Paru dans la nouvelle collection de La documentation Française consacrée aux petits guides de la défense, cet ouvrage clair et concis du journaliste Emmanuel Sérot, actuellement en charge de la rubrique défense de l’afp, dresse un état des lieux précis quant aux principales questions liées à la politique de défense et les différentes réponses à travers desquelles les principales formations politiques entendent y répondre.
Comme le rappelle l’auteur, la défense est au cœur du débat politique, mais reste heureusement loin des querelles politiciennes…
Débat politique singulier s’il en est, qui veut que les questions de défense ne soient plus aujourd’hui l’apanage d’une formation politique plus que d’une autre. Ainsi, le raccourci selon lequel la gauche, par tradition historique liée au pacifisme jaurésien, serait anti-militariste et la droite, traditionnellement belliciste, eu égard aux valeurs propres aux forces armées (ordre, respect, hiérarchie, obéissance, autorité) apparaît totalement anachronique.
Un des principaux mérites de cet ouvrage est justement de démontrer que les lignes de fracture semblent de plus en plus prégnantes entre partisans du même camp : le débat sur le deuxième porte-avion est venu le confirmer.
Ce guide précieux permet ainsi de dresser le panorama complet des enjeux, marqués par une insécurité globale, nécessitant désormais la participation croisée des acteurs de la défense et de la sécurité, pris dans leur acception interne et extérieure, face à laquelle s’inscrivent la refonte du format des armées à l’horizon 2015 et la rédaction du futur « Livre blanc », qui devrait être rédigé d’ici l’automne 2007.
À travers cet état des lieux du débat « politico-militaire », celui sur la professionnalisation, et par voie de conséquence, la recherche d’un « substitut » à ce lien entre la nation et sa défense pourrait se concrétiser par un service civil, obligatoire ou pas, endossé par toutes les formations politiques, il aurait l’insigne mérite de redéfinir ce pacte entre civil et militaire qui fait de la défense et de la sécurité l’affaire de tous…
Dès lors, comme la politique de défense rejoint bien souvent la diplomatie et la géopolitique qui sont autant d’enjeux évoqués par les responsables politiques quand il s’agit de confirmer ou d’infirmer la politique de sécurité globale de la France, l’ouvrage d’Emmanuel Sérot réussit pleinement à en dresser les principaux enjeux qui conditionnent ce débat dans la sphère publique.
Nos forces armées sont aussi engagées lourdement dans de nombreuses opérations extérieures (Côte d’Ivoire, Tchad, République centrafricaine, Kosovo, Bosnie, Macédoine…). Les quelques 30 000 soldats agissant dans le cadre d’opérations de l’onu, de l’otan, de l’ueo, de l’osce, ou sous bannière d’une Politique européenne de sécurité et de défense (pesd) au service de la Politique étrangère et de sécurité commune (pesc), toutes deux plus affirmées, attendent donc des responsables politiques des positions claires qui permettent un engagement total et efficace au service des intérêts nationaux, éventuellement dans le cadre de la défense européenne, au moyen d’une stratégie ambitieuse.
Par ailleurs, la question financière et budgétaire liée au format, à la qualification, à l’autonomie militaire, à la perspective de rechercher les innovations et construire les outils performants pour l’armée de demain a été un des éléments clés de la campagne électorale passée. Les deux principaux candidats à la « magistrature suprême » s’étaient engagés à maintenir l’effort de défense à 2 % du pib, tout en annonçant que les économies qui en seraient dégagées grâce à une gestion plus efficace du budget de la Défense seraient intégralement réinvesties dans l’effort de défense. Pour le nouveau chef des armées, « c’est le seuil incompressible pour disposer de forces armées bien entraînées, bien équipées. »
Ainsi l’Europe et la coopération internationale, la projection accrue des hommes et des matériels, la Révolution dans les affaires militaires (ram) et les nouvelles missions des forces armées marquées entre autre par la gestion post-crise, la coopération civilo-militaire (cimic) éventuellement renforcée, les interactions avec les autres acteurs de la reconstruction que sont les ong, le renforcement du caractère multinational des forces et donc de leur interopérabilité, ont également été au cœur de cette campagne. Finalement il s’est agi de réfléchir sur la place de la France dans le monde comme puissance.
La politique de défense est l’affirmation de l’ensemble des mesures et dispositions de tous ordres prises par le pouvoir politique pour assurer la sécurité et l’intégrité du territoire national et – par ricochet – la paix du peuple qui y vit. Pour le dire en reprenant les termes de l’ordonnance du 7 janvier 1959, la Défense « a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire ainsi que la vie de la population ».
Ces quelques éléments rapidement esquissés, qui ont structuré le débat et ne manqueront pas d’irriguer l’actualité des prochains mois et de l’ensemble de la législature, permettent de mieux comprendre l’environnement dans lequel seront prises les décisions capitales et éminentes, aussi douloureuses soient telles, pour nos forces armées.