N°27 | L'honneur

Alexandre Lafon
La Camaraderie au front
1914‑1918
Paris, Armand Colin, 2014
Alexandre Lafon, La Camaraderie au front, Armand Colin

À partir de ses travaux de thèse, Alexandre Lafon, professeur d’histoire-géographie et conseiller à l’action pédagogique de la Mission du centenaire, nous invite à nous interroger sur la réalité et les formes de cette « camaraderie du front » si souvent mise en avant pendant le conflit lui-même et non sans arrière-pensées durant l’entre-deux-guerres. Son propos s’organise en trois grandes parties : « La camaraderie mythifiée », « Les mots et les gestes. Le quotidien relationnel à l’épreuve du feu » et « Les limites de la camaraderie combattante ». Ce faisant, il commence par décrire la construction d’un discours théorique (et presque idéologique dans le cadre de la mobilisation des esprits) sur la camaraderie entre combattants, du front (aux différents niveaux hiérarchiques) à l’arrière, pendant puis après la guerre. Si les utilisations politiques, partisanes voire idéologiques sont bien sûr avérées, n’oublions pas néanmoins que cette camaraderie correspond à une vraie réalité et contribue de fait à la cohésion des unités élémentaires. La deuxième partie entre dans le détail de la naissance et des manifestations de cette camaraderie, de l’incorporation à l’épreuve du feu, avec tout le panel des situations intermédiaires et des longues attentes. Elle pose également rapidement la question des « autres » : les alliés, les coloniaux, les ennemis. Cette partie, en particulier, s’appuie sur de très nombreux extraits de témoignages, souvent d’un grand intérêt. La troisième et dernière partie, enfin s’intéresse aux limites, aux obstacles et aux paradoxes de cette camaraderie combattante. Si la guerre rapproche inévitablement les hommes, elle ne fait pas disparaître pour autant toutes les barrières et toutes les différences ; celles-ci persistent donc, qu’elles soient géographiques, sociales ou culturelles. De même, les mutations fréquentes entre les unités tendent à briser les liens individuels et collectifs noués entre les hommes. Il faut à chaque fois quitter ceux dont on se sent proche pour recréer plus loin un nouveau réseau relationnel. C’est vrai, mais avec ici aussi cette réserve que, finalement, tous se reconnaissent comme soldats et que, dans un très grand nombre de cas, cette communauté d’appartenance permet de pallier l’éloignement des premiers camarades et de se fondre plus facilement dans un nouveau groupe.

Solidement appuyée sur une riche bibliographie et de nombreuses notes, cette étude se lit avec le plus grand intérêt. Ceux qui ont une expérience personnelle de l’engagement dans des missions extérieures récentes et ont vécu des moments de stress intense partagé pourront sans doute émettre des réserves sur tel ou tel point, mais l’ensemble est d’une grande richesse. Sur un sujet aussi personnel, mais aussi « mis en scène » pendant des dizaines d’années, il pourra apporter beaucoup à ceux qui s’intéressent aux soldats, aux unités élémentaires et aux groupes primaires, aux distorsions entre des perceptions personnelles et des représentations collectives, à l’évolution du ressenti entre le moment des événements et les périodes ultérieures.

PTE

Gettysburg, 1er-3 juillet 1863 | Farid Ameur
Paul Paillole | Notre espion chez Hitler