N°50 | Entre virtuel et réel

Walter Bruyère-Ostells
Les Maréchaux d’Empire
Les paladins de Napoléon
Paris, Perrin, 2021
Walter Bruyère-Ostells, Les Maréchaux d’Empire, Perrin

Au nombre de vingt-six, les maréchaux d’Empire appartiennent pleinement au patrimoine français, en témoignent la toponymie des rues dans les villes françaises (au premier plan, les boulevards des maréchaux à Paris) ou bien la place de choix qu’ils occupent dans l’iconographie napoléonienne. De nombreux ouvrages leur ont été consacrés ; celui de Walter Bruyère-Ostells s’attache à dépasser l’approche purement biographique pour mettre en perspective ce groupe restreint d’hommes amenés à jouer un rôle décisif dans l’histoire du Premier Empire. Il n’a pas vocation à être exhaustif : la riche bibliographie ouvre vers de nombreux autres ouvrages pour qui s’intéressera à tel ou tel maréchal en particulier – je suggère par ailleurs la lecture des biographies de Bernadotte et Marmont de Franck Favier.

Les Maréchaux d’Empire. Les paladins de Napoléon se divisent en trois parties. La première répartit, après un historique du maréchalat, ces vingt-six hommes en cinq groupes. Walter Bruyère-Ostells l’écrit lui-même : « Cette typologie est discutable, mais c’est justement son mérite : créer de la discussion. » Les vies de ces soldats sont décrites en parallèle au sein de chacun de ces groupes. Si le procédé permet de disposer des données biographiques essentielles pour chacun, la lecture n’est pas toujours fluide : trois maréchaux peuvent se succéder au sein d’un même paragraphe, sans que la transition ne soit claire. Mais ce n’est qu’un défaut minime du livre. De manière générale, le style est au contraire agréable. Cette première partie permet d’accéder au cœur de l’ouvrage.

La deuxième montre les maréchaux à des heures décisives de l’Empire. Rouages essentiels de la machine napoléonienne, ils sont absorbés dans celle-ci grâce à l’attention particulière que leur porte Napoléon alors qu’à l’aube de son ascension ils auraient pu être ses rivaux. Loin de former un groupe homogène, les maréchaux d’Empire gravitent autour de l’Empereur sans lui être indéfectiblement liés. Bernadotte, par exemple, se trouve un nouveau destin en Suède et en 1814-1815, nombre d’entre eux se détachent de l’Empereur et poursuivent leurs carrières sous la Restauration et la monarchie de Juillet.

La troisième et dernière est à mon sens la plus passionnante et va au-delà du rôle joué par les maréchaux sur le champ de bataille. Elle tire le sujet vers le haut en replaçant ces hommes dans l’édifice politico-militaire érigé par Napoléon. Grands officiers de l’Empire du fait de la Constitution de l’an xii, ils tiennent également des fonctions administratives, diplomatiques et politiques. Ils sont, comme l’explique Walter Bruyère-Ostells, à la fois des agents de l’impérialisme français en Europe et les figures de proue de la nouvelle élite que cherche à créer Napoléon, trait d’union entre la monarchie déchue et l’Empire héritier de la Révolution. À ce titre, le développement consacré aux traditions militaires qu’ils incarnent, mêlant les vertus chevaleresques de l’Ancien Régime et le nouveau système militaire porté à son pinacle par les guerres révolutionnaires et impériales, est très intéressant. L’auteur ne délaisse pas la part intime en consacrant plusieurs développements à leurs épouses ainsi qu’au rapport à la mort qu’ils entretiennent.

Walter Bruyère-Ostells a ainsi dédicacé mon exemplaire de son livre : « Cet opus sur les maréchaux d’Empire, pour une perspective sur des parcours d’officiers jusqu’aux plus hauts honneurs qui doivent continuer d’inspirer. » C’est en effet une mise en perspective stimulante qu’il propose à son lecteur. Un livre passionnant qui redonne corps à ces hommes et à ce qu’impliquait pour eux le bâton de maréchal. Cette approche par le haut préserve le lecteur d’une histoire anecdotique et lui donne de la matière à réflexion sur le chef militaire situé aux plus hauts niveaux, à la confluence du politique et du militaire.

Maxime Yvelin

Martin Aurell | Excalibur, Durandal, Joyeuse