Quand un soldat ne combat pas, il simule. Les exercices sur le terrain avec des munitions « à blanc » ne sont en réalité que des jeux où on s’oppose sans se tuer, car pour des raisons facilement compréhensibles, on ne prépare pas des combats en en livrant des vrais. Certaines de ces simulations se déroulent sur des cartes et c’est à l’exploration de ces batailles sans morts que nous convie Antoine Bourguilleau dans Jouer la guerre. Histoire du wargame. L’idée de simuler des batailles sans en subir les inconvénients semble avoir toujours existé. Les premiers jeux d’affrontement, ancêtres du go et des échecs, datent de l’apparition de la pensée philosophique. De la même façon, le jeu de guerre moderne est apparu avec la révolution scientifique et surtout du fait d’amateurs éclairés tel l’Écossais John Clerk, qui réinvente la tactique navale sans être jamais monté sur un navire de guerre. L’institutionnalisation du jeu de guerre est contemporaine de la « professionnalisation » des armées à la fin du xixe siècle, à l’imitation du modèle de l’armée prussienne victorieuse des Autrichiens et des Français sans avoir combattu depuis cinquante ans autrement que sur cartes. Un autre exemple emblématique est celui de l’us Navy, dont l’amiral Nimitz rappelait combien son succès dans le Pacifique devait aux petits bateaux en bois de l’École de guerre navale de Newport. Mais cet ouvrage va plus loin que l’évocation historique en examinant tous les aspects actuels de la pratique du jeu de guerre, ses défauts réels, les règles longues par exemple, ou symboliques, comme l’impression de s’amuser alors qu’on travaille, mais aussi bien sûr son immense intérêt à la fois pédagogique et expérimental. Il se passe à nouveau beaucoup de choses dans ce domaine et l’auteur lance de nombreuses pistes. On ne peut que regretter avec lui la place modeste qu’y tient la France.