La guerre est, chacun le sait, un affrontement des voltontés poussé à son paroxysme. Elle s’exerce au travers de combats, c’est-à-dire de souffrances physiques et morales que les protagonistes endurent et infligent. Dans un monde qui place désormais au cœur de ses préoccupations le bien-être personnel et le développement économique, la Société des Nations veut croire et espérer que la conduite des conflits peut et doit épargner les peuples et les moyens économiques de leur subsistance, tout en recourant aux technologies les plus avancées pour protéger les soldats, ultimes victimes d’un monde dans lequel le genre humain serait en passe de « désincarner » définitivement la guerre. Mais cette mutation, si elle ne s’accompagne pas d’une paix universelle et durable – et comment pourrions-nous croire à une telle illusion irénique ? – porte en germe le risque de susciter de nouvelles formes d’affrontement plus violentes encore.
L’histoire et l’expérience se conjuguent pour montrer que, sur le champ de bataille, le corps de l’homme, par ce qu’il éprouve de souffrances ou par la terreur à laquelle il peut être soumis, est le vecteur premier de cette volonté. Est-ce à dire, pour autant, que la guerre impose de recourir à la souffrance physique des hommes et des peuples pour instaurer le dialogue des volontés sans lequel aucune sortie de conflit n’est envisageable ? La domination des sens et des sensations est-elle une constante du combat ? Le conflit ne laisse-t-il aucune possibilité d’assurer la domination de la raison sur la passion ?
- Le corps du soldat
Aux plans opératif et tactique, c’est-à-dire sur le champ de bataille, pour le combattant qui met sa vie en jeu, l’« incarnation » du combat résulte de ce que lui transmettent ses sens, de ce qu’enregistre son cerveau, des informations que lui délivrent les équipements techniques dont il dispose. Autant si ce n’est plus que la mort, la blessure d’un camarade, la vue du sang, les cris de douleur et sa propre peur constituent des agressions émotionnelles qui peuvent perturber, ne serait-ce qu’un court instant, son équilibre psychique. À ce moment-là, le soldat ressent des pulsions mortifères d’une incroyable force. Quiconque a approché de près la guerre et ses combats ne peut nier cette réalité. Dans ces instants, la violence du choc ressenti peut, et c’est là parfois un effet positif, transcender la souffrance d’un blessé jusqu’à lui faire oublier sa propre blessure. En revanche, bien plus souvent, elle met en danger la rationalité même des combattants jusqu’au risque avéré de succomber aux instincts les plus bestiaux que l’homme peut receler. Dans le combat auquel se livrent à cet instant la raison, la souffrance physique et l’agression émotionnelle, le danger est bien réel de voir le corps prendre le pas sur l’esprit.
En 1978, au sud-Liban, les forces françaises redécouvrent l’intervention armée, laquelle n’avait été l’apanage que de quelques très rares unités depuis la guerre d’Algérie. Il faut donc réapprendre à vivre avec la peur au ventre, parfois l’angoisse existentielle de la blessure, éventuellement de la mort. Ainsi, au cours de l’une des toutes premières nuits passées dans un poste extérieur exposé et isolé, un sergent rend compte à la compagnie du sentiment d’insécurité de son groupe, lequel se nourrit des multiples bruits de la nuit. Rapidement, en l’absence de moyens d’observation nocturne efficaces, la peur se propage au sein du groupe qui finit par ouvrir le feu, heureusement sans conséquence. L’incapacité des sens à donner une image raisonnée de la réalité a ici nourri une peur latente jusqu’à créer un début de panique dont l’action violente a été l’exutoire incontournable qui a permis de reprendre pied dans la réalité.
Si, donc, la capacité de combat du soldat est très fortement tributaire de son corps, de ses douleurs et de ses perceptions, au point que l’issue de la bataille en dépende souvent, il est du devoir de tout chef militaire d’essayer de se prémunir contre ses faiblesses, que ce soit par l’entraînement ou grâce à l’équipement. Dès lors qu’il ne fait guère de doute qu’au combat le ressenti physique détermine fortement la volonté individuelle et collective des combattants, souvent jusqu’à s’imposer au rationnel pour devenir le déterminant principal de l’issue de l’affrontement, la victoire est-elle la résultante de la supériorité d’une perception sensorielle sur une autre ? Si tel est le cas, la recherche doit alors avoir pour premier objet les technologies en mesure de procurer à l’homme un prolongement sensoriel.
Il s’agit d’abord des domaines de l’optique et de l’optronique, avec pour ambition d’accroître la perception visuelle du soldat, de jour comme de nuit, par temps clair comme en l’absence de bonne visibilité. Cette amélioration se heurte rapidement à deux obstacles : l’étroitesse des segments d’intervisibilité et la nécessité de compléter la vision par une identification qui ne laisse pas de place au doute. Il s’agit de rendre accessibles à l’œil du combattant des informations en provenance de senseurs optiques déportés (caméras, robots, drones…) qui permettent de s’affranchir des obstacles proches. Mieux encore, il convient de chercher à enrichir cette vision de signaux qui établissent l’identité précise des objets perçus et leur attitude au regard des actions de combat en cours, celle-ci pouvant de moins en moins se limiter à une discrimination entre amis et ennemis du fait de la présence de plus en plus fréquente de nombreux non-belligérants. Satisfaire cette exigence repose en vérité sur un faisceau de technologies (détection, identification, transmission…) qui, prises individuellement, sont maîtrisées, mais dont l’intégration ergonomique ne répond pas encore aux besoins.
Quiconque en a fait l’expérience ne l’oublie pas. Un soir de décembre 1983, alors que nous sommes quelques-uns sur la terrasse du Centre culturel français, au cœur de Beyrouth en guerre, un des nombreux départs de coup de l’artillerie qui pilonne la ville est suivi d’un sifflement aigu particulier. Nous nous projetons à terre juste avant que le projectile ne vienne exploser à quelques mètres de notre position. L’ouïe venait de nous confirmer ce que nous avions appris : un obus sur la trajectoire duquel on se situe a un sifflement différent des autres. Écouter et entendre le champ de bataille est parfois aussi important que d’en voir tous les détails. Mais dans la quête d’une plus grande acuité auditive, comment éviter la saturation qui naîtrait de la simple amplification de tous les bruits du champ de bataille ?
Bien évidemment, combattre la peur, la fatigue et la douleur constitue également une demande forte. Des expérimentations d’emploi de psychotropes permettant de repousser les limites de la fatigue ont été réalisées. Mais cette recherche d’accroissement de la résistance du corps humain comporte, elle aussi, ses limites. La peur est en effet indispensable pour que le combattant mesure les risques et les prenne en compte avec l’acuité voulue. La fatigue, comme la douleur dans une certaine mesure, constituent des alertes de dysfonctionnement qu’il serait indubitablement fou de vouloir ignorer. Soustraire le combattant aux signaux que lui adresse son corps peut sembler un rêve de soldat, c’est à coup sûr l’amener au bord de la folie, de la mort.
Au rebours de ces évolutions d’essence scientifique, comment ne pas également évoquer l’irrationnel, c’est-à-dire l’instinct ? Les tankistes israéliens ont longtemps eu la réputation de combattre la tête hors de leur char en dépit de la dangerosité de cette posture qui les rend beaucoup plus vulnérables, parce que cela leur permettait d’avoir une meilleure appréhension du champ de bataille et de leur adversaire. Tous les conflits, tous les combats ont mis en évidence des personnalités ayant une perception hors du commun du danger. Ces « bêtes de guerre » ont semble-t-il une capacité particulière – extra ordinaire au sens étymologique du terme – à intégrer dans une même compréhension des éléments rationnels, tels que la nature et la configuration du terrain, et des perceptions sensorielles, comme les bruits, les silences, des mouvements imperceptibles ou une anormale immobilité de la nature… Mais à supposer qu’elle ne soit pas exclusivement innée, comment enseigner ou développer cette part d’instinct ? À défaut de le savoir, la rationalité scientifique conduit à ce que la piste la plus communément empruntée pour faire face à toutes ces difficultés consiste à rechercher la « désincarnation » des affrontements. Cette mutation idéale repose sur une double démarche visant à soustraire le combattant aux affres du champ de bataille et à protéger, autant que faire se peut, les peuples des conséquences de la guerre.
S’agissant du soldat, les technologies aujourd’hui disponibles permettent de l’éloigner du cœur du danger, et donc de l’action, sans diminuer son efficacité au combat. Il s’agit de lui présenter la totalité des informations disponibles, synthétisée sur un écran de contrôle situé à proximité du système d’armes qu’il met en œuvre, lequel sera tenu aussi éloigné que possible de la zone des contacts. Mais dans le même temps, chacun sait combien la distance de l’objectif et la virtualité qu’apportent les moyens modernes de combat au travers de leurs écrans constituent autant de filtres entre la réalité et la perception qu’en ont les protagonistes. L’action de combat conduite au travers de scopes, d’écrans et de systèmes d’information perd rapidement sa réalité. Certes, elle peut ainsi mettre le chef à l’abri d’une excessive sensibilité qui le conduirait, peut-être, à renoncer trop vite face aux premières souffrances de ses troupes. Mais, surtout, elle porte en germe le risque de perte de référentiel humain – le syndrome Orange mécanique – et donc d’un emploi de la force démesuré au regard des enjeux du conflit et contraire à la proportionnalité des actions de combat, nouvel ordre westphalien que le droit de la guerre tente désormais d’instaurer, par opposition aux pratiques du xxe siècle de la guerre totale et de la destruction mutuelle assurée.
- Le corps des armées
Des siècles durant, d’Hannibal à Napoléon, la force des armées a reposé sur l’incarnation physique de la solidarité entre combattants. Le combat se livre entre armées déployées face à face en longues lignes où les soldats se serrent au coude à coude. C’est la continuité du contact physique avec les deux voisins, le camarade de droite et celui de gauche, qui cimente la ligne. Dès qu’un homme tombe, un autre prend sa place et restitue à l’ensemble sa cohésion. Ainsi, intellectuellement et physiquement corseté au sein de son unité, le soldat affronte plus aisément le danger. S’il est bien sûr le premier témoin de la blessure ou de la mort de ses compagnons d’armes, son appartenance au groupe et la force de la discipline collective lui apportent ce supplément d’âme qui lui permet de faire face et de poursuivre sa mission. Cette situation se reproduira une nouvelle fois dans les tranchées de 1914.
Dans le combat moderne, a contrario, le déploiement des hommes sur le terrain répond à des règles de dispersion et de distances qui ont pour origine le besoin de limiter au maximum l’efficacité de la concentration des feux de l’adversaire et de réduire leur exposition aux différentes formes d’attaque dont ils peuvent être l’objet. À l’incarnation d’une solidarité physique reposant sur le contact entre frères d’armes s’est désormais substitué un lien aussi efficace mais désincarné : l’esprit de corps.
L’esprit de corps, à l’opposé de l’esprit de chapelle ou du corporatisme, c’est d’abord un attachement commun à des valeurs partagées : la fierté de servir, la camaraderie, la fraternité d’armes, la solidarité dans les difficultés et les épreuves, l’ouverture aux autres. Il se nourrit de l’attention de chaque instant – de l’affection – que les supérieurs portent à leurs subordonnés et à laquelle répond une obéissance d’amitié. Il s’exprime dans le renoncement à la routine, le dépassement de soi, l’envie d’égaler ou de surpasser les meilleurs ou l’orgueil de vouloir mériter une réputation d’excellence. Il se traduit par l’indéfectible volonté de servir de son mieux son pays et l’attachement à des valeurs difficilement convertibles en euros : la générosité, l’engagement personnel, le don de soi, le culte de la mission. Il ne s’épanouit que dans l’exigence et l’excellence.
Ciment de la capacité opérationnelle, l’esprit de corps est une vertu cardinale des armées et, en cela, il constitue un élément virtuel du combat, une dimension désincarnée de l’affrontement, qui, pour autant, ne germe que sur le terreau de la solidarité humaine et de la fraternité des armes. Des soldats qui n’ont pas souffert ensemble ne sont pas soudés par l’esprit de corps.
- Le corps des nations
Le phénomène de « virtualisation » qui, pour le soldat comme pour l’armée en campagne, transforme profondément les données du combat, concerne également le niveau politique, premier impliqué dans la décision de faire ou de ne pas faire la guerre, seul à pouvoir décider de nommer la chose, seul à pouvoir choisir le champ de son application. Après avoir atteint le paroxysme des affrontements avec les guerres mondiales, les génocides et la perspective de la destruction de l’univers, les hommes semblent espérer pouvoir soustraire les peuples à la guerre, rendre le conflit désincarné aux yeux de la société civile, généralement dispensée du combat, celui-ci étant confié à des professionnels. Cette tentation récurrente n’est pourtant pas sans effets pervers, déjà ressentis dans l’histoire des peuples de l’Europe.
Ainsi, en 1918, en dépit des très lourdes pertes humaines subies durant quatre années de guerre, la capitulation intervenant alors que les combats se déroulent encore sur le territoire français permet à la très grande majorité du peuple allemand de se voir épargné dans sa chair, dans ses biens, dans sa vie quotidienne. A contrario, en 1945, les terribles bombardements de villes entières, telles Dresde ou Hambourg, la poursuite des combats jusqu’au cœur du Reich et l’immensité des destructions dans la totalité de l’Allemagne nazie contraignent chaque Allemand à éprouver dans sa chair la réalité de la défaite et de la faute commise envers l’humanité.
Chacun sait ce qu’il en advint. Quelques années après la fin de la Grande Guerre, le mythe du dolchstoss permettait de faire porter à un gouvernement égaré la faute d’une défaite que les esprits n’avaient pas intériorisée ou ne voulaient plus reconnaître. En revanche, la souffrance collective de 1945, la peur, la faim, les privations et les blessures susciteront la prise de conscience instantanée du besoin de reconstruire la nation allemande sur de nouvelles bases. Comment ne pas se demander si, dans ce moment de folie collective que peut représenter la guerre, la force de la douleur résultant de l’incarnation du conflit n’est pas, seule, capable de ramener certains à la raison ? N’y a-t-il pas dans la souffrance populaire, que l’esprit contemporain tend à considérer comme immorale, voire criminelle, un effet rédempteur qui seul permet d’envisager la reprise du dialogue et la fin de l’affrontement politique ? Au fond, la souffrance des peuples n’est-elle pas un mal stratégiquement nécessaire pour éviter que ne se renouvellent des affrontements ? Dès lors se poserait aux belligérants la question de la limite des souffrances légitimement infligées dans le but de rompre l’unité qui sédimente la volonté des peuples et de leurs dirigeants.
En outre, dans l’obligation d’efficience économique qui régit le monde aujourd’hui, la guerre doit aussi, et c’est nouveau, être si possible transparente pour la mondialisation économique, épargner au maximum la production de richesse et la contribution au commerce mondial des pays en guerre et, surtout, réduire le fardeau de solidarité qui en découle pour le reste de la communauté internationale.
Cette « désincarnation », pour heureuse qu’elle soit dans ses effets sur les populations, porte en germe un double risque. Tout d’abord celui du recours à des formes de violence bien plus extrêmes de la part d’antagonistes qui ne partagent pas le souci de protéger les peuples des affrontements interétatiques ou, pire, qui estiment leur implication et leur souffrance nécessaires pour arriver à leurs fins. Comment ne pas penser au terrorisme de masse du type de celui mis en œuvre par les auteurs des attentats du 11 septembre ? Le second danger réside dans l’absence d’intelligibilité de l’affrontement entre les protagonistes, avec pour corollaire un risque grave de poursuite du conflit au-delà de toute rationalité. En effet, dans les conflits d’aujourd’hui où il convient avant tout de persuader l’adversaire de renoncer au plus vite à son entreprise avant de lui tendre la main afin de le ramener dès que possible au sein de la communauté internationale, les risques physiques et la gestuelle quotidienne des combattants ne sont-ils pas les meilleurs vecteurs de la détermination des peuples qui les ont mandatés et des limites qu’ils acceptent de ne pas franchir dans la confrontation ? Au fond, le corps du soldat ne traduit-il pas mieux que tout discours la nature du dialogue qu’un belligérant tente d’instaurer avec son adversaire ? En d’autres termes, n’y a-t-il pas une fatalité de la souffrance du soldat sans laquelle son action ne serait pas crédible ?
It is common knowledge that war is a battle of wills pushed to the limit. It takes the form of combats, i.e. physical and moral suffering that the protagonists endure and inflict upon each other. In a world which now places personal well-being and economic development at the heart of its concern, the League of Nations wants to believe and hope that the waging of conflicts can and must spare populations and the economic resources necessary for their subsistence, while resorting to the most advanced technologies to protect the soldiers, the ultimate victims of a world in which mankind is in the process of definitively “disembodying” war. However, if this change is not accompanied by universal and durable peace—and how could anyone believe in this illusion of peace?—it runs the risk of arousing new and even more violent forms of confrontation.
History and experience combine to demonstrate that, in the battlefield, man’s body is the prime vector of this desire via the suffering it experiences or the terror to which it is subject. Does this mean however that war requires inflicting physical suffering upon men and populations in order to institute a dialogue between wills without which no end to a conflict can be envisaged? Is the domination of senses and sensations a permanent feature of combat? Does conflict leave no possibility of reason prevailing over passion?
- The soldier’s body
At operational and tactical level, i.e. in the battlefield, for the combatant who puts his life on the line, the “embodiment” of the combat is a result of what his senses tell him, what his brain registers, the information provided by the technical equipment available to him. A wounded comrade, the sight of blood, cries of pain and his own fear constitute emotional aggressions which can disrupt, albeit fleetingly, his psychological balance as much as if not more so than death. At this moment, the soldier feels an incredibly strong death impulse. Whoever has been in the thick of war and combat cannot deny this fact. In this instant, the violence of the shock felt can, and this can sometimes be a positive effect, transcend the suffering of a wounded man and makes him forget his own injury. Conversely, it can more often endanger the very rationale of the combatants to the point of succumbing to man’s most primal instincts. At this moment, in the combat between reason, physical suffering and emotional aggression, there is a real danger of the body prevailing over the mind.
In 1978, in South Lebanon, the French forces rediscovered armed intervention, which had only been the prerogative of a very limited number of units since the Algerian war. They therefore had to learn how to live with anguish, sometimes the existential fear of being wounded or maybe dying. Thus, during one of the very first nights spent in an exposed and isolated external position, a sergeant informed the company of his group’s feeling of insecurity, resulting from the multiple night sounds. In the absence of effective observation equipment, fear rapidly spread throughout the group and they ended up opening fire, fortunately without consequences. In this case, the inability of the senses to convey a sensible image of reality fuelled a latent fear and created the beginnings of a panic, the inevitable resulting violent action being the outlet which made it possible to return to reality.
While the soldier’s capacity for combat is strongly dependent on his body, his pain and perceptions, so much so that the outcome of the battle often depends on it, it is incumbent upon all military leaders to try and protect themselves against its weaknesses via training or equipment. As it is highly likely that, in combat, physical feelings strongly determine the individual and collective will of the combatants and often overcome the rationale to become the most decisive factor of the outcome of the confrontation, does victory result from the superiority of one sensory perception over another? If this is the case, research should primarily focus on the technologies capable of providing man with a sensory extension.
This relates first of all to the optics and optronics domains, with an ambition to increase the soldier’s visual perception, by day and night, in clear weather conditions and in the absence of visibility. This improvement is hindered by two obstacles: limited intervisibility segments and the necessity to complete the vision by an identification that leaves no room for doubt. The idea is to make information from remote optical sensors (cameras, robots, drones etc.) accessible to the combatant’s eye so as to overcome nearby obstacles. Better yet, we must strive to enhance this vision of signals establishing the precise identity of the objects perceived and their attitude with regard to the actions of the ongoing combat, as this vision can no longer be limited to a discrimination between friends and foes due to the increasingly frequent presence of many non-belligerents. Complying with this demand actually requires an array of technologies (detection, identification, transmission etc.) which, taken separately, have been mastered but the ergonomic integration of which is yet to fulfil the requirements.
Those who have experienced it can never forget it. One night in December 1983, while a few of us were standing on the terrace of the French cultural centre, in the heart of Beirut during the war, one of the many shots fired by the artillery which bombarded the city was followed by a specific, high-pitch whine. We threw ourselves onto the ground just before the projectile exploded a few metres from our position. Our ears confirmed what we had learned: the whine of a shell the trajectory of which makes a sound different from that of other shells. Listening and hearing in the battlefield is sometimes as important as seeing all its detail. However, in the quest for improved hearing acuity, how do we avoid the saturation resulting from the simple amplification of all battlefield sounds?
Of course, combating fear, fatigue and pain is also an important requirement. Experimentations have been carried out on the use of psychotropic drugs to push back the limits of fatigue but this desire to increase the human body’s resistance also has its limitations. Fear is necessary for the combatant to assess the risks and take these risks into account with the required acuity. Fatigue, and pain to a certain extent, constitute malfunction alerts which it would be foolish to ignore. Although depriving the combatant of the signals sent by his body may seem like a soldier’s dream, it runs the risk of taking him to the edge of madness and death.
Contrary to these essentially scientific evolutions, one should also mention the irrational, i.e. the instinct? For years, Israeli tank drivers had a reputation for fighting with their head sticking out of their tanks despite the dangerous nature of this posture which made them much more vulnerable, because this gave them a better comprehension of the battlefield and of their opponent. All conflicts and combats have revealed personalities with an extraordinary perception of danger. These “beasts of war” seem to have a special ability—extraordinary in the etymological sense of the word—to integrate, within the same comprehension, rational elements such as the nature and configuration of the terrain, and sensory perceptions such as sounds, silence, imperceptible movements or an abnormal stillness in nature… But suppose that this is not exclusively innate, how can one teach or develop this instinctual element? For want of an answer, the scientific rationale leads to the most commonly examined solution for tackling these difficulties, the search for the “disembodiment” of the confrontations. This ideal transformation is based on a dual approach aimed at shielding the combatant against the elements of the battlefield and protecting the populations against the consequences of war whenever possible.
Currently available technologies make it possible to shield the soldier from the heart of danger and therefore from the action, without reducing his fighting efficiency. The idea is to provide him with all available information, summarised on a control screen located near the weapons system he uses, which will be kept as far as possible from the contact zone. On the other hand, everybody knows how distance from the target and the virtuality inherent in modern combat equipment and screens constitute filters between reality and the protagonists’perception of reality. The combat action undertaken via scopes, screens and information systems rapidly loses touch with reality. It can protect the leader against excessive sensitivity which might force him to give up too quickly when faced with the suffering of his troops. More importantly, it bears the risk of losing the human reference—the Clockwork Orange syndrome—and therefore the risk of the excessive use of force with regard to the stakes of the conflict and contrary to the proportionality of combat actions, a new Westphalian order that the law of war is now trying to instigate, as opposed to the 20th century practice of total war and mutually assured destruction.
- Armed forces
For centuries, from Hannibal to Napoleon, the armed forces were based on the physical embodiment of solidarity between combatants. The combat was fought between armed forces deployed face to face along lengthy lines where soldiers stood shoulder to shoulder. The continuous physical contact with the two comrades, one on the right and one on the left, cemented the line. As soon as one man fell, another took his place and restored the cohesion of the line. Thus, intellectually and physically corseted within his unit, it was easier for the soldier to confront danger. Although he was obviously the first to witness the injury or death of his companions, his belonging to the group and the force of collective discipline gave him this extra strength which enabled him to deal with and pursue his mission. This situation was repeated once again in the trenches of 1914.
Conversely, in modern combat, the deployment of men in the field responds to dispersion and distance rules resulting from the need to limit the efficiency of the opponent’s firepower concentration and reduce their exposure to the different forms of attack they may be subject to. An equally effective but disembodied link has replaced the embodiment of physical solidarity based on contact between brothers in arms: esprit de corps.
Esprit de corps, unlike parochial mentality or corporatism, is first and foremost a common belief in shared values: the pride of serving, camaraderie, brotherhood of arms, solidarity in difficult times and ordeals, openness to others. It is fostered by the constant attention—or affection—of the superiors vis-à-vis their subordinates and yields friendship-based obedience. It is expressed in the abandonment of routine, the desire to exceed expectations, to equal or surpass the best or the pride in wanting to achieve a reputation for excellence. It results in the unfailing will to serve one’s country as best as one can and the belief in largely non-pecuniary values: generosity, personal commitment, self-sacrifice and a cult of the mission. It can only thrive in a desire for and belief in excellence.
By cementing operational capability, esprit de corps is a cardinal virtue of the armed forces and, in this respect, constitutes a virtual element of combat, a disembodied aspect of confrontation which can however only grow from human solidarity and brotherhood of arms. Soldiers who haven’t suffered together are not bound by this esprit de corps.
- The body of nations
The “virtualisation” trend which, for the soldier and the armed forces alike, seriously alters the combat situation, also concerns the political element, primarily involved in the decision whether or not to wage war, the only power that can name it for what it is, the only one capable of choosing the scope of its application. After reaching confrontation paroxysm with world wars, genocides and the perspective of worldwide destruction, man seems keen on shielding populations from war, disembodying the conflict in the eyes of civil society, generally exempt from combat, which is left to the professionals. This recurrent temptation has however a pernicious effect, already experienced in the history of European populations.
Thus, in 1918, despite the very heavy human losses resulting from four years of war, the capitulation was signed while combat still raged on French territory, protecting the physical integrity, properties and daily lives of the vast majority of the German people. Conversely, in 1945, the terrible bombing of entire cities such as Dresden or Hamburg, the pursuit of combat into the heart of the Reich and the vast scale of the destruction throughout Nazi Germany meant that all German people physically felt the reality of defeat and of the fault committed against mankind.
Everybody knows what the consequences were. A few years after the end of the Great War, the myth of the dolchstoss was an excuse to make a confused government the scapegoat for the defeat that people had not accepted or refused to acknowledge. On the other hand, the collective suffering of 1945, fear, hunger, sacrifice and injury gave rise to the immediate realisation of the need to rebuild the German nation based on new foundations. Is it not possible that, in this moment of collective madness represented by war, the intensity of the pain resulting from the embodiment of the conflict is the only thing which can bring certain people to their senses? Does collective suffering, which the contemporary mind tends to consider immoral, if not criminal, have a redeeming effect which is the only way to envisage a restored dialogue and the end of the political confrontation? After all, is collective suffering not a strategically necessary evil to avoid the renewal of confrontations? Therefore, the belligerents would have to examine the issue of the extent of the suffering legitimately inflicted in order to break the bond cementing the will of the populations and their leaders.
Furthermore, in light of the economic efficiency obligation ruling today’s world, war must also, and this is a new element, be as transparent as possible for economic globalisation, spare the production of wealth and the contribution to worldwide trade of the countries at war and, above all, alleviate the resulting burden of solidarity upon the rest of the international community.
This “disembodiment”, albeit positive in its effects on populations, bears a dual risk. First of all that of resorting to far more extreme forms of violence on the part of antagonists who do not share the concern of protecting people from inter-State confrontations or, worse, who believe that these people’s involvement and suffering are necessary to achieve their goals. The mass terrorism such as that enacted by those responsible for the attacks of 9 / 11 springs to mind? Another form of danger lies in the absence of intelligibility in the confrontation between protagonists, with a corollary risk of the conflict escalating beyond all rationality. In modern conflicts where the primary objective is to convince the opponent to abandon their undertakings as quickly as possible, before helping them reintegrate into the international community as soon as possible, are the physical risks and daily actions of the combatants not the best vectors of the determination of the people who have empowered them and of the limitations that they agree not to exceed in the confrontation? Does the soldier’s body not reflect, more so than any words, the nature of the dialogue that a belligerent is trying to develop with his opponent? In other words, is the soldier’s suffering not inevitable, as without it the soldier’s action would not be credible?