N°22 | Courage !

André Bourachot
De Sedan à Sedan
André Bourachot, De Sedan à Sedan, Bernard Giovanangeli éditeur

Le premier tome de cette somme, publié en 2011, commence par un rapide rappel de la situation depuis la Révolution française et s’ouvre en fait sur un chapitre 2 titré « L’armée et l’environnement politique », indispensable, car, dans ce pays où la politique « c’est la bataille d’Hernani au quotidien, pour les petites choses comme pour les grandes », force est de reconnaître que « l’accouchement républicain sera pénible et prendra du temps ». André Bourachot s’intéresse ensuite à ce qui permet matériellement de constituer une armée (« L’argent, les hommes, les armes »), aux fondements intellectuels de cette armée (« La doctrine, les forces morales, le cran »), puis à l’importante question de la « Fortification permanente et fortification du moment » et, enfin, à l’emploi (« La conduite de la guerre, les plans de guerre, les structures »). Un ultime chapitre (« Les guerres ») évoque rapidement les campagnes coloniales qui se succèdent entre 1871 et 1914 et s’attarde naturellement sur la Grande Guerre elle-même. Au terme de ce parcours, en novembre 1918, la conclusion est sans fard : « L’armée française est victorieuse ou, tout au moins, elle se croit victorieuse... Elle avait gagné la bataille et pouvait penser avoir gagné la guerre. Mais, en 1918, personne ne fera l’analyse froide et lucide qu’elle n’était qu’une partie prenante à la victoire. » L’ensemble de l’ouvrage est ponctué de tableaux, graphiques et citations qui viennent à l’appui du discours de l’auteur.

Le second tome, paru en 2012, couvre lui la période de l’entre-deux-guerres. Il s’ouvre sur une interrogation, ou un doute : « Une partie de la France met son refus de courir aux armes au-dessus de tout, même pour défendre sa propre existence en tant que nation. La seule vraie question est bien celle-là. Pourquoi cette attitude ? Je n’ai pas trouvé dans l’historiographie de réponse satisfaisante. Le pire serait qu’il n’y en ait pas, ce qui dévoilerait les sombres lacunes du sentiment national français, à éclipses et peut-être contingent. » L’ouvrage commence donc par « Les problèmes de la paix » qui surgissent dès l’hiver 1918, puis se développe globalement en trois parties chronologiques : les chapitres 2 et 3 sont relatifs aux années 1918-1925, les 4 et 5 aux années 1924-1936, les quatre derniers aux évolutions, réflexions et décisions des quatre années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale. Une quinzaine de pages, de facture classique, sont consacrées à la situation outre-mer et aux campagnes du Maroc (Rif) et de Syrie en 1924-1925. De longues pages traitent des débats des années 1920 sur la défense des frontières, la ligne Maginot, son coût et ses troupes. Dans le chapitre consacré aux unités blindées et divisions mécaniques, on passe rapidement (deux ou trois autres noms cités simplement, Velpry, Doumenc, Keller) du général Estienne en 1921 à de Gaulle en 1933, même si l’auteur reconnaît que si « de Gaulle n’est pas un précurseur, il sera un brillant suiveur ». De même, le bref récit de la drôle de guerre et de la campagne de France de 1940 laisse parfois sur sa faim : Blanchard, au ga 1, est pudiquement qualifié de « peu sûr de lui » ; délicat euphémisme. Par nature, un projet de cette ampleur sur une pagination limitée devait nécessairement conduire à certains raccourcis, mais les deux tomes n’en constituent pas moins une excellente base de travail.

RP

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