N°27 | L'honneur

Farid Ameur
Gettysburg, 1er-3 juillet 1863
Paris, Tallandier, 2014
Farid Ameur, Gettysburg, 1er-3 juillet 1863, Tallandier

Facile et rapide à lire, ce récit, écrit dans un style plutôt enlevé et bien documenté, replace cette bataille centrale de la guerre de Sécession dans le contexte de l’époque. Les causes de ce conflit sont bien synthétisées et les enjeux de la campagne entre un Nord industrialisé et peuplé et un Sud dont les ressources économiques et humaines sont comptées sont clairement présentés. L’auteur souligne l’importance des particularismes du facteur humain dans cette guerre. Il montre d’une part la difficulté pour le pouvoir politique à trouver des chefs parmi les deux mille officiers formés à West Point (à comparer aux trois millions d’hommes qui porteront les armes) avec, au Nord, une valse des commandants en chef et, au Sud, de grands subordonnés de Lee au-dessous des enjeux. D’autre part, il insiste sur l’amateurisme des soldats qui sont presque exclusivement des volontaires (moins de vingt mille soldats de métier avant la guerre). L’auteur démontre avec brio en quoi cette bataille, située au beau milieu d’un conflit qui a duré quatre années, représente le basculement de celui-ci, en particulier les progrès de l’armée fédérale et l’ascendant moral qu’elle gagne progressivement sur les confédérés. Il décrit aussi la violence du choc, les tactiques dépassées, le courage des soldats, les armements dont les capacités de destruction (portée, cadence de tir, puissance…) sont de loin supérieurs à la période napoléonienne, et l’hécatombe qui résulte de tous ces facteurs (environ cinquante-trois mille pertes pour cent quatre-vingt mille hommes engagés). Les qualités des différents chefs sont bien analysées et on découvre les limites des uns et des autres, du manque de vision stratégique au rôle de l’honneur personnel ou l’incapacité d’un chef comme Lee, reconnu de tous, à donner des ordres précis et suffisamment détaillés à des subordonnés trop limités. Le « Napoléon du Sud » n’avait pas de Berthier, de Lannes ou de Davout… Sans parler de guerre totale, l’aspect économique est également expliqué et l’enjeu des approvisionnements largement souligné. Enfin, on découvre qu’en deux occasions le Nord aurait pu obtenir la fin de la guerre en cette année 1863. Un petit bémol pour quelques traductions maladroites ; les wagons en anglais ne sont pas des wagons de chemin de fer mais le traditionnel chariot bâché qui apparaît à la queue de la colonne de cavalerie ou dans les convois de pionniers dans tout bon western ; de même, on ne se tire pas dans le blanc des yeux mais « à bout portant », traduction de eyes point blank rate

Philippe Mignotte

« Je fais la guerre » | Pierre Miquel
Alexandre Lafon | La Camaraderie au front