Novembre 1944, nord de Berlin, camp de concentration d’Oranienbourg-Sachsenhausen. Des prisonniers arpentent une cour semi-circulaire ; certains chantent, d’autres sifflent. Quarante-huit heures plus tard, la majorité d’entre eux gît sur le sol. Les chimistes nazis y testaient une pilule désignée par le code d-ix, contenant entre autres de la cocaïne, de la pervitine (une méthamphétamine) et de la morphine1, un cocktail supposé rendre les soldats du IIIe Reich infatigables – l’expérimentation est rapportée par Odd Nansen2, le fils du célèbre explorateur norvégien.
Selon une revue militaire australienne, nous assistons aujourd’hui à une déshumanisation progressive du champ de bataille avec l’utilisation de robots armés autonomes ou semi-autonomes, motivée par le désir d’en retirer l’humain en raison de ses faiblesses, de ses limites, notamment sa vulnérabilité physique3. En contrepoint, une école de pensée rivale souhaite voir persister la composante humaine en l’« augmentant ». Combinatoires, ces deux logiques pourraient converger vers une « machinisation » intégrale du théâtre des opérations militaires.
Difficiles à délimiter, objets de nombreuses discussions, les technologies de l’augmentation sont ici envisagées de manière restrictive, comme une intervention non thérapeutique (anthropotechnique), invasive, ayant pour objectif d’optimiser les capacités et les performances de l’humain, d’aller au-delà des standards. Une intervention qui sous-tend un questionnement éthique, juridique et doctrinal inédit. Dans cet article, nous explorerons, au sein de l’armée américaine, l’histoire et l’incidence sur le soldat d’une « augmentation » psycho-cognitive : la puissance au risque d’une désubjectivisation.
- Le fantasme de la toute-puissance
Aux États-Unis, la Defense Advanced Research Projects Agency (darpa) impulse les recherches sur l’« augmentation » du soldat. Produit de la guerre froide, cette institution est née du doute. Fondée en 1958 par Dwight D. Eisenhower, l’arpa – le D pour Defense a été ajouté en 1972 – est la réponse des Américains aux Soviétiques après le choc de la mise en orbite du premier satellite artificiel Spoutnik en 19574. Une compression spatio-temporelle soudaine qui, via un missile balistique intercontinental (R-7 Semiorka), met potentiellement les États-Unis à la portée d’une ogive thermonucléaire en quelques instants. Dotée d’un budget annuel de plus de trois milliards de dollars, l’agence se présente comme un laboratoire et un incubateur de l’innovation5. Son rôle : assurer un leadership technologique militaire permanent afin d’éviter d’être surpris par l’adversaire6.
En 2001, le biologiste Michael J. Goldblatt, directeur du Defense Sciences Office (dso), un service de la darpa, déclarait qu’avec l’omniprésence de la technologie, l’homme était devenu sur le champ de bataille le « maillon faible » de la chaîne de combat, physiologiquement et cognitivement (weakest link)7. Ainsi, l’un des objectifs de l’agence est d’explorer l’« optimisation » des capacités humaines afin d’accroître l’efficacité du soldat.
Alors que l’on peut augmenter le soldat physiquement en stimulant sa masse musculaire avec des stéroïdes anabolisants, le rendre plus endurant avec la prise d’érythropoïétine (epo), nous allons sonder ici l’augmentation psycho-cognitive supposée contrecarrer les réactions physiologiques et émotionnelles naturelles inadéquates du soldat, favoriser une meilleure prise de décision, une décision raisonnable, dans un environnement complexe.
- Une technique déjà disponible : la psychopharmacologie
Exception faite de l’usage de la caféine et de la cocaïne, utilisées depuis longtemps, l’arsenal psychopharmacologique militaire s’enrichit durant la Seconde Guerre mondiale avec les amphétamines, une substance synthétique psychostimulante. Découvertes aux États-Unis en 1928 par le chimiste Gordon Alles (benzédrine), qui en teste les effets sur lui-même, les amphétamines et ses dérivées, les méthamphétamines, sont, dans un premier temps, prescrites pour certaines dépressions et fatigues, la narcolepsie et l’hyperactivité. Elles seront ensuite détournées de leur usage thérapeutique par les troupes américaines, mais aussi anglaises, allemandes (trente-cinq millions de comprimés de méthamphétamines seront utilisés durant la Blitzkrieg entre avril et juin 19408), italiennes et japonaises sous différents noms à des fins « éveillantes »9. Par la suite, la dexédrine (dextroamphétamine) sera largement consommée par les pilotes américains durant les guerres de Corée, du Vietnam et du Golfe ainsi que par les astronautes10.
À partir des années 1950, une critique médicale fait son chemin dans la société civile. On constate que la consommation d’amphétamines génère des addictions, de l’agressivité et des psychoses. En 1968, la Suède est le premier pays à les interdire. En 1970, le Congrès des États-Unis restreint son usage à la narcolepsie et aux troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (tdah). En 1971, la convention de Vienne prohibe les amphétamines à l’échelle internationale11. En revanche, disponibles sous forme de bonbons (candies), les méthamphétamines ne font pas l’objet de contrôle spécifique dans l’armée américaine.
En 1991, coup de théâtre : à la suite de l’opération Tempête du désert, les méthamphétamines sont bannies par le général Merrill A. McPeak dans l’us Air Force au motif que la détermination « naturelle » doit être le seul moteur du soldat12 : « In my opinion, if you think you have to take a pill to face something that’s tough, you’re in the wrong business13. » Son point de vue, perçu comme idéaliste, ne fait pas l’unanimité au sein de l’armée. Dans un rapport, deux officiers supérieurs et un médecin militaire distinguent l’usage des amphétamines dans la société civile de celui dans l’armée. Si l’usage de la chimie peut être immoral dans le sport, la guerre n’est pas un sport. En d’autres termes, ce qui vaut pour la société civile ne vaut pas pour l’armée. Le succès dans le combat n’est pas une question d’équité (fairness) mais de puissance (power). L’objectif : bénéficier d’un avantage comparatif décisif, durable, par rapport à l’adversaire14. Les amphétamines seront réintroduites en 1996 à la faveur d’un changement de commandement15.
En 2002, quatre soldats canadiens sont tués et huit sont blessés près de Kandahar en Afghanistan, victimes d’une bombe à guidage laser larguée d’un avion F-16 américain (Tarnak farm incident). Les pilotes, issus de la prestigieuse United States of Navy Strike Fighter Tactics Instructor Program, ou Top Gun, risquent la cour martiale. Ils invoquent pour leur défense le brouillard de guerre (fog of war), une désorientation informationnelle, la fatigue d’une mission de nuit de plus de dix heures et l’influence de la dexédrine16.
En 2003, un nouveau psychostimulant, proche des méthamphétamines, est testé par l’armée américaine en Irak : le modafinil. Développée par le laboratoire français Lafon17, cette substance « éveillante » a été utilisée pour la première fois par les militaires français lors de l’opération Daguet en 1991 sous le nom de code Virgyl18. Contrairement aux méthamphétamines, la dépendance et les effets secondaires sont rares. Le modafinil permet de rester alerte durant quarante heures. Lors d’expérimentations, des soldats américains auraient été privés de sommeil pendant quatre-vingt-cinq heures19.
- L’intégrité psychologique du soldat
L’éthicienne australienne Jessica Wolfendale met en garde contre une technologie non raisonnée qui, en modifiant cognitivement ou émotionnellement le soldat, conduirait à altérer sa prise de décision, au risque de dissocier le sujet de son action, le rendant ainsi irresponsable au regard des lois, d’une part, et d’autre part, incapable de comprendre et de réfléchir aux conséquences morales de son acte20. Loin d’être prospective, cette problématique se pose d’ores et déjà avec la gestion de l’état de stress post-traumatique (espt).
En 2012, on diagnostiquait 18 % de stress post-traumatiques chez les soldats américains qui revenaient d’Irak et 11 % chez ceux qui revenaient d’Afghanistan. 75 % de ces soldats pratiquaient l’automédication pour atténuer leurs symptômes. De 6 % à 8 % des militaires d’active qui tentent de se suicider aux États-Unis en seraient atteints21. La persistance et l’intensité de l’inscription d’un souvenir dans notre mémoire dépend de la quantité de noradrénaline et de dopamine sécrétées durant l’événement (neurotransmetteurs qui consolident la mémoire et qui activent les amygdales, fortement impliquées dans la genèse de la mémoire émotionnelle). Plus l’intensité de l’événement est importante, plus les taux de neurotransmetteurs sont élevés et plus l’engrammage ou trace biologique du souvenir sera vivace. Lorsque la personne se remémore l’événement, celui-ci, associé aux émotions de l’expérience traumatique, libère à nouveau la noradrénaline22.
Une molécule découverte dans les années 1960, le propranolol, bloque la fixation de la noradrénaline. Pris après le choc traumatique, cette drogue, combinée le plus souvent avec une psychothérapie fondée sur la réécriture du souvenir23, affaiblirait le stress post-traumatique en modulant le souvenir dans une phase de plasticité transitoire. Doit-on donner du propranolol préventivement au soldat ou seulement après une expérience traumatique afin de dégrader la trace mnésique potentiellement pathologique ?
En raison d’un événement violent, comme un accident de la route, ou symbolique, comme une commémoration militaire, le stress post-traumatique peut avoir un déclenchement très décalé dans le temps. Ce produit affecte-t-il uniquement la « cible » visée ? N’est-ce pas mettre en danger le soldat en le coupant d’une partie de son expérience ? Plus encore, cette pratique ne risque-t-elle pas de rendre le soldat indifférent, d’en faire une « machine » à tuer ?
Ainsi « augmenté », le soldat conservera-t-il son intégrité, au sens d’une compréhension pleine et entière de la responsabilité de ses actes qui permet au sujet d’autonomiser sa décision, se sentir coupable, avoir des regrets, des remords ? En altérant potentiellement le « je », cette « augmentation » ne va-t-elle pas affecter son libre arbitre et par là même sa responsabilité morale, ce qu’il s’impose, ce qu’il s’interdit ? Ne risque-t-on pas de briser l’unité psychique de l’individu, de générer une dissociation, une étrangeté à soi-même, une aliénation qui se répercutera dans la société24 ?
- Le soldat est-il un sujet comme les autres ?
Le soldat est-il un sujet comme les autres ? Peut-il refuser une « augmentation » ? Si l’expérimentation contrainte est interdite, l’institution militaire demeure coercitive et encourage l’obéissance à la hiérarchie. Si le soldat, a priori, a des droits et peut contester un ordre, en contexte a-t-il le choix d’une « augmentation » qui peut avoir des conséquences graves pour sa santé, comme une addiction, ou pire encore ? Bénéficiera-t-il d’un consentement libre et éclairé ? A-t-il une pleine et entière compréhension de ce qu’on lui fait ? Au regard de l’histoire, il y a peu de raison d’être optimiste25.
Dans les dernières décennies, l’armée américaine ou la cia ont plus d’une fois utilisé les personnels militaires comme cobayes en les exposant délibérément au gaz moutarde, à des radiations atomiques (Atomic Veteran) ou à des psychotropes hallucinogènes comme le lsd (programme mk-Ultra)26, générant des modifications de conscience, et ce contrairement au Code de Nuremberg (1947) et à la Déclaration d’Helsinki (1964), fondements de la bioéthique, qui rendent impératifs le consentement volontaire et éclairé du sujet, un résultat pratique bon pour la société qui ne peut être obtenu par d’autres moyens, et l’éviction de toute souffrance et ou dommage physique et mental non nécessaires.
Plus récemment, durant la guerre du Golfe, entre 1990 et 1991, l’armée américaine a prescrit à ses soldats, sans consentement éclairé, des produits classés expérimentaux (non approuvés par la Food and Drug Administration) destinés à les protéger, de façon préventive, contre les gaz neurotoxiques qui auraient pu être utilisés par Saddam Hussein, comme le sarin et le soman. En voulant protéger ses militaires, l’armée les a empoisonnés27. Le bromure de pyridostigmine associé à une exposition à de nombreuses substances chimiques (soixante-huit auraient été répertoriées), notamment un pesticide puissant utilisé contre la mouche des sables, a ainsi généré chez certains soldats des problèmes de mémoire, des douleurs multiples, des maux de tête chroniques, des problèmes intestinaux, de concentration ainsi que des difficultés respiratoires. Certains soldats ont déclaré des tumeurs cérébrales, des enfants de soldats sont nés avec des malformations thyroïdiennes28. Ce syndrome dit « de la guerre du Golfe », qui toucherait au moins un quart des sept cent mille soldats déployés en Irak entre 1990 et 199129, montre comment un problème initialement militaire a pu affecter la société américaine dans son ensemble.
- Conclusion
Nous avons observé l’enracinement de la volonté de modifier l’humain dans l’expérimentation contrainte et mis en évidence le lien à venir possible entre l’« augmentation » psycho-cognitive (comme puissance) et la désubjectivisation du soldat. Un renversement peut être opéré : modifier l’humain pour la guerre, altérer le sujet, c’est le risque, mais aussi peut-être l’opportunité de faire plan avec la machine. En effet, l’augmentation à venir portera moins sur sa forme historique, la chimie, que les interfaces cerveau-machine. Loin d’être limitées à la sphère américaine, ces recherches sont aussi menées en Russie, en Chine, moins contraints éthiquement, et en France dans une moindre mesure. Une logique domine : si l’on renonçait à augmenter ses soldats, les autres nations seront-elles aussi scrupuleuses ? Ainsi, la convergence des moyens, la disponibilité de « cobayes » et la rivalité objective entre les nations font de l’armée une des forges de l’humain « augmenté ». Comment cette augmentation va-t-elle affecter la conduite de la guerre et les règles juridiques qui la régissent (jus in bello) ? Comment la réflexion doctrinale va-t-elle s’en emparer ? Nous sommes dans l’« ouvert », un ouvert à anticiper.
In fine, le « super-soldat » n’est-il pas une illusion ? Pour Michel Goya, ancien officier des troupes de marine, historien et spécialiste de l’innovation militaire, l’augmentation de la puissance est toute relative. L’obstination de l’ennemi sera de trouver des failles. Plus encore, il fait l’hypothèse qu’avec le soldat augmenté, la rencontre avec l’ennemi sera difficile. Pour combattre un ennemi, il faut accepter de le rencontrer et pour cela il faut un minimum de ressemblance, d’où la nécessité d’intégrer, selon lui, d’ores et déjà, une rétro-évolution30. Le fantasme de la toute-puissance se heurte au mur du réel.
Dans la documentation étudiée, un texte discordant a attiré notre attention. Il montrait l’importance grandissante accordée par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan à la connaissance de l’autre, ses spécificités culturelles, religieuses : l’anthropologie comme puissance31.
1 N. Ohler, L’Extase totale. Le IIIe Reich, les Allemands et la drogue, Paris, La Découverte, 2016, pp. 219-224.
2 O. Nansen, From day to day, New York, G.P. Putnam’s sons, 1949, p. 411 [Fra dag til dag, Oslo, Dreyer, 1946].
3 M. Beard, J. Galliott et S. Lynch, « Soldier Enhancement. Ethical Risks and Opportunities”, Australian Army Journal, autumn, vol. XII, n° 1, 2016, p. 6.
4 P. Dickson, Sputnik. The Shock of the Century, New York, Walker Publishing Company, 2007, p. 20.
5 Le budget global de la défense américaine était de 615 milliards de dollars en 2015, soit 3,5 % du pib (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm). En comparaison, celui de la France est de 32 milliards d’euros en 2018, soit 1,8 % du pib.
6 A. Jacobsen, The Pentagon’s Brain. An uncensored history of darpa, american’s top-secret military research Agency, New York/Boston/London, Little, Brown and Company, 2015, p. 6.
7 M. Goldblatt, “darpa’s Programs in enhancing human Performance”, in M. C. Roco, W. Sims Bainbridge et National Science Foundation (eds), Converging Technologies for Improving Human Performance, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 2003, p. 337 ; V. Guérin, “The concept of enhanced soldier: beyond boundaries”, in Saint-Cyr Military Academy Research Center, International Society For Military Ethics in Europe, Enhancing Soldier: A European Ethical Approach, Enriched proceedings of the symposium held on October 16 2019 in Paris, 2020, pp. 44 - 59.
8 N. Rasmussen, On speed. The many lives of Amphetamine, New York/London, New York University Press, 2008, p. 6 et 54.
9 P. Nouvel, Histoire des amphétamines, Paris, puf, 2009, pp. 31 et 65.
10 Ibid. pp. 121–122.
11 Cf. « Le déclin », ibid., pp. 135-177.
12 R. Cornum, J. Caldwell et K. Cornum, « Stimulant use in extended flight Operations », Airpower, spring 1997.
13 « us combat pilots on speed », ABC News, 20 décembre 2012, http://abcnews.go.com/2020/story?id=123778
14 R. Cornum, J. Caldwell et K. Cornum, op. cit.
15 M. J. Mehlman, « Captain America and Iron Man. Biological, genetic and psychological Enhancement and the warrior Ethos”, in G. Lucas (ed.), Routledge handbook of military Ethics, New York/London, Routledge, 2015, p. 408; T. Shanker et M. Duenwald, “Threats and responses. Military. Bombing Error puts a spotlight on pilots’Pills », NYT, 19 janvier 2003.
16 P. Lin, M. J. Mehlman et K. Abney, The Greenwall Foundation, 2013, p. 6; M. J. Mehlman, op. cit., p. 408.
17 Le laboratoire Lafon a été racheté en 2001 par la société de biotechnologie américaine Cephalon.
18 Assemblée nationale, « Rapport d’information sur les conditions d’engagement des militaires français ayant pu les exposer, au cours de la guerre du Golfe et des opérations conduites ultérieurement dans les Balkans, à des risques sanitaires spécifiques », 2001.
19 P. Lin, M. J. Mehlman et K. Abney, Enhanced warfighters. Risks, Ethics and Policy, op. cit., p. 6; M. J. Mehlman, « Captain America and Iron Man. Biological, genetic, and psychological enhancement and the warrior Ethos », op. cit., p. 408.
20 J. Wolfendale, “Performance-enhancing technologies and moral responsibility in the Military”, The American Journal of Bioethics, 8 (2), 2008, pp. 28–38.
21 S. P. Christina et al., “Pharmacological prevention of combat-related ptsd. A literature Review”, Military Medecine, 177, 6:649, 2012.
22 A. Snoek, “Among Super Soldiers, Killing Machines and addicted Soldiers. The ambivalent relationship between the military and synthetic Drugs”, in J. C. Galliott et M. Lotz (edi), Super Soldiers. The Ethical, Legal and Social Implications, Abingdon-on-Thames, Routledge, 2016, pp. 104 -105.
23 A. Brunet, D. Saumier, A. Liu, D. L. Streiner, J. Tremblay et R. K. Pitman, « Reduction of ptsd symptoms with pre-reactivation propranolol therapy: a randomized controlled trial », American Journal of Psychiatry, 175-5, mai 2018, pp. 427-433.
24 Le sociologue et philosophe Hartmut Rosa utilise le concept de dissonance : « Sans un rapport au monde intact, il ne peut y avoir de rapport à soi réussi, et vice versa » (Rendre le monde indisponible, Paris, La Découverte, 2020, p. 31).
25 Selon l’Uniform Code of Military Justice, le soldat américain doit obéir à un ordre « légal » (art. 90 et 92). Cela suppose, a priori, qu’il peut refuser un ordre illégal (en France, selon le Code de la défense, un soldat peut contrevenir à un ordre illégal ou contraire aux règles du droit international, même s’il devra affronter sa hiérarchie, la chaîne de commandement). Obliger un soldat à prendre du modafinil ou du propranolol, est-ce légal ? Oui, car ces substances ont un usage thérapeutique reconnu. Si le soldat refuse de prendre ces substances, convaincu que cela n’est pas bien, il fait preuve de désobéissance morale. Lors de la guerre du Golfe, un soldat américain qui refusait le vaccin contre la maladie du charbon (anthrax), considéré comme sans danger et efficace par la Food and Drug Administration (fda), était passible de la cour martiale. Néanmoins, si ces substances sont légales en nature, l’usage pose problème, car elles sont détournées de leurs prescriptions thérapeutiques à des fins anthropotechniques : l’augmentation des capacités psycho-cognitives. Le propranolol est un bêta bloquant utilisé contre l’hypertension, l’arythmie, les douleurs cardiaques (angor), le glaucome. Le modafinil, quant à lui, est donné dans les cas de narcolepsie et d’hypersomnie. La prise de ces substances n’est pas anodine, elle comporte des risques. Dissocié du protocole de soin, le dosage est aussi problématique.
26 C. A. Milner, “Gulf War guinea pigs: Is informed consent optional during war?”, Journal of Contemporary Health law & Policy, vol. 13, issue 1, 1996, p. 202; J. Marks et A. Lani, The search for “The manchourian candidate”. The CIA and mind control, London, Penguin Books, 1978; C. A. Ross, The CIA doctors: human rights violations by American psychiatrists, Richardson, Manitou Communications, 2006; us Senate Hearing on mkultra, 1977.
27 C. A. Milner, « Gulf War guinea Pigs. Is informed consent optional during War?”, op. cit., p. 200.
28 P. Fréour, « Le syndrome de la guerre du Golfe est dû à des agents chimiques », Le Figaro, 24 août 2014.
29 Gulf War Illness and the Health of Gulf War veterans, scientific findings and recommendations, Research advisory committee on Gulf War veterans Illnesses, novembre 2008, p. 3.
30 M. Goya, « Du bon dosage du soldat augmenté », Inflexions n° 32 « Le soldat augmenté », 2017, pp. 93-106.
31 B. Gurgel et A. Plaw, « The super Soldier as scholar. Cultural knowledge as Power”, in J. C. Galliott et M. Lotz (ed.), op. cit., pp. 36–48.