N°45 | L'échec

Jean-Yves Le Naour
1919-1921
Sortir de la guerre
Paris, Perrin, 2020
Jean-Yves Le Naour, 1919-1921, Perrin

La guerre, c’est simple. Victoire ou défaite. La paix, c’est quasi impossible, car le vainqueur ne peut jamais profiter de la défaite militaire sans humilier le vaincu. La paix des braves est une fiction, le sentiment de revanche étant toujours présent. Cet ouvrage de Jean-Yves Le Naour, qui complète sa magistrale histoire de la Grande Guerre, en est une passionnante illustration. Dès le 11 novembre 1918, les affrontements entre Foch et Clemenceau expriment la difficulté à prendre des décisions politiques claires. Foch veut humilier définitivement l’Allemagne en la désarmant, en lui enlevant la Sarre et la Rhénanie, et en obtenant des traités avec les pays d’Europe centrale qui lui sont hostiles. Clemenceau, sous le feu des discours angéliques de Wilson et de l’égoïsme anglais, est moins rigide. Il tient surtout à ce que l’économie française ne soit pas ruinée. Les Italiens, venus à la guerre « comme les carabiniers », s’obstinent à réclamer Fiume sans succès. Les Japonais ne veulent pas rendre la presqu’île chinoise du Shadtong. Les Grecs veulent occuper une grande part de la Turquie. Les Anglais refusent que la France augmente son espace et sa puissance. Les Polonais deviennent impérialistes au détriment de l’Allemagne, de l’Ukraine, des pays baltes et de la Russie. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes défendu par Wilson est une mascarade recouverte par le nouveau dessin des frontières dans les Balkans, qui seront autant d’occasions de guerres futures en raison de l’enchevêtrement des nationalités. La France soutient initialement les armées blanches russes par opposition au bolchevisme et perd plusieurs occasions de créer des liens avec ce nouveau pouvoir. Les Turcs, initialement battus, retrouvent par la force, en un tour de main, leur territoire et mettent rapidement fin aux espoirs des Arméniens, Kurdes, Grecs, chrétiens. L’Italie plonge dans des désordres révolutionnaires sans fin, sans que les socialistes en profitent. Ce sera Mussolini qui en ramassera les scories. Wilson, malade, perd rapidement son crédit pourtant considérable en novembre 1918 et est désavoué par son peuple, renonçant à toutes ses promesses. Ce chef-d’œuvre historique, car cela en est un, laisse un goût amer au lecteur, qui comprend soudain que le xxie siècle est plus proche de cette période que jamais. Le désastre de 1940 était inscrit dans la paix de 1918 avec une Allemagne éternellement forte, qui avait refusé d’accepter sa défaite militaire et qui, paradoxe suprême, a fini par être le vainqueur de la paix sous le masque d’une humiliation. Ouvrage à lire de toute urgence.


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