N°16 | Que sont les héros devenus ?

Olivier Wieviorka
La Mémoire désunie
Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jour
Paris, Le Seuil, 2010
Olivier Wieviorka, La Mémoire désunie, Le Seuil

Voici deux ouvrages qui, chacun selon son objet, témoignent implicitement de combien les devoirs de mémoire comportent des fautes d’histoires.

Dans une analyse chronologique très fouillée des avatars du souvenir politique des années sombres, Olivier Wieviorka montre à quel point la diversité des situations durant la Seconde Guerre mondiale a produit des histoires occultées, des mémoires éclatées, parfois conflictuelles, souvent politisées : différentes catégories de combattants (ceux de 1940, ceux de la France libre, ceux de l’armée d’Afrique), prisonniers de guerre, résistants armés et non armés, déportés résistants, politiques, juifs, ethniques, requis pour le Service du travail obligatoire… L’auteur met en évidence deux périodes. Jusqu’au début des années 1970, la « bataille mémorielle » du gaullisme et du communisme produisit à des fins politiques une « histoire en trompe l’œil » assortie d’une hiérarchie du mérite : elle exalta une Résistance combattante ou martyre ; elle effaça l’ambiguïté d’un parti communiste tout à la fois compromis et héroïque. Une autre France occupée moins glorieuse est ensuite dévoilée, modifiant sensiblement cette mémoire dominante. « La figure du héros s’efface devant celle de la victime » alors que surgit la mémoire martyre des déportés juifs, longtemps occultée et noyée par celle construite autour des déportés politiques et résistants. On regrettera néanmoins que l’ouvrage d’Olivier Wieviorka reste sous l’emprise de mémoires aujourd’hui dominantes : son travail est discret sur une hiérarchie des mémoires combattantes qui rejette dans l’ombre l’épopée du corps expéditionnaire en Italie et de la 1re armée française et il entretient le voile qui masque la complexité du régime de Vichy.


Souvenirs d’un combattant | Roger Cadot
Henri de Wailly | Syrie 1941