandera davantage au grand public féru d’histoire américaine qu’aux historiens de la Grande Guerre.