N°46 | S’engager

Collectif
Atlas de l’Afrique AFD
Pour un autre regard sur le continent
Paris, Armand Colin, 2020
Collectif, Atlas de l’Afrique AFD, Armand Colin

Un « atlas » n’est généralement pas fait pour surprendre, mais pour servir de guide aux lecteurs curieux. Or, celui-ci surprend. Il dessille le regard habituel porté sur l’Afrique, jugée sinon arriérée du moins symbole du sous-développement avec son cortège de lieux communs, corruption, misère, États non démocratiques, rareté de l’énergie, démographie irresponsable… Et soudain, ces cent vingt-cinq pages de cartes, statistiques, synthèses intelligentes plongent le lecteur dans le sentiment qu’il lui faut désormais abandonner ce paradigme devenu obsolète. En 2100, les deux villes les plus peuplées au monde seront africaines, Lagos et Kinshasa, et l’Afrique rassemblera près de la moitié de la population mondiale. En 2060, la moitié des naissances seront africaines malgré un taux de fécondité en baisse. La moitié du marché du travail sera africaine. Des éléments qui n’ont pas encore été repérés par l’opinion. Plus surprenant encore est le dynamisme à l’œuvre. Les migrations sont plus importantes à l’intérieur du continent que vers l’extérieur, avec un gigantesque marché de libre-échange, 80 % des Africains possèdent un téléphone portable, même si Internet est encore à la traîne en raison d’un déficit d’accès à l’énergie, en particulier dans les régions du centre. Les Africains sont vaccinés comme les Européens l’étaient dans les années 1980. La part des échanges économiques avec les autres continents a quintuplé depuis dix ans. Les réserves d’eau, bien qu’inégalement réparties sur le territoire, constituent le un cinquième des réserves mondiales. Les dépenses d’éducation, grâce à des efforts sans précédent, rejoignent peu à peu les standards mondiaux (4 % du pib). Certes, le paludisme continue de faire des ravages, la sécheresse de s’étendre, l’extrême pauvreté de se maintenir, l’excision de mutiler cent millions de femmes par an. Mais le dynamisme est là, avec l’émergence d’une industrie qui succède au pillage des ressources fossiles. La seule crainte est l’impérialisme chinois, qui considère l’Afrique non pas comme un partenaire économique, mais comme une source majeure de matières premières. Avec cet Atlas, l’afd a réalisé un ouvrage majeur, fondateur d’un nouveau regard fondé non sur des jugements mais sur des faits. Le xxiie siècle sera africain.


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