Voici un tout petit ouvrage, inclassable mais très attachant. Un livre en deux parties totalement distinctes, mais parfaitement complémentaires. André Beaufre, c’est un général. Un général qui a pensé la stratégie et la dissuasion nucléaire française, un intellectuel donc, mais aussi un guerrier qui a fait campagne dans le Rif marocain, qui a connu la défaite de 1940, la Résistance, la condamnation par Vichy, la victoire de 1945 avec l’armée d’Afrique, la guerre d’Indochine, l’expédition de Suez. Un général qui a commandé une division parachutiste en Algérie puis occupé des responsabilités au sein de l’otan, avant de prendre sa retraite et de créer une fondation pour la réflexion stratégique. Ce guerrier réfléchi, cet intellectuel actif, est aussi un père. Derrière une carrière, on oublie trop souvent l’homme et sa famille. Ce petit livre, c’est la redécouverte du père par son fils au hasard de l’ouverture d’une caisse bureau. Tout y est, les objets, pipe et tabac, papier, mais aussi les odeurs, les lettres qui conduisent à dresser le portrait d’un homme attachant, humain. C’est l’arrière-plan qui permet de comprendre la seconde partie. Rédigée par celui qui est devenu le spécialiste du général, celle-ci est un condensé extrêmement riche qui permet de rappeler la pensée de Beaufre, résumée en fin d’ouvrage : « Le système Beaufre réintroduit la ruse au niveau politico-stratégique, là où l’exclusif de la force semblait s’imposer comme le modèle occidental de la guerre. Dans un contexte de paix-guerre, où il nous faut à la fois penser l’asymétrie et la symétrie de l’adversaire, où le recours à la force ou à sa menace ne suffit pas, où la question des alliances se pose à nouveau de manière cruciale. » Ce qui est particulièrement intéressant repose sur la description des conditions de l’élaboration de cette pensée, de ses contraintes, des débats qu’elle a provoqués et son évolution. Beaufre a écrit Introduction à la stratégie ; voici l’introduction à la lecture de Beaufre.