N°46 | S’engager

Gabriel Garrote

Les origines de la débâcle de 1870

Le 19 juillet 1870, abusé par le chancelier prussien Bismarck, poussé par un entourage qui y voit l’occasion de raffermir l’autocratie impériale, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Six semaines plus tard et sans avoir remporté de réelle victoire, l’empereur et son armée sont défaits à Sedan le 2 septembre 1870. Le souverain abdique, ce qui provoque une crise politique qui voit le rétablissement de la République mais ne permet pas de mettre un terme au conflit qui se poursuit jusqu’au 20 janvier 1871. Zola résume en un mot l’ampleur de la défaite impériale : « La débâcle1. » Celle-ci marque les contemporains et rejaillit durablement sur le régime, dont elle accrédite la légende noire.

De fait, sa responsabilité ne peut être contestée au regard de l’immobilisme et de l’aveuglement des autorités politiques et militaires. Pourtant, après les difficultés rencontrées en Crimée (1853-1856) et la victoire de la Prusse sur l’Autriche en 1866, Napoléon III, conscient des lacunes de son armée et de la menace prussienne, tente d’impulser des réformes, sans toujours parvenir à imposer ses vues ou obtenir les effets escomptés. Attaché militaire à Berlin de 1866 à 1870, le lieutenant-colonel Stoffel s’efforce quant à lui d’alerter les autorités qui, d’après son rapport du 22 juillet 1868, vivent « dans l’ignorance la plus complète de tout ce qui concerne la Prusse, la nation et l’armée prussiennes » et s’illusionnent sur la puissance française2. S’il admet la supériorité du soldat français, il constate que l’armée prussienne l’emporte partout ailleurs, tant en matière d’armement que de commandement, de formation des cadres que d’organisation militaire, ou encore dans le rapport de force. Toutefois, les illusions du pouvoir ne suffisent pas à expliquer les ressorts de la débâcle. Des facteurs structurels, politiques et sociaux, profondément ancrés dans le régime et la société ainsi que dans le milieu des officiers, la préparent indubitablement.

  • Armes et matériels

Consubstantielle à l’identité militaire, la tenue concourt à fondre l’individu dans un tout uniforme. Sa coupe contraignante renforce la sujétion du soldat par le contrôle de son corps, au risque de réduire sa liberté de mouvement pourtant essentielle face aux progrès de l’armement3. Si des évolutions se font jour dans les années 1860 et libèrent le corps, elles demeurent insuffisantes et ne tiennent pas compte des réflexions sur l’invisibilité du soldat4. Le lieutenant Devaureix déplore ainsi le contraste frappant entre son uniforme et celui de la troupe qui le désigne pour cible « même pour un ennemi placé à mille mètres »5, alors que les officiers allemands arborent une tenue similaire à celle de leurs soldats6.

L’entrée en service du fusil Chassepot simplifie le fourniment du fantassin avec l’apparition de cartouchières aux côtés de la giberne. D’une grande précision, efficace jusqu’à trois cents mètres, mais portant jusqu’à mille cent, et d’une cadence de tir élevée, il souffre néanmoins d’un encrassement rapide susceptible d’interrompre celui-ci. Il n’en surpasse pas moins le Dreyse allemand, mais ce dernier est bien connu des soldats prussiens, à la différence du Chassepot, agréé en 1866, mais distribué à la veille du conflit et « mal manié faute d’une instruction suffisante »7.

Outre son arme, le fantassin français supporte un sac de trente kilos, charge excessive qui provoque l’égrènement de la troupe le long des routes, sinon la « détresse » des plus chétifs8. En effet, il lui est prescrit d’emporter dans son sac « tout ce qu’on pourrait y mettre »9, afin de pallier les déficiences de l’administration militaire. À l’opposé, l’infanterie prussienne, avec un paquetage d’un poids supportable et l’habitude des longues marches, progresse rapidement. De plus, les Allemands cantonnent leurs hommes dans les bourgs et villages où ces derniers peuvent reconstituer leurs forces à l’abri des intempéries et des vues ennemies. Les Français, eux, bivouaquent sous la tente, cuits par le soleil et trempés par l’eau, comme le relate Louis Ratel : « Ce n’était que de la boue, nous avons été obligés de passer la nuit dans cette position et cependant nous étions mouillés jusqu’aux os10. » Aisément décelables, ces bivouacs constituent une cible de choix pour l’artillerie ennemie.

Le ministère de la Guerre ne consacrant que 2 % de ses dépenses à la modernisation de l’armement, les crédits affectés à la fabrication du Chassepot le sont au détriment de l’artillerie, ce qui conduit à reporter la rénovation du parc, pourtant réclamée par l’empereur. Dans les années 1850, celle-ci pâtit d’un réflexe courtisan de l’entourage impérial qui s’y montre hostile afin de maintenir en service le « canon de l’empereur », petit obusier de 12 présenté par Napoléon III et adopté en 1853. Ce canon, qui permet de tirer boulet, obus, boîte à mitraille et shrapnel, se substitue aux pièces de campagne de 8 et de 12, et réduit le nombre des munitions utilisées, simplifiant ainsi la production et la logistique.

Le « système La Hitte », qui entre en service en 1859 lors de la campagne d’Italie, voit l’apparition des premiers canons rayés. Il comprend des pièces de campagne de 4 et de 12, d’une portée utile de deux mille à deux mille cinq cents mètres, et des pièces de siège et de place de 12, 16 et 24. L’acier et le chargement par la culasse sont également expérimentés, mais sont insuffisamment maîtrisés aux yeux du commandement pour être adoptés. En effet, le principe de l’unité d’armement au sein de l’artillerie suppose de changer le matériel et les munitions en bloc. Or cette opération très coûteuse ne peut s’opérer qu’une fois le nouveau système parfaitement au point, ce qui n’est pas le cas sous le Second Empire11. Cependant, si le chargement par la gueule et l’emploi du bronze sont maîtrisés, ils ne permettent pas aux canons français de rivaliser avec les canons prussiens modernes, dont la cadence de tir et la portée surclassent le matériel français et permettent aux Prussiens d’écraser les unités françaises sans être inquiétés en retour.

Certes, l’armée française bénéficie de deux innovations majeures : les fusées percutantes et le canon à balles. Les premières sont à l’étude dès avant 1860, mais les conditions de sécurité imposées interdisent d’en produire avant le 11 février 1870. Il s’ensuit qu’à de rares exceptions près, les unités sont uniquement dotées de fusées fusantes à évents conçues pour exploser à distances déterminées, ce qui limite la capacité à neutraliser un ennemi mobile. De plus, n’explosant pas au choc, elles éclatent en vol ou s’enfoncent dans le sol, ce qui réduit leur effet destructeur. Depuis 1868, l’armée française dispose également d’un canon à balles mis au point par le capitaine de Reffye. D’une portée d’environ mille cinq cents mètres, il projette des gerbes de vingt-cinq cartouches et peut tirer jusqu’à cent vingt-cinq coups par minute. Toutefois, seules cent quatre-vingt-dix pièces ont pu être produites. De plus, le secret qui entoure sa conception ne permet pas d’en faire l’instruction auprès de la totalité des cadres. En outre, au lieu de jouer un rôle d’appui-feu d’infanterie, contrebalançant un rapport de force défavorable, ce canon est inutilement employé pour contrebattre l’artillerie ennemie12. Enfin, sa fabrication réduisant le budget alloué à la production de canons en bronze, les Français alignent deux fois moins de pièces que leurs adversaires13.

L’emploi préconisé du canon à balles illustre les lacunes de la doctrine d’emploi de l’artillerie. En effet, les règlements n’abordent pas la question du combat interarmes, ne s’interrogent pas sur le rôle de l’artillerie dans les guerres à venir, et ne laissent pas à cette arme la liberté de manœuvre et d’action nécessaire14. À l’inverse, l’artillerie prussienne tire les conséquences de la campagne de 1866 contre les Autrichiens. Cette dernière définit de nouveaux procédés qui s’appuient sur la mobilité afin de concentrer la puissance de feu sur un point clé du dispositif ennemi avant une réarticulation rapide pour échapper aux tirs de contre-batterie. L’artillerie française, au contraire, manque de souplesse et n’agit pas par masse, même si des généraux tels que Bourbaki ou Ladmirault adoptent ce procédé à Rezonville et à Saint-Privat.

Sous le Second Empire, la cavalerie délaisse les actions de reconnaissance ou de couverture, et réserve ses unités, lourdes et légères, pour mener des charges massives, voulues décisives. Ces dernières répondent à l’idéal de l’officier monté et rappellent combien les campagnes napoléoniennes demeurent l’horizon d’attente d’une guerre européenne. Elles illustrent aussi l’influence des expéditions ultramarines, où la cavalerie est employée avantageusement face à un adversaire mal armé et peu instruit. Or les progrès des armes portatives d’infanterie et, plus encore, ceux de l’artillerie rendent illusoire la rupture par le choc. En témoigne le capitaine Casadavant qui se rappelle le « monceau de cadavres, de chevaux et d’hommes » des vagues dressées face à lui et qui achèvent de briser son élan15. À défaut de pouvoir rompre le dispositif ennemi, la cavalerie se sacrifie pour laisser au gros des forces le temps de se replier.

Les progrès de l’artillerie entre 1840 et 1870, en particulier l’apparition de matériels rayés et d’obus à forte charge explosive, requièrent l’adaptation technique des forteresses. Alors que cent millions de francs auraient été nécessaires, seuls trente-neuf sont débloqués pour de nouveaux forts ébauchés en 1867 seulement. L’efficacité du système de fortification pâtit aussi de la déforestation qui multiplie les axes de pénétration. En effet, dans la mesure où la forêt canalisait l’ennemi et entravait ses déplacements, les armées étaient destinées à manœuvrer à partir de places pivots. Or, en 1867, l’Argonne n’est plus un obstacle infranchissable. Dans le même temps, l’expansion du chemin de fer bouleverse la géographie des places fortes : les nœuds ferroviaires se substituent aux carrefours routiers comme zones clés de la défense, les rocades favorisent la défense, tandis que les pénétrantes sont susceptibles d’avantager l’ennemi. Si une prise de conscience se fait jour, elle apparaît tardive et pâtit de l’absence d’autorités capables d’arrêter les priorités, d’impulser un renouveau et d’opérer une synthèse entre les capacités de manœuvre de l’armée, la maîtrise technique et la puissance de l’armement. Ce constat vaut pour les autres armes, qui ne placent pas le facteur technique au cœur de la doctrine d’emploi.

  • Hommes et formation

L’armée française de 1870 est une armée professionnelle, qui réunit environ deux cent quatre-vingt mille hommes lors des premiers engagements. Cette force apparaît insuffisante face aux quelque cinq cent mille soldats allemands bien entraînés. Pourtant critique à l’égard de son recrutement et dubitatif quant à ses capacités, Napoléon III ne prend conscience de la faiblesse numérique de son armée qu’après la victoire prussienne de Sadowa (1866). Elle révèle la situation critique dans laquelle se trouve la France, incapable d’aligner guère plus de deux cent mille soldats face à un État qui en a mobilisé plus du double en un mois16. Le recrutement français repose alors sur un système de tirage au sort et d’exonération. Ceux qui ont tiré un « bon numéro » ou ont payé pour échapper au service sont dépourvus d’instruction, malgré des tentatives visant à établir une réserve qui leur aurait inculqué les rudiments militaires17.

Inquiet, Napoléon III entreprend donc d’instaurer un service militaire obligatoire sur le modèle prussien. Depuis 1859, les Prussiens âgés de vingt ans accomplissent un service de sept ans avant d’être versés dans la Landwehr (la réserve) jusqu’à leurs quarante ans. Ils sont soumis à des convocations annuelles et peuvent être appelés à renforcer la troupe. Au-delà, et jusqu’à cinquante ans, ils assurent la garde du territoire. Le projet de l’empereur est confié au maréchal Niel, nommé ministre de la Guerre en janvier 1867. Il prévoit un service de six ans, dans l’active pour les « mauvais numéros », dans la réserve pour les « bons numéros ». À l’issue de ces six années, tous entreraient dans une garde mobile, inspirée de la Landwehr, pour trois ans18. La réserve cesserait « d’être un “dépôt de recrues”, et son entraînement, jugé indispensable », doterait chaque citoyen d’une instruction complète19. Enfin, si l’exonération demeurerait pour l’active et la réserve, elle disparaîtrait pour la garde mobile. Cette nouvelle organisation doit aboutir à la constitution d’une armée de plus de huit cent mille hommes, moitié d’active, moitié de réserve, renforcée par une garde mobile de quatre cent mille hommes pour le service territorial.

Toutefois, des oppositions venues de tous horizons se font jour. La bourgeoisie urbaine et la paysannerie aisée ne veulent pas que leurs enfants leur soient enlevés, se désintéressent de la carrière des armes ou craignent les conséquences économiques d’une guerre. Elles se montrent donc hostiles au projet et font pression sur les députés. Quant au peuple, il redoute l’impôt du sang et aspire avant tout à améliorer ses conditions de vie. Les militaires s’y opposent également, persuadés de la supériorité d’une armée professionnelle, tandis que les républicains craignent l’accroissement du despotisme napoléonien et les libéraux la militarisation du pays. Aussi la loi Niel votée en janvier 1868 dénature-t-elle la volonté de l’empereur. La durée du service est portée à neuf ans, dont cinq dans l’active et quatre dans la réserve. Le tirage au sort est maintenu, l’exonération supprimée et le remplacement rétabli. La notion de réserve est inscrite dans la loi et la création d’une garde mobile est actée, mais le principe d’un service militaire universel est rejeté, l’instruction de la réserve se limite à quinze jours annuels et rien n’est prévu pour organiser la garde mobile.

Ainsi, sous les dehors d’une armée de conscription, l’armée impériale demeure une armée professionnelle aux effectifs insuffisants20. Elle se compose principalement de fantassins-paysans, que le temps de service permet de transformer en soldats professionnels. Ils sont rompus aux rigueurs de la vie militaire et jouissent d’une bonne résistance physique leur permettant de porter leur lourd paquetage sur plusieurs dizaines de kilomètres, à l’image du soldat Quentel qui ne parcourt pas moins de quatre-vingts kilomètres en deux jours après une bataille de douze heures et deux nuits écourtées21. Toutefois, la troupe n’est pas homogène et la réserve ne saurait rivaliser avec les hommes qui servent sous les drapeaux depuis plusieurs années, d’autant que la brièveté de la campagne n’en permet pas l’amalgame, sans pour autant remettre en cause la cohésion de l’ensemble22.

Jusqu’à la veille du conflit, la formation du soldat français s’adosse à des règlements surannés, d’une minutie et d’un formalisme déconnectés des réalités du terrain. Les manuels étant réservés aux officiers, l’instruction dispensée par les sous-officiers est souvent rudimentaire et se fait « à l’imitation ». Les faibles capacités reconnues aux hommes du rang conduisent d’ailleurs à ne pas pousser loin l’instruction technique. La formation s’appuie sur une discipline de fer, non exempte de brutalité, et sur la répétition d’exercices individuels et collectifs23. Il s’agit de conditionner le soldat au moyen d’actes réflexes, d’endurcir son corps et son esprit, et de s’assurer une obéissance passive aux ordres donnés sous le feu ennemi. Autrement dit, le xixe siècle forge un « soldat-machine »24 incapable d’initiative et peu apte à affronter la complexité croissante des combats25, et dont l’ardeur sur le champ de bataille ne repose pas sur le facteur moral, pourtant essentiel pour éviter la désagrégation des troupes26.

Si des modifications s’observent dans la décennie qui précède la guerre, elles n’ont pas le temps de porter leurs fruits, d’autant que les soldats manquent d’entraînement et d’encadrement. Les vingt-quatre mille officiers que compte l’armée à la veille de 1870 sont rarement à la caserne. À peine plus nombreux, les vingt-neuf mille cinq cents sous-officiers français n’offrent pas un taux d’encadrement suffisant. De plus, l’armée n’assure pas, ou très mal, l’instruction de ces derniers, qui se limite souvent à celle reçue lors de leur incorporation. Routiniers en temps de paix, plus âgés que leurs homologues prussiens, ils n’en demeurent pas moins de bons meneurs d’hommes en campagne27. Il faut néanmoins attendre la fin du siècle pour que le commandement prenne conscience du rôle clé de ces cadres de contact.

Une double pénurie touche le recrutement des officiers. D’une part, l’insuffisance de la solde, le nomadisme et les obligations militaires détournent nombre de jeunes gens capables de la carrière des armes. Le faible nombre de candidats aux écoles de Saint-Cyr, en particulier, et de Polytechnique ne permet pas d’opérer une sélection rigoureuse. D’autre part, le nombre des officiers qui en est issu ne couvre pas les besoins de l’armée. Il aurait fallu pour cela doubler le nombre des reçus, au détriment de la qualité du recrutement. D’autant que la hausse des effectifs de l’armée dans les décennies qui précèdent la guerre de 1870 s’accompagne d’un besoin croissant de cadres. Aussi la promotion d’une majorité d’officiers issus du rang s’avère-t-elle indispensable, plus encore après des campagnes meurtrières28. Or ces derniers ne bénéficient d’aucune formation générale et militaire ; tout au plus est-il exigé d’eux, à partir de 1852, un degré d’« instruction générale sans laquelle un officier ne saurait tenir convenablement sa place »29, terminologie des plus vagues. Cependant, à leur sortie d’école, saint-cyriens et polytechniciens s’avèrent aussi dépourvus de moyens que leurs camarades issus du rang.

De fait, la formation dispensée en école demeure insatisfaisante. L’enseignement délivré à Saint-Cyr est médiocre. Sans rapport avec l’art de la guerre, l’académique est jugé inutile, tandis que les cours militaires ne préparent pas l’élève-officier à son futur rôle30. Comme le confesse un ancien élève : « J’aurais été bien embarrassé de conduire ma section sur une route, dans un pays ennemi de la mener au combat, de défendre une position ; mais j’aurais raconté imperturbablement la bataille d’Austerlitz31. » La formation n’incite pas à l’émulation intellectuelle des élèves, qui dédaignent l’étude et toute forme de réflexion sur l’art militaire. Ce mépris s’enracine dans la croyance qu’il suffit de connaître les règlements par cœur, de faire marcher la troupe et de lancer des ordres sonores pour être un officier accompli. Il tient encore au fait que la carrière ne doit rien au classement et aux connaissances acquises, mais repose sur le capital social et sur la capacité à s’illustrer sur le champ de bataille. À la tête de l’école de 1880 à 1881, après en être sorti trente ans plus tôt, le général Choleton reste imprégné de cet état d’esprit lorsqu’il harangue les élèves : « Sorti de Saint-Cyr le dernier de ma promotion et toujours le plus puni, cela ne m’a pas empêché d’être général avant tous mes camarades32. »

Certes, Polytechnique, sans être exempte de critiques, se distingue de Saint-Cyr par son concours plus sélectif et son instruction de qualité. À leur sortie, les polytechniciens parfont leurs connaissances à l’école d’application de l’artillerie et du génie. Cependant, même de qualité, la formation reste théorique, tout comme l’est celle des officiers du corps d’état-major qui, après deux années d’enseignements et une période de stage en régiment, se traduisant rarement par un commandement effectif, perdent de vue les réalités du terrain et la vie militaire. En définitive, non seulement on n’y questionne jamais les grands problèmes de la guerre et de la stratégie, mais « un jeune officier sortant de l’école d’application eût été hors d’état d’appliquer sur le terrain, à l’art de la guerre, ce qu’on lui avait appris sur les bancs »33. Pourtant, une fois en poste, fantassins ou cavaliers, artilleurs ou sapeurs et officiers d’état-major ne reçoivent plus d’autres enseignements, car il est admis que « seule la guerre apprend la guerre »34. L’expérience du terrain aguerrit toutefois les officiers de contact qui accomplissent leur devoir et font preuve de courage. Cependant, jusqu’à la Crimée (1853-1856), le combat n’est mené qu’outre-mer et ne prépare pas les forces au futur conflit européen.

Pourtant, après la Crimée, Napoléon III prend conscience des difficultés d’organisation et de coordination de l’armée française. C’est afin d’y remédier que le camp de Châlons est créé en 1857. Des manœuvres annuelles doivent y préparer troupes et officiers à mener des actions interarmes fluides en conditions réelles. Ces manœuvres pâtissent toutefois d’un formalisme persistant et s’avèrent hors de toute réalité. En effet, tout y est arrêté d’avance et les hommes n’y font que jouer un rôle prédéfini. Dans ces conditions, il devient impossible au soldat d’apprendre à conserver son sang-froid sous le feu ennemi et à exécuter rapidement des déplacements complexes. Ce défaut d’entraînement se ressent quand, en 1870, les tirs d’artillerie ennemis sèment désordre et terreur dans les rangs. Affolés, les hommes tirent aveuglément, en pure perte, pour se donner du courage, épuisant leurs munitions, encrassant leur fusil et blessant leurs camarades lancés à l’assaut35. Ainsi, bien que les caractéristiques techniques du Chassepot permettent de déchaîner un feu à volonté d’une extrême violence, sa puissance de feu ne vaut rien sans la qualité de la formation.

De même, officiers supérieurs et généraux ne se préparent pas à déceler les positions ennemies, à prendre des initiatives ou à faire preuve de réactivité et d’adaptation. Pire, ils ne commandent pas leurs hommes ni ne mènent des actions interarmes, d’autant qu’ils méconnaissent bien souvent les armes dont ils ne sont pas issus36. De plus, loin d’envisager une guerre moderne, on y rejoue des batailles du Premier Empire où se révèle la sclérose d’une pensée militaire qui néglige les évolutions clés dans les domaines ferroviaire, de l’artillerie ou encore de la télégraphie. L’élévation de la cadence de feu et l’élargissement des zones dangereuses conduisent certains officiers à préconiser la substitution de la compagnie au bataillon comme unité tactique de base et à tirer le meilleur parti des tirailleurs, en vain. Le choc continue de prévaloir, alors même que les assauts d’infanterie à la baïonnette et les charges de cavalerie s’avèrent de plus en plus meurtriers et inefficients. Massives et peu maniables, les formations offrent des cibles faciles pour l’artillerie ennemie.

  • Empire et empereur

« Fils de la légende napoléonienne »37, Louis-Napoléon Bonaparte bénéficie du souvenir de son oncle autant qu’il en est victime. S’il lui offre la présidence de la République en 1848 en ralliant les trois quarts des voix sur son nom, il laisse le neveu dans l’ombre de celui qui a dominé l’Europe. De fait, sans être dénué d’aptitudes militaires et de vision politique, il n’est pas jugé à la hauteur par une partie de l’opinion. Conscient qu’« il n’avait ni Marengo ni les Pyramides derrière lui, il n’[a eu] de cesse que d’avoir remporté bientôt un Austerlitz digne de sa gloire et de son nom »38. Pourtant, c’est à l’échec de la guerre impériale de 1870 que ce nom reste associé. D’ailleurs, après Sedan, Napoléon III « sent que [s]a carrière est brisée, que [s]on nom a perdu son éclat. [Il est] au désespoir »39. Il devine que son règne sera apprécié à l’aune de la débâcle. La défaite consommée, militaires et opposants au régime l’en jugent responsable. Au mieux, il a laissé commettre les fautes qui ont conduit la France à sa perte ; au pire, il l’y a menée en déclarant une guerre qu’elle n’avait pas les moyens de gagner. Néanmoins, la responsabilité impériale est plus complexe qu’il n’y paraît, et tient à la fois à la politique conduite par l’empereur et à sa personnalité.

S’il renoue avec l’héritage napoléonien, Napoléon III se différencie de son oncle par ses aspirations. De fait, s’il n’a ni l’armée ni les alliances qui lui permettraient de s’engager dans une guerre continentale, il doit à son éducation éclairée et cosmopolite de rêver à un système qui garantirait l’équilibre européen, la liberté des peuples et la paix entre les nations40. Toutefois, ces aspirations ne résistent pas aux réalités politiques. Le contrôle social et le césarisme, d’un côté, l’ambition de redonner son rang à la France, de l’autre, requièrent de jeter à bas l’Europe du Congrès de Vienne et l’amènent à multiplier les interventions militaires41. L’empire participe ainsi à une succession d’expéditions ultramarines hasardeuses et à de coûteux conflits extérieurs que d’aucuns considèrent comme la cause des revers de 187042.

Si la critique est aisée et peut viser à dédouaner le commandement militaire, il n’en demeure pas moins que l’empereur use ses moyens militaires et épuise ses ressources. Certes, la France retrouve sa place dans le concert des puissances européennes, prend sa revanche sur les traités de 1815 et recouvre un rôle qu’elle n’avait plus tenu depuis lors sur la scène internationale. Reste que l’armée française se consume dans des engagements périphériques, tels que l’Algérie, « cause d’affaiblissement pour la France, qui, depuis trente ans, lui donne le plus pur de son sang »43, la Crimée, qui voit périr quatre-vingt-quinze mille Français, ou encore le Mexique (1862-1867), où plus de onze mille soldats trouvent la mort. Ces pertes sont autant d’hommes qui font défaut en 1870 et aggravent un rapport de force défavorable. Coûteuses en hommes, les campagnes s’avèrent également ruineuses. Elles absorbent en effet l’essentiel du budget de la Guerre et de la Marine, au détriment de la défense du territoire national, les crédits nécessaires manquant pour la réfection des places fortes et la modernisation de l’artillerie44. Enfin, la question romaine affaiblit la France en la privant du soutien italien comme de celui d’une partie du monde catholique, tandis que les expéditions ultramarines détournent le souverain de l’Europe et du danger prussien.

Guillaume Ier, roi de Prusse, et Bismarck, son chancelier, ambitionnent en effet d’unifier les États allemands autour de la Prusse. Pour y parvenir, ils contraignent l’Autriche à la guerre en juin 1866 et l’écrasent quelques semaines plus tard, le 3 juillet, à la bataille de Sadowa. La paix signée, la Prusse crée une Confédération de l’Allemagne du Nord lui assurant une emprise sans conteste sur les États allemands du Nord, à laquelle échappe toutefois le Sud. Aussi, Bismarck envisage-t-il de fédérer les Allemands au moyen d’une confrontation avec la France. La succession du trône d’Espagne (1868-1870) fournit au chancelier le casus belli dont il a besoin. En juin 1870, la candidature de Léopold Hohenzollern-Sigmaringen, cousin du roi de Prusse, est perçue par Napoléon III comme une tentative d’encerclement. La candidature est retirée le 12 juillet sous la pression du gouvernement français.

Toutefois, les revirements de la diplomatie prussienne et l’intransigeance de l’aile droite française, pour laquelle une guerre consoliderait l’empire, conduisent à exiger des garanties de Guillaume Ier. Ce dernier, s’il reçoit l’ambassadeur français, considère l’affaire comme étant close et se refuse à toute autre démarche. L’entrevue terminée, il transmet sa réponse à Bismarck qui la dénature avant de la diffuser le 13 juillet 1870 : c’est la dépêche d’Ems, qui laisse croire que l’ambassadeur a été congédié de façon humiliante. En France, la droite parlementaire et l’entourage de l’empereur se saisissent de l’occasion. Ce dernier, peu enclin à prendre les armes, croit néanmoins l’opinion favorable au conflit et y voit l’occasion de rassembler la population autour du trône45. Il se laisse abuser par les déclarations du maréchal Le Bœuf, ministre de la Guerre, qui pense l’armée opérationnelle46, et du général Bourbaki, fin connaisseur de la Prusse, qui l’assure de la victoire47. Rongé par la maladie qui fausse son jugement48, l’empereur finit par céder à la pression des bellicistes : le 19 juillet 1870, il déclare la guerre à la Prusse. L’Europe se désolidarise, réfutant la thèse de la provocation prussienne avancée pour justifier sa décision et le juge seul responsable.

Après Sadowa, Napoléon III avait cependant envisagé d’infliger un coup d’arrêt aux ambitions bismarckiennes, option prônée par Drouyn de Lhuys, ministre des Affaires étrangères, soutenu par le maréchal Randon, ministre de la Guerre, et l’impératrice Eugénie49. L’absence d’unités retenues outre-mer et l’impréparation de l’armée l’en dissuadent cependant. Conscient que les forces dont il dispose sont insuffisantes et que « le nombre aura à la guerre une importance décisive »50, il conçoit un projet de conscription généralisée et tente de nouer des alliances avec l’Autriche et l’Italie. Or la loi Niel ne permet pas d’obtenir les résultats escomptés, tandis que la valse-hésitation de la politique européenne de l’empereur laisse la France esseulée51. Le souverain est conscient de l’absence de réserves, de l’obsolescence d’une partie de l’armement ou de la capacité de la Prusse à réunir plus de neuf cent mille soldats en trois semaines. Pourtant, il n’en est pas moins persuadé de pouvoir conduire une offensive prompte et victorieuse. Il semble en effet ignorer l’état de ses forces et de l’intendance, et ne paraît véritablement prendre conscience de l’incurie que le 28 juillet au soir, date de son départ. Il note alors : « Tout n’est qu’incohérence, retard, dispute et confusion52. »

Qu’il y ait été poussé ou que la décision lui incombe, Napoléon III prend la tête des forces françaises, malgré son état de santé. Il a en effet conscience de jouer, sinon l’avenir de la France, du moins le destin de sa dynastie et, par conséquent, de ne pouvoir demeurer en retrait. Or ce commandement personnel soulève plusieurs problèmes. D’une part, l’état physique du souverain ne lui permet pas d’en imposer à la troupe : il lui est impossible de monter à cheval et il lui faut fréquemment descendre de voiture ; pire, il lui devient difficile de cacher son incontinence. Dès lors, comment pourrait-il impulser l’énergie et l’ardeur nécessaires, comment saurait-il à la fois conduire ses troupes à la victoire et tenir les rênes du pouvoir ? D’autre part, Napoléon III ne dispose d’aucun plan, tout au plus d’idées directrices n’ayant fait l’objet d’aucune étude préalable et se fondant sur un illusoire renfort austro-hongrois que détermineraient quelques succès initiaux. Or il ne peut compter sur son état-major qui n’élabore aucune stratégie cohérente et adaptée – mais ne dispose pas toujours des données requises –, pas plus que sur les généraux et les officiers supérieurs qui fuient les responsabilités et ne prennent aucune initiative de crainte de se voir reprocher la responsabilité de la défaite.

  • Commandement et culture militaire

Lorsque s’ouvre la guerre, la Prusse dispose d’un corps de généraux et d’officiers d’état-major inégalé en Europe. Tous ont suivi les cours de la Kriegsakademie. Ils y ont analysé les principes et les leçons de la stratégie napoléonienne, et y ont fait leurs les principes clausewitziens tels que l’initiative ou le goût des responsabilités. Chef de l’état-major général prussien depuis 1857, exigeant et fin stratège, Moltke est conscient du rôle clé de ce corps dans la réussite des opérations menées dans une guerre moderne. Aussi s’entoure-t-il des meilleurs officiers sortis de la Kriegsakademie, parfait leur formation, écarte ceux qui n’ont pas sa confiance et entretient l’émulation intellectuelle par des travaux, des exercices, des missions spéciales et des séjours en unités. L’alternance de phases de formation en école, de service en état-major et de commandement en régiment évite à l’officier d’état-major d’être déconnecté des réalités du terrain, fait de lui un précieux relais dans les unités et lui permet de maîtriser tous les rouages de la machine militaire.

Attaché de défense à Berlin de 1866 à 1870, le lieutenant-colonel Stoffel n’a de cesse d’alerter sa hiérarchie sur l’« incontestable » supériorité de cet état-major53. Fin connaisseur de l’institution militaire, il perçoit bien les lacunes du corps d’état-major français. En école, les officiers français d’état-major suivent pendant deux ans une formation où ils acquièrent une bonne culture générale et apprennent à rédiger de brillantes synthèses. S’ils reçoivent des notions d’artillerie, de fortification, de défense des places et d’administration militaire, ils ne suivent aucun enseignement tactique. Leur formation achevée, ils servent deux ans durant dans un régiment de cavalerie puis dans un régiment d’infanterie, voire dans un régiment d’artillerie ou du génie. Mais, loin de se retrouver à la tête d’une section ou d’un peloton, ils tiennent souvent lieu de professeurs ou de scribouillards. Ce temps en unité accompli, l’officier d’état-major n’a plus guère l’occasion de se retrouver confronté aux réalités du terrain et d’acquérir l’expérience propre à mûrir son raisonnement tactique et sa pensée stratégique. Or il n’est guère incité à combler de lui-même ces lacunes. En effet, nombreux sont ceux qui continuent de servir comme gratte-papier ou cartographe, dans des fonctions bien éloignées de leur vocation et de leur formation. En définitive, ils ignorent tout du travail d’un état-major moderne.

Dans son ensemble, le corps des officiers ne montre guère d’intérêt pour ce qui touche à la science militaire. L’intellectualisme n’est pas à la mode sous le Second Empire. Si nombre d’officiers issus du rang n’ont aucun attrait pour la culture, les années passées à Saint-Cyr entretiennent le mépris pour l’étude et contribuent à scléroser la pensée militaire française54. Seule Polytechnique dispense un enseignement de qualité susceptible d’entretenir une émulation intellectuelle, mais ce sont souvent les moins bien classés qui revêtent l’uniforme. Or, une fois dans leurs affectations, les officiers ne sont incités à raisonner ni sur l’emploi des nouveaux armements ni sur leur portée tactique, pas plus que sur l’organisation de l’institution militaire. D’un côté, les campagnes napoléoniennes et les expéditions ultramarines continuent de nourrir les fantasmes de gloire et cristallisent l’art de la guerre au moment même où la révolution industrielle voit l’émergence de la guerre moderne. De l’autre, la mémorisation des règlements, l’instruction de la troupe et la capacité à la mener à l’assaut demeurent l’horizon d’attente de l’officier.

Cette situation de stagnation de la pensée s’enracine dans l’idée que « les traditions de famille qui entretiennent et développent les sentiments de l’honneur, l’éducation qui perfectionne les aptitudes militaires innées [sont] ce qui forme les meilleurs officiers »55. L’opinion selon laquelle les hommes d’humble extraction seraient incapables de tenir leur rang est prégnante dans les cercles d’officiers supérieurs et généraux. Parce qu’il vit « éloigné de la bonne société dont il n’a ni le ton ni les manières », Albert Rollet (1826-1870), sorti huitième de Saint-Cyr en 1850, capitaine dès 1855 et d’« une intelligence capable d’en faire un officier très distingué », voit sa carrière brisée et meurt à ce grade56. La gloire paternelle et les faveurs impériales profitent au contraire à la carrière d’Auguste Morand (1826-1870) qui, après avoir servi comme aide de camp de Napoléon III, est promu général en 187057. Le général d’Azémar dénonce ce favoritisme qui détermine nombre de carrières, dans un métier où, plus que tout autre, il est « important de donner l’autorité au plus capable, quand l’impéritie d’un chef militaire peut faire tuer inutilement des hommes, compromettre l’honneur et le salut du pays »58.

Aussi n’est-il guère étonnant que les officiers s’avèrent plus soucieux de leur position sociale que de l’instruction de leurs hommes ou de réflexion doctrinale59. Si certains aspirent à cultiver et à nourrir leurs réflexions, ils n’en ont guère la possibilité. Les livres coûtent cher et les bibliothèques de garnisons sont inexistantes ou médiocres. De plus, les restrictions touchant la liberté d’expression du militaire le détournent de l’écriture. La pratique n’est d’ailleurs pas encouragée, Mac Mahon menaçant par exemple d’effacer « du tableau d’avancement tout officier dont [il a] lu le nom sur la couverture d’un livre »60. Pour autant, certains n’hésitent pas à publier, parfois sous pseudonyme, et à nourrir les débats sur les défaillances de l’armée ou les mutations auxquelles il lui faut faire face. C’est le cas de Trochu, qui dénonce l’impréparation de l’armée française61, d’Ardant du Picq, qui analyse le rôle de l’armement moderne sur la psychologie du combattant62, ou encore de Paixhans, qui étudie l’influence du chemin de fer sur la concentration des forces et la défense du territoire63. Toutefois, ces considérations ne suffisent pas à stimuler la vie intellectuelle de l’armée et sont accueillies avec réserves. Nombre d’officiers restent en effet convaincus que les réflexions sur les mutations de l’armement, des transports et des communications, et leur portée sur la manière de combattre n’ont aucune valeur pratique et que la guerre à venir demeure une lutte d’homme à homme.

Aux théories et volontés de réforme sont opposées les victoires militaires remportées outre-mer, en Crimée ou en Italie (1859). Ces dernières dévoilent pourtant d’importantes déficiences, dans la préparation des combats (absence de cartes, déficit de reconnaissance…), le commandement au feu (improvisation, défaut de coordination…) ou l’intendance (approvisionnement et stockage insuffisants…), causes de pertes nombreuses. Au lieu d’en tirer les conclusions qui s’imposent, le commandement demeure le regard rivé sur les campagnes ultramarines64. Cependant, loin des escarmouches, embuscades et raids impliquant quelques milliers de soldats souvent mal équipés et peu organisés, qui se jouent outre-mer, la France affronte en 1870 une armée instruite et entraînée, habilement commandée et animée d’un esprit offensif. La majorité des chefs de corps et généraux français ayant fait leurs armes outre-mer en sont venus à négliger, puis à oublier le maniement d’unités massives, les règles de la grande guerre et les procédés opératifs qui dominent en Europe. Ils y ont délaissé l’exploration, le recueil d’informations de terrain et le combat démonté au profit de charges héroïques, inadaptées au théâtre européen. Sans reconnaissance, les premiers engagements face à la Prusse se font à l’aveugle. Ici, un général méconnaît l’envergure du réseau routier ou le nombre des ponts qui enjambent la Meuse et la Moselle. Là, un chef de corps ignore si le bois dissimule le mouvement de terrain65. Bercés par les succès auxquels l’armée française doit sa réputation de première armée du monde, les officiers s’imaginent être au sommet de leur art et s’endorment sur leurs lauriers.

Pas plus que les guerres menées, la guerre de Sécession (1861-1865), dont la modernité préfigure celle de 1870, ne déssille les yeux du commandement, malgré la présence d’observateurs attentifs66 et de témoignages édifiants67. Elle démontre pourtant que les progrès techniques de l’armement portatif et de l’artillerie assoient la supériorité du feu sur le choc. À la force morale et aux vagues d’assauts successives, il convient de substituer une posture défensive, que le rechargement et le tir couchés favorisent, et de chercher à s’exposer le moins possible. Ce mode opératoire est toutefois incompatible avec la furia francese qui anime le corps des officiers, comme avec les règlements et instructions en vigueur au sein de l’armée, qui ne reflètent pas les évolutions de l’armement. En 1867, la tactique prescrite par la commission de révision de l’instruction d’infanterie ne prend pas en compte l’augmentation de la zone dangereuse. Deux ans plus tard, le règlement sur les bouches à feu ne dit rien de l’emploi coordonné de l’artillerie et de l’infanterie. En l’absence d’organisme réfléchissant aux implications tactiques et stratégiques des mutations à l’œuvre dans les domaines de l’armement, des transmissions et des transports, l’armée n’adapte pas son art de la guerre.

  • Stratégie et initiative

Régent depuis 1859, puis roi deux ans plus tard, Guillaume Ier de Prusse s’est attaché à moderniser son armée, à en accroître la puissance et l’efficacité. Avec Moltke, il la réorganise et la dote d’une administration fonctionnelle. Cela se traduit dans l’efficacité de l’intendance, du transport et des services de santé, mais aussi dans l’architecture et le commandement des forces. En effet, les corps d’armée sont formés dès le temps de paix, ce qui permet aux cadres de connaître leurs hommes et favorise la coordination des unités, que les guerres contre le Danemark (1864) et l’Autriche (1866) ont accoutumées à manœuvrer ensemble. De plus, anticipant après Sadowa un éventuel conflit avec la France, Moltke élabore depuis 1866 un plan de mobilisation et de concentration rapides des forces qui tire parti des progrès de la télégraphie et des chemins de fer. Résolument offensif, il doit permettre à la Prusse de confisquer l’initiative. Ce faisant, Moltke cherche à obtenir une bataille décisive contre le gros des forces françaises pour ensuite se ruer sur la capitale. S’il perfectionne l’outil militaire, définit son objectif stratégique, entend « marcher dispersés, combattre réunis », il conserve la souplesse nécessaire pour s’adapter en conduite. S’il peut se le permettre, c’est uniquement parce qu’il sait pouvoir se reposer sur un état-major performant et flexible, ainsi que sur des officiers généraux énergiques et entreprenants.

En France, les officiers à la tête de l’armée ne reçoivent aucune directive sur la conduite à tenir en cas de guerre et ne peuvent donc s’y préparer. De fait, Napoléon III n’a pas de projet, seulement de vagues idées. Il envisage de former deux armées, l’une en Lorraine, l’autre en Alsace, dont il escompte qu’elles soient en mesure de menacer en moins de six semaines Leipzig et Berlin, afin de dissuader les États allemands du sud d’entrer en guerre et contraindre ainsi la Prusse à la paix. Cependant, aucune étude ne vient étayer les vues du souverain. De fait, le seul plan ayant été minutieusement préparé est un plan défensif valorisant les positions frontalières, élaboré par le général Frossard en 1867. Il prévoit la constitution de deux armées, appuyées par deux autres de réserve. À la première est confiée la mission de séparer les États allemands du sud de ceux du nord et de la Prusse, à la seconde celle de défendre fermement le territoire face à toute tentative d’invasion. L’organisation qui est finalement retenue au 6 juillet 1870 s’inspire à la fois des idées de Napoléon III, du plan Frossard et des conceptions du général Lebrun, aide-major-général de l’empereur. Elle prévoit trois armées, à Metz (cent cinquante mille hommes), Strasbourg (cent mille) et Châlons (cinquante mille), ainsi que trois corps d’armée en réserve.

Pourtant, cinq jours plus tard, Napoléon III remanie subitement l’organisation des forces et forme une armée unique placée sous ses ordres. L’absence de concertation et l’inconséquence de l’empereur sont patentes. Elles mettent en lumière l’abîme qui sépare les principaux chefs allemands de leurs homologues français qui, jusqu’au dernier moment, ignorent tout de leurs moyens, de leur mission et de leurs objectifs. Elles conduisent encore à éliminer un échelon intermédiaire de commandement entre le souverain et les corps d’armée. En effet, même si les 2e, 3e et 4e corps sont regroupés sous les ordres de Bazaine (armée d’Alsace), et les 1er, 5e et 7e corps sous ceux de Mac Mahon (armée de Lorraine), ces deux armées sont pour ainsi dire improvisées et n’ont ni missions ni état-major. Elles révèlent enfin l’ampleur de l’impréparation stratégique et annoncent les difficultés logistiques à venir.

En effet, les ordres transmis aux unités depuis le 6 juillet, puis les contre-ordres envoyés à partir du 11 juillet sont source de désordre et de délais. Il faut plusieurs jours aux états-majors d’armée, de corps d’armée et de divisions pour se constituer. Cette valse-hésitation est d’autant plus préjudiciable que l’organisation militaire, à la différence de celle adoptée par l’ennemi, est territoriale et non opérationnelle. De fait, en temps de paix, l’armée française est organisée en sept grands commandements (Paris, Lille, Nancy, Lyon, Toulouse, Tours et Alger) improprement qualifiés de « corps d’armée », qui se subdivisent en autant de divisions militaires, dirigées par un général de brigade, qu’il y a de départements. C’est seulement à l’occasion de manœuvres que les unités, pas toujours les mêmes, se réunissent en division. Seule la Garde impériale constitue un corps d’armée permanent. Conscient des dangers d’une telle structuration, le maréchal Niel avait esquissé une réorganisation de l’armée par brigades, divisions, corps d’armée, avec un personnel dédié, mais sa mort, en 1869, signe l’abandon de la réforme68. Ainsi, au moment où l’armée se prépare à marcher sur l’ennemi, les généraux et chefs de corps ne connaissent ni leurs subalternes ni les unités placées sous leurs ordres.

L’inconstance observée, combinée à une structure complexe, fait obstacle à une mobilisation et à une concentration rapide des forces, qui doivent permettre de prendre de court l’adversaire et qui constituent l’une des conditions de réussite des vues de l’empereur. Or la France n’a que trois voies de chemin de fer pour concentrer ses troupes à la frontière, soit trois fois moins que la coalition allemande. C’est pourquoi, plutôt que de former les unités dans les dépôts pour les diriger ensuite sur la frontière, le commandement confond ces deux étapes. Ce faisant, il provoque une indescriptible confusion. En effet, si les unités partent vite, les rappelés doivent les rejoindre par leurs propres moyens sur une zone de concentration mal déterminée et mal connue. Et si ces derniers s’attardent ou s’égarent parfois, l’encombrement du réseau ferroviaire est cause de nombreux retards. La situation est telle que le ministre de la Guerre conjure, en vain, ses généraux de « hâte[r], par tous les moyens en votre pouvoir, l’arrivée des hommes de la réserve dans les dépôts »69. Aussi les effectifs réels des unités sont-ils bien loin des effectifs théoriques, et il faut attendre début août pour que plus de la moitié des réservistes aient rejoint la troupe. Il en va de même des équipements, des vivres, des munitions…

En effet, « tous les services péchaient, tout était désorganisé ; les troupes manquaient des choses les plus indispensables, les généraux de cartes du pays, les soldats de pain, les populations qui voulaient concourir à la défense du pays, de fusils ; les places fortes, de canons ; les canons de projectiles ; les services publics empiétaient les uns sur les autres ; bref, le chaos le plus complet »70. L’inconcevable se produit alors : des généraux cherchent leurs états-majors, des officiers leurs régiments, des hommes leurs fourniments quand ailleurs paquetages et vivres s’entassent dans l’attente des unités… Le 21 juillet, le général de brigade Michel télégraphie à sa hiérarchie : « Suis arrivé à Belfort ; pas trouvé ma brigade ; pas trouvé général de division. Que dois-je faire ? Sais pas où sont mes régiments71. » L’armée française ne parvient à achever sa concentration que le 5 août, deux jours après que Moltke a passé à l’action : la France est attaquée avant d’être en mesure de combattre, même défensivement.

Concentrée, l’armée n’est pas prête pour autant. En effet, soldats et officiers n’ont pas tous perçu leur matériel de campagne. Tous les soldats ne reçoivent pas le nécessaire de bivouac, mais l’armée compte sur leur capacité à se débrouiller avec ce qui leur a été distribué en vivres et en équipement. Quant aux officiers, ils doivent se procurer eux-mêmes ce qui leur fait défaut, comme en témoigne le lieutenant Devaureix : « Aussitôt installés, nous nous préoccupons d’acheter ce dont nous manquons le plus, entre autres choses des cantines à vivres72. » D’ailleurs, d’après lui, certains n’ont « rien reçu »73. L’absence de carte révèle plus encore l’imprévoyance du commandement. Le lieutenant Loir-Mongazon se désole du « soupçon de carte, sans échelle […] – la seule de la guerre –, qui vient de nous être donné »74. L’unité du lieutenant Devaureix n’en ayant pas s’égare sur la route de Forbach le 18 juillet75. À défaut de cartes représentant la frontière française, l’armée recourt aux cartes scolaires et aux plans du cadastre, inadaptés aux besoins d’une armée en campagne. Dès lors, elle ne saurait opérer les déplacements rapides et précis qu’exige la situation.

  • Pour conclure

Au regard des pertes causées à l’ennemi, miser sur le fantassin français et l’armer d’un excellent fusil s’avère payant. De fait, les Allemands perdent soixante-treize mille hommes au cours de la guerre impériale, et les batailles du mois d’août provoquent des pertes similaires de part et d’autre. Si la victoire prussienne éclipse le coût payé, les soldats allemands sont profondément marqués et le commandement envisage le pire. Pour autant, ces pertes sont bien plus durement ressenties par la France qui manque d’hommes. Cependant, l’infanterie seule ne suffit pas à remporter une guerre moderne et c’est avant tout dans la conduite de la guerre que réside l’échec final.

À l’issue du conflit, le corps des officiers est écrasé par sa responsabilité. Certes, certains officiers réfléchirent, sans parvenir à se faire entendre, et nombre d’entre eux, de tous grades, menèrent avec courage leurs hommes au combat et tombèrent héroïquement. Mais ils ne surent se préparer à affronter la guerre à venir, englués dans leur quotidien, trop sûrs de leurs forces et sourds aux mutations à l’œuvre. En un sens, la catastrophe de 1870 est une défaite intellectuelle. L’état-major et le commandement français ne possédaient ni l’énergie et la hauteur de vue exigées par leurs fonctions ni l’adaptabilité et la réactivité requises par une guerre moderne.

1 É. Zola, La Débâcle, Paris, G. Charpentier et F. Fasquelle, 1892.

2 E. Stoffel, « Remarques sur l’armée prussienne. Rapport du 22 juillet 1868 », Rapports de M. le baron Stoffel sur les forces militaires de la Prusse, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven, 1871, p. 35.

3 S. Audoin-Rouzeau, « Massacres. Le corps et la guerre », in J.-J. Courtine (dir.), Histoire du corps. T. III, Les Mutations du regard. Le xxe siècle, Paris, Le Seuil, 2006, pp. 284-291.

4 O. Roynette, « L’uniforme militaire au xixe siècle : une fabrique du masculin », Clio. Femmes, Genre, Histoire no 36, 2012, p. 115.

5 A. Devaureix, Souvenirs et Observations sur la campagne de 1870 (armée du Rhin), Paris, Lavauzelle, 1909, p. 62.

6 Ibid., pp. 63-64.

7 Ch. H. R. de La Tour du Pin, L’Armée française à Metz, Paris, Amyot, 1871 (2e éd.), p. 44.

8 Y.-Ch. Quentel, « Correspondance à sa famille pendant la guerre contre les Prussiens (1870) », Bulletin de la société finistérienne d’histoire et d’archéologie. Gwechall no 2, Quimper, 1979, p. 67.

9 A. Devaureix, op. cit., p. 23.

10 L. Ratel, « Relevé de campagne, 15 juillet 1870-20 mars 1871, par Louis Ratel, caporal au 97e d’infanterie de ligne », Revue de la Manche no 81, janv. 1979, p. 14.

11 M. de Lombarès et alii., Histoire de l’artillerie française, Paris, Lavauzelle, 1984, p. 202.

12 R. Koch, « Les canons à balles dans l’armée du Rhin en 1870 », Revue historique des armées no 255, 2009, §27.

13 M. de Lombarès et alii., op. cit., p. 210.

14 Ch. H. R. de La Tour du Pin, op. cit., p. 50.

15 B. Casadavant, « Carnet de campagne et de captivité », Carnets de la Sabretache n° 415, 1956.

16 En avril 1867, le maréchal Niel, ministre de la Guerre, évalue à deux cent mille hommes les forces immédiatement disponibles. A. Corvisier, Histoire militaire de la France, Paris, puf, 1992, t. II, p. 420.

17 La circulaire ministérielle du 10 janvier 1861 prévoit un minimum d’instruction militaire pour la fraction du contingent qui a échappé au service actif, mais rien n’est prévu pour l’accueil, l’encadrement et l’instruction.

18 Moniteur universel no 346, 12 décembre 1866, p. 1399.

19 A. Crépin, Défendre la France. Les Français, la guerre et le service militaire, de la guerre de Sept Ans à Verdun, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 278.

20 F. Cochet, Les Français en guerres de 1870 à nos jours, Paris, Perrin, 2017, pp. 20-22.

21 Y.-Ch. Quentel, « Correspondance à sa famille pendant la guerre contre les Prussiens (1870) », art. cit., p. 67.

22 S. Audoin-Rouzeau, 1870. La France dans la guerre, Paris, A. Colin, 1989, p. 102.

23 J.-M. Déguignet, Mémoires d’un paysan bas-breton, Ar Releg-Kerhuon, An Here, 1998, pp. 126-127.

24 A. Ehrenberg, Le Corps militaire. Politique et pédagogie en démocratie, Paris, Aubier Montaigne, 1983, p. 72 et sq.

25 F. Cochet, « Des gestes de l’éducation physique aux gestes de la guerre », Inflexions n° 19, 2012, pp. 77-91.

26 Ch. Ardant du Picq, Études sur le combat, Paris, Hachette, 1880. Publié à titre posthume.

27 F. Cochet, Les Français en guerres…, op. cit., p. 19 et p. 25.

28 Du fait de la guerre de Crimée, 80 % des sous-lieutenants sont issus du rang en 1855.

29 A. J. Leroy de Saint-Arnaud, ministre de la Guerre (1851-1854), Dispositions relatives à la direction à donner aux études dans les écoles régimentaires, 16 novembre 1852.

30 M. Camus, Histoire des saint-cyriens (1802-1978), Paris, Lavauzelle, 1980, p. 110 ; E. Titeux, Saint-Cyr et l’École spéciale militaire en France : Fontainebleau/Saint-Germain depuis leur fondation jusqu’en 1897, Paris, L. Forissier, 2000, pp. 399-400.

31 Cité par E. Titeux, op. cit., p. 428.

32 Ibid., p. 520.

33 A. Du Casse, Souvenirs de Saint-Cyr et de l’École d’état-major, Paris, E. Dentu, 1886, p. 262.

34 Colonel de Bracke, cité dans A. Corvisier, op. cit., p. 571.

35 J. Lalubin, Des effets de la peur chez le combattant et des feux d’infanterie exécutables sur le champ de bataille, Brest, impr. A. Dumont, 1895, pp. 101-103 ; A. A. Devaureix, op. cit., p. 182 ; Ch. H. R. de La Tour du Pin, op. cit., p. 44.

36 Le général de division Lewal cité par A. Froment, Qu’est-ce qu’un officier ?, Paris, Librairie illustrée, 1887, p. 168.

37 F. Furet, La Révolution, de Turgot à Jules Ferry, Hachette, 1988, t. II, p. 266.

38 J.-Y. Mollier, « 2 décembre 1851. Le crime le plus médiatisé du siècle », Revue d’histoire du xixe siècle no 30, 2005, § 19, consulté le 05/10/2019. url : http://journals.openedition.org/rh19/1073.

39 Cité par É. Anceau, Napoléon III. Un Saint Simon à cheval, Paris, Tallandier, 2008, p. 493.

40 P. Milza, Napoléon III, Paris, Perrin, 2007, p. 370 ; É. Anceau, op. cit., p. 272.

41 A. Encrevé, Le Second Empire, Paris, puf, 2004, pp. 71-114.

42 R. Tournès, L’Histoire militaire, Paris, Lavauzelle, 1922, p. 89.

43 Lettre de Napoléon III à Persigny, ambassadeur de France en Angleterre, 29 juillet 1860.

44 Ch. Thoumas, Souvenirs de la guerre. 1870-1871, Paris, La Librairie illustrée, 1893, p. 3 et p. 17.

45 Si l’opinion et la presse parisiennes manifestent leur hostilité à la Prusse, la province éprouve, dans sa grande majorité, une aversion envers la guerre. S. Audoin-Rouzeau, op. cit., pp. 42 et sq.

46 « Nous sommes prêts et archiprêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats. » F.-Ch. Du Barail, Mes souvenirs : 1864-1879, Paris, Plon, 1896, p. 148.

47 Ce dernier déclare : « Sur dix chances, nous en avons huit [de gagner] ! »

48 P. Milza, op. cit., pp. 650-651.

49 A. Randon, Mémoires, Paris, Lahure, 1875-1877, t. II, p. 146.

50 Napoléon III, cité par A. Gouttman, La Guerre du Mexique, 1862-1867. Le mirage américain de Napoléon III, Paris, Perrin, 2008, p. 420.

51 L’attitude de la France en 1866 jette un froid sur les relations avec l’Autriche, tandis que la question romaine fait échouer toute alliance avec l’Italie. La « politique des pourboires » qui suit Sadowa, révélée par Bismarck après la déclaration de guerre, achève de détourner les États européens de la France.

52 Cité par É. Anceau, op. cit., p. 509.

53 E. Stoffel, Rapports militaires écrits de Berlin. 1866-1870¸ Paris, Garnier Frères, 1871.

54 W. Serman, op. cit., p. 51.

55 Ch. Bocher, Mémoires de Charles Bocher (1816-1907), précédés des Souvenirs de famille (1760-1816), Paris, Flammarion, 1907-1929, t. II, p. 124.

56 Le général Rolin, cité par B. Bodart et alii, Les Saint-cyriens morts au champ d’honneur au cours de la guerre impériale de 1870, Limoges, Lavauzelle, 2020, p. 290.

57 Ibid., pp. 241-242.

58 L. M. Martial d’Azémar, La Vérité sur l’armée française, Paris, J. Dumaine, 1867, p. 61.

59 S. Audoin-Rouzeau, op. cit., p. 81.

60 Cité par J. Desmaret, Évolution de la France contemporaine. Du relèvement aux incertitudes, 1871-1896, Paris, Hachette, 1970, p. 87.

61 L. J. Trochu, L’Armée française en 1867, Paris, Amyot, 1867 (18e éd.).

62 Ch. Ardant du Picq, op. cit..

63 H. J. Paixhans, Constitution militaire de la France. Étude sur les modifications à apporter au système de nos forces de terre et de mer tant pour opérer les progrès devenus nécessaires que pour diminuer les dépenses sans que la puissance nationale en soit altérée, Paris, Dumaine.

64 E. Titeux, op. cit., pp. 450-451.

65 Archives privées Loir-Mongazon et Judde de Larivière, Journal du lieutenant Loir-Mongazon, du 76e régiment de ligne, pendant sa campagne dans l’armée du Rhin, extrait en date du 6 août 1870.

66 Le lieutenant-colonel Chanal et le capitaine Guzman sont envoyés en mission officielle d’avril à décembre 1864. Leur mémoire est conservé au Service historique de la Défense sous la cote 1m1681, Mémoires et reconnaissances, États-Unis, 1757-1871.

67 F. d’Orléans, prince de Joinville, Campagne de l’armée du Potomac. Mars-juillet 1862, Paris, impr. Claye, 1862 ; général R. de Trobriand, Quatre ans de campagnes à l’armée du Potomac, Paris, Librairie internationale A. Lacroix et Cie, 1868, 2 vol.

68 G. Spillmann, « Les responsabilités de la défaite militaire de 1870 », Revue du Souvenir napoléonien no 307, 1979, pp. 32-36.

69 Le ministre de la Guerre Edmond Lebœuf, cité par S. Audoin-Rouzeau, 1870 : la France dans la guerre, Paris, Armand Colin, 1989, p. 85.

70 Anonyme, Campagne de 1870…, op. cit., pp. 8-9.

71 Cité par G. Thomas, L’Armée de Metz, 1870, Paris, Lavauzelle, 1896, p. 44.

72 A. A. Devaureix, op. cit., p. 31.

73 Ibid.

74 Archives privées Loir-Mongazon et Judde de Larivière, arch. cit., extrait en date du 4 août 1870.

75 A. A. Devaureix, op. cit., p. 25.