Que dit-on en déclarant beau un paysage, une sculpture ou une musique ? On énonce, en posant l’identité de leur statut, un jugement esthétique portant sur des objets pourtant divers ; on suppose que le qualificatif de beau peut s’appliquer aussi bien à la nature qu’au produit d’une technique, on assure que le beau est indifférent aux êtres qu’il qualifie. Sommes-nous certains d’une telle homogénéité ? La remettre en cause suppose que nous soyons en mesure de distinguer un principe de hiérarchie ou d’exclusion au sein de ce qui est admis comme beau. Qu’entendons-nous donc par « beauté » ? Ordre, harmonie, originalité, ou encore cause directe de plaisir ? Énoncer une telle interrogation revient à admettre que la spontanéité du jugement esthétique s’efface une fois celui-ci soumis à la réflexion. Pouvons-nous définir la beauté ? Il apparaît complexe de lui attribuer un sens continu et homogène selon les diverses époques. Le concept de beau ne serait-il pas irréductible à toute fixité ? Cette résistance à l’homogénéisation s’aggrave encore par les désaccords multiples et les appréciations individuelles au sein d’une même époque. À quoi une telle disparité de ce qui apparaît comme « des goûts » est-elle due ? Faut-il seulement y voir la marque d’une éducation, de la persistance de traditions variées, de l’influence des institutions sociales ? Cette contingence ne rend-elle pas toute prétention de la beauté à l’universalité inconséquente ?
La popularité de certains artistes pourrait alors aussi bien être le simple produit d’un phénomène historique, social ou mondain, que le signe qu’un beau en soi n’est pas une illusion. Le beau n’échappe au relativisme que si nous sommes en mesure d’identifier les critères qui en permettent l’apparition dans une multiplicité de formes. Peut-il donc ne pas se réduire à la diversité des apparences auxquelles, de fait, nous attribuons l’origine du sentiment de plaisir esthétique ? Se pourrait-il que, dans une œuvre, le beau soit une essence se manifestant dans la diversité des formes ? Une telle essence, pour autant, peut-elle être reconnue et également présentée à travers des médias artistiques radicalement différents ? Au contraire, si le beau se trouve dans le jugement et non dans l’objet, et ce même si ce jugement se prétend universel, ne revient-on pas irrémédiablement à reconnaître sa subjectivité ? Or, un beau subjectif est un beau qu’on ne peut contester.
Le relativisme apparaît comme le destin de la tradition esthétique occidentale. Faut-il dès lors regretter la disparition de la croyance en un critère universel de la beauté ? Plutôt que d’y voir l’égalisation désordonnée d’une multitude de pratiques artistiques que nous avions l’habitude de nettement hiérarchiser, nous pourrions y reconnaître un moyen, pour des arts qui refusent de correspondre aux exigences classiques du beau, d’exister en tant qu’œuvre.
Où la réalité du beau se révèle-t-elle ? Où avons-nous cru la trouver ? Primitivement, dans la nature et dans les formes qu’elle nous présente. La nature serait le critère initial d’une distinction spontanée entre le beau et le laid. N’est-il pas évident que, dès l’enfance, nous trouvons repoussant le caractère monstrueux de la malformation physique ? N’est-il pas évident que le beau réside dans l’accord naturel entre la forme observée et celle que la chose doit avoir ? À cette réalité belle correspond le plaisir vrai. Qu’aimons-nous voir ? La forme en son intelligibilité ; en elle nous reconnaissons le beau. Et l’informe ne nous procure aucune jouissance esthétique. Cette beauté naturelle se présente pareillement dans les œuvres d’art. Que faisons-nous depuis l’enfance en dessinant ? Nous imitons. Aristote l’écrit dans sa Poétique : l’imitateur doit chercher le vraisemblable et non la curiosité. La représentation, pour être belle, doit faire tendre son sujet vers son propre idéal, vers son tèlos réalisé : l’être doit être présenté « en acte »1. Le beau est ainsi l’image du vrai, la conformité à la nature, la forme maîtrisant l’informe. Et, pour que cette reproduction laisse fidèlement apparaître la vérité naturelle, l’art – le style ou la manière – doit se faire le plus discret possible, s’effacer au profit de son modèle. La technique mise au service de la nature est ainsi vouée à se rendre transparente pour ne pas altérer la révélation de la forme. Telle est l’exigence réaliste : l’artifice doit se faire oublier. À cette condition le beau naturel s’affirme et s’impose à nos regards.
Cette thèse survit-elle au constat de l’existence d’une multiplicité de styles ? Que découvrons-nous ? Que l’on peut peindre une forêt aussi bien à la manière de Courbet qu’à celle du Douanier Rousseau. Peut-on introduire ici une hiérarchie ? La fidélité « naturaliste » constitue-t-elle un critère ? Cette diversité remet en cause toute affirmation dogmatique : l’évidence aristotélicienne est renversée par celle de l’existence d’une multiplicité de moyens de figuration. La forme peut-elle être présentée en l’unité de son intelligibilité si ses modes de représentation varient ?
L’histoire de l’art défait l’assurance aristotélicienne. Soit la beauté se trouve encore dans les exigences de la Mimèsis, mais selon une variation qui la disperse, soit nous perdons le vrai et donc le beau, en acceptant la diversité des modes de représentation. Cette éventualité revient à consentir à la disparition de tout critère objectif de la beauté. La fixité de la naturalité s’abolit dans la multiplicité des styles.
Faut-il accepter ce relativisme nouveau ? La variation conduit-elle nécessairement à la disparition de tout critère ? La diversité de ce que l’on nomme beau rend difficile la reconnaissance d’un élément réel permettant ce jugement. Le beau pourrait-il se trouver ailleurs que dans l’objet ? Ne faut-il pas dire avec Descartes que « ni le beau ni l’agréable ne signifient rien qu’un rapport de notre jugement à l’objet ; et parce que les jugements des hommes sont si différents, on ne peut dire que le beau ni l’agréable aient aucune mesure déterminée »2 ? En prenant ainsi le jugement comme principe de l’appréciation du beau et non plus l’objet, Descartes opère une inversion radicale. Le beau devient éminemment subjectif. L’expérience ne montre-t-elle pas qu’une œuvre ne produit pas ses effets de manière homogène et égale ? Pourquoi certains pleurent-ils alors que d’autres dansent à l’écoute du même air ? « Cela ne vient que de ce que les idées qui sont en notre mémoire sont excitées »3 différemment. Le jugement du beau dépend ainsi de la contingence de la vie et donc de la particularité infinie de l’expérience individuelle. Dès lors, l’appréciation uniforme du beau dans un public devient impossible, la diversité des habitudes individuelles et sociales se reflète dans le jugement porté. Le beau relèverait ainsi d’une appréciation irrémédiablement subjective et individuelle, indépendante de toute valeur intrinsèque à l’œuvre. La naturalité désignée comme critère par Aristote disparaît dans cette contingence : l’œuvre produit le beau sans en posséder de caractéristique absolue.
La reconnaissance de la seule subjectivité de la beauté, pourtant, inquiète. En abandonnant la recherche d’un critère objectif, ne nous vouons-nous pas à un chaos esthétique dans lequel les grandes œuvres seraient perdues, c’est-à-dire assimilées aux productions quelconques, qui pourraient prétendre à tout autant de valeur ? Pouvons-nous nous contenter d’un tel relativisme ? Ne faut-il pas chercher un critère universel qui puisse nous servir de pierre de touche esthétique ? C’est ce que Kant, dans la première section de la Critique de la faculté de juger (1790), entreprend. Si, comme le voulait Descartes, c’est dans le jugement que le beau apparaît, alors c’est en lui que l’on doit trouver l’universel. Si le jugement de goût ne trouve pas son principe de détermination dans l’objet mais dans le sentiment, ne peut-on faire l’hypothèse d’une communauté des jugements ? De fait, en disant qu’une chose est belle, j’étends spontanément mon jugement à tout autre. Cette universalité n’est en rien le produit d’une quelconque convergence factuelle des goûts individuels, elle est une exigence constitutive du jugement. Or, le jugement esthétique se différenciant de l’entendement, il n’use pas de concepts, il ne constitue pas une connaissance, strictement, il est réfléchissant. Par la même, le postulat de l’universalité devient fondamental, essentiel à ma propre jouissance puisque je jouis non de l’objet mais de ma faculté, de ce qui, dépourvu de détermination, me fait semblable à autrui. Pour autant, nous ne pouvons en faire la démonstration. En postulant un sens commun qui ne se fonde pas dans l’expérience, en en faisant la condition de possibilité du jugement esthétique, en affirmant qu’il « n’y a et ni ne peut y avoir aucune science du beau et que le jugement de goût n’est pas déterminable par des principes »4, Kant, en renonçant à l’objectivité du beau, en affirme l’universalité subjective. N’est-ce pas là l’issue véritable au relativisme ? N’est-ce pas là la plus forte tentative pour rétablir une vérité du beau ? Pourtant, le problème de la variété des contenus du jugement semble insoluble : l’accord d’autrui, supposé, ne présente aucune garantie d’effectivité. La virtualité de l’énonciation du postulat ne rend-elle pas vide l’universalité d’un tel jugement ? Nous devons reconnaître que, de fait, la communauté ne s’accorde pas.
La relativité de la beauté apparaît ainsi inéluctable. Qui peut juger du beau ? Y a-t-il encore lieu de le juger s’il n’est qu’une impression subjective ? On ne peut pourtant contester que certaines œuvres apparaissent plus puissantes que d’autres. Le critère du beau n’est-il pas alors socialement explicite ? Les amateurs d’art ne sont-ils pas les mieux placés pour dire la beauté d’une œuvre ? Mais en acceptant la relativité du beau, ne retrouvons-nous pas le Protagoras décrit par Platon : l’homme serait la mesure de toute chose, non en ce qu’il est homme, mais en ce qu’il est l’extrême de la particularité, en ce qu’il est blanc, noir, pauvre, riche, éduqué… ? La théorie, seconde et inutile, ne peut rien sur, ou contre, cette désignation du beau, qui ne s’effectue plus par concept mais par tri, à la fois historique et social. Le relativisme ne signifie que la mort de la vérité, pas celle des jugements sur les choses. Cette démarche moderne appelée « anti-essentialiste »5 par Richard Rorty abolit la distinction entre intrinsèque, une essence, et extrinsèque, la relation diverse aux individus. Pour les pragmatistes, l’œuvre, comme toute réalité d’ailleurs, n’a aucune caractéristique qui ne soit celle de ses relations, il n’existe rien de tel qu’une nature intrinsèque ou essence. Il est par là même impossible de décrire ce que la chose est réellement, on peut tout au plus décrire les relations qui existent entre elle et les besoins, la conscience, ou le langage de l’homme.
Que peut-on objecter à celui qui dit trouver certains morceaux de rap aussi beaux que Tristan und Isolde ? Rien. Affirmer la supériorité de Wagner face au rap américain, n’est-ce pas, comme le montre Richard Shusterman dans L’Art à l’état vif, reproduire la hiérarchie construite par les institutions et les systèmes éducatifs ? En allant jusqu’à promouvoir la dissolution complète des critères intellectuels de la différenciation entre art populaire et art intellectuel après avoir montré le « potentiel intellectuel » du rap, Shusterman milite pour « avoir le droit d’apprécier l’art qu’on aime sans humiliation »6 : plus aucune norme intellectuelle et conceptuelle ne peut produire de hiérarchisation artistique. Est-ce là l’ultime conséquence du relativisme ?
Mais au-delà de cet égalitarisme esthétique qui réduit le beau au plaisir éprouvé, apparaît également, dans l’abolition d’un critère naturel ou objectif, la possibilité, pour les arts qui refusaient les exigences de la Poétique, celles de la Mimèsis, de se faire reconnaître. De fait, si les critères « naturels » instaurés par Aristote n’avaient pas été remis en cause, l’art abstrait, qu’il s’agisse de musique, de peinture ou de sculpture, n’aurait pas pu apparaître. Reconnaître de la beauté là où il n’y a pas représentation serait impossible. En mettant un terme au règne de la naturalité, nous accomplissons la libération théorisée par Yves Klein : nous sommes autorisés à ne plus chercher un « contenu » dans une peinture, à ne plus lui imposer la reconnaissance comme critère d’existence. La fin de l’exigence de la composition fait sortir de la prison aristotélicienne de la représentation. La couleur, jusque-là « enfermée dans les formes par le dessin »7, écrit-il, se libère de la ligne. Une beauté non composée, sans formes, exclusivement colorée, peut enfin apparaître, délivrée de toute injonction à la représentation. Cette libération exigeait-elle nécessairement la disparition de la croyance en un quelconque critère ? Ne pouvait-elle apparaître que dans l’horizon du relativisme ? Ou bien ces deux phénomènes sont-ils l’effet d’une même disparition ? Toutes les philosophies qui ont tenté, à propos de la peinture, d’imposer un critère « pensent toutes autre chose que le pictural, elles pensent l’image, l’œuvre produite par et pour la signification »8. Pourquoi continuerions-nous dans ce cas à désirer un tel critère ? Pourquoi encore en avoir la nostalgie ? Ne faut-il pas reconnaître que, sans assignation naturelle, le visible peut enfin être lui-même ? Sans nature, sans expressivité, le beau peut enfin être pour lui-même.
La disparition de la « Nature » ne pouvait qu’entraîner celle d’une beauté objective. Sans modèle qui fonde « réellement » le jugement subjectif, le relativisme apparaît comme le destin de l’art occidental. Plutôt que de constituer le déclin des formes classiques et l’impossibilité de toute éducation artistique, ce relativisme permet l’ouverture de notre jugement à la multiplicité des formes plastiques abstraites, qui, tant que la croyance en un critère objectif subsiste, ne pouvaient qu’être refusées.
1 Aristote, Poétique, 1448 a, trad. J. Hardy, Paris, Les Belles Lettres, 1977.
2 Descartes, Œuvres philosophiques, t. I, Paris, Garnier, 1963, pp. 251-252.
3 Ibid.
4 E. Kant, Critique de la faculté de juger, § 60, trad. A. Renaut, Paris, Garnier-Flammarion, 1995.
5 R. Rorty, L’Espoir au lieu du savoir, introduction au pragmatisme, édition française établie par C. Cowan et J. Poulain, Paris, Albin Michel, 1995, p. 63.
6 R. Shusterman, « Légitimer la légitimation de l’art populaire », Politix, vol. 6, n° 24, 1993, pp. 153-167.
7 Y. Klein, Le Dépassement de la problématique de l’art et autres écrits, édition établie par M.-A. Sichère et D. Semin, Éditions Ensba, 2003, p. 202.
8 J.-M. Le Lannou, Voir infiniment. Malevitch-Klein-Soulages, Paris, Hermann, 2019, p. 112.
When we declare that a landscape, a sculpture or a piece of music is beautiful, what are we actually saying? We are expressing an aesthetic judgement that confers identical status on objects that are nevertheless diverse; we are presupposing that the word “beautiful” can be applied both to nature and to the product of an art—a technical craft—and we are expressing the conviction that beauty is an impartial quality that can be applied indifferently to different entities. Are we certain that this kind of homogeneity actually exists? To question it would imply that we can identify a hierarchical and/or exclusive principle within what is commonly accepted to be beautiful. So, what do we mean by “beauty”? Order, harmony, originality, or, perhaps, the direct cause of pleasure? To ask this question amounts to an admission that the spontaneity of aesthetic judgement vanishes once it is subject to reflection. Can we define beauty? To identify a continuous and homogeneous sense of beauty over different epochs would be a complex task. The concept of beauty defies any attempt to pin it down. This resistance to homogenization is further aggravated by the many disputes and individual opinions, even within the same epoch. What is the cause of such a wide disparity in what might be termed “tastes”? Should we see it simply as the mark of education, the persistence of various traditions and the influence of social institutions? If so,, this aspect of contingency would surely rob beauty of any claim to universality.
The enduring popularity of certain artists could then be just as easily written off as the mere product of a historical, social or worldly phenomenon as it could be heralded as the sign that the ideal of beauty as an inherent, self-existent “thing” is not an illusion. Beauty can only escape relativism if we can identify the criteria that would enable it to appear in a multiplicity of forms. So, can we prevent the reduction of beauty to the various appearances that we de facto consider to be at the origin of our feelings of aesthetic pleasure? Is it possible that beauty, in a work, is an essence, which is manifested in a diversity of forms? If so, can such an essence be recognized and also presented in a variety of radically different artistic media? By contrast, if beauty resides in our judgement and not in the object, even if this judgement claims to be universal, does this not constitute an admission of its irredeemable subjectivity? A subjective beauty is a beauty that no-one else can dispute.
Relativism seems to be the destiny of the Western aesthetic tradition. That being the case, should we regret the loss of a universal criterion of beauty? Instead of seeing this absence of a common gauge as signifying a disordered equalization of a multitude of artistic practices that we were previously in the habit of ranking in hierarchy, we could recognize it as a means whereby arts that refuse to conform to classical norms can still exist as “art”.
Where does the reality of beauty reveal itself? Where do we believe that we have found it? Primitively, in nature and in the forms and shapes that nature presents to us. Nature, it would seem is the initial criterion of a spontaneous distinction between the beautiful and the ugly. Is it not evident that, from childhood, we are repelled by the monstrous nature of physical malformation? Is it not evident that beauty is found in the natural accord between the observed form and the form that the thing should have? True pleasure corresponds to this beautiful reality. What do we like to see? Form, in its intelligibility; in this intelligible form, we recognize beauty, whereas the formless does not give us any aesthetic delight. This natural beauty can also be found in works of art. Ever since childhood, what have we been doing when we draw? Imitating. As Aristotle writes in his Poetics, the imitator must seek the probable and not the outlandish. To be beautiful, the representation must make its subject tend towards its own idea, its completed “telos”: men must be presented “in action”1. So, the beautiful is an image of the true: it is conformity to nature, form overcoming formlessness. And, if the reproduction is to bring out the natural truth faithfully, the art—the style or manner—must make itself as discreet as possible. So, technique, at the service of nature, must make itself transparent to avoid spoiling the revelation of form. That is the requirement of realism: the maker’s artifice must be forgotten. Only on this condition can we recognize and feel the natural beauty in its depiction.
Has this thesis survived in a world where we witness a multiplicity of styles? What have we discovered? That a forest can be painted equally well in the style of Courbet as in the style of Douanier Rousseau. Can we establish a hierarchy here? Is the naturalistic “faithfulness to nature” a criterion? This diversity challenges any dogmatic assertion: Aristotelian self-evidence is overturned by the self-evidence of the existence of a multiplicity of means of representation. Can form still be presented in the unity of its intelligibility if the methods of representation vary?
The history of art undermines Aristotelian certainty. Either beauty is still found in the demands of Mimesis, but in such wide variation that it is dispersed, or we lose the true, and therefore the beautiful, as soon as we accept the diversity of modes of representation. This possibility amounts to accepting the disappearance of any objective criterion of beauty. The fixity of “faithfulness to natural beauty” is dissolved in the multiplicity of styles.
Should we accept this new relativism? Does variation necessarily lead to the disappearance of all objective criteria? The diversity of things that we call beautiful complicates the task of identifying a real element that objectively permits this judgement. So, could beauty be located elsewhere than in the object? Should we not say with Descartes that “ … in general, ‘beauty’ and ‘pleasant’ signify simply a relation between our judgement and an object; and because the judgements of men duffer so much from each other, neither beauty nor pleasantness can be said to have any definite measure”2? By identifying judgement, rather than the object, as the principle of appreciation of beauty, Descartes makes a radical inversion. Beauty becomes eminently subjective. After all, experience shows that a particular work does not produce uniform and equal effects. Why do some people dance, and others cry when listening to the same piece of music? “This is because it evokes ideas in our memory”3, and these “ideas”—or associations—can be very different. So, the judgement of beauty depends on the contingency of life and therefore on the infinite specificity of individual experience. Consequently, uniform appreciation of beauty in an audience becomes impossible: the diversity of individual and social habits will be reflected in every judgement made. In other words, beauty derives from an irredeemably subjective and individual appreciation, independent of any intrinsic value in the work. The faithfulness to nature designated as a criterion by Aristotle disappears in this contingency: the work produces beauty without possessing any absolute characteristic of beauty.
However, to recognize that subjectivity alone accounts for beauty is an unsettling prospect. By abandoning the search for an objective criterion, are we not heading towards aesthetic chaos, where the great works would be lost, or assimilated into other random productions that could claim to have just as much value? Can we really be content with such blanket relativism? Should we not search for a universal criterion that could serve as an aesthetic touchstone? This is what Kant attempts in the first section of his Critique of Judgement (1790). If, as Descartes wrote, judgement is where beauty appears, it is in the faculty of judgement that we must find universality. If the principle underlying the judgement of taste is not found in the object but in feeling, we can propose the hypothesis of a “commonality” of judgements. This stems from the fact that when I say that something is beautiful,, I am spontaneously extending my judgement to everyone else. This universality is not the product of any factual convergence of individual tastes: it is a constitutive requirement of judgement. However, since aesthetic judgement is not the same thing as cognitive understanding, its commonality does not use concepts and does not constitute a cognition: it is reflective. For that reason, the postulate of universality becomes fundamental and essential to my own delight, since my delight is not in the object itself but in my faculty, in what, even without the object, I have in common with everyone else. However, we cannot prove this. By postulating a “common sense” that is not founded on experience, and by making this sense the condition for the possibility of aesthetic judgement, affirming that “there neither is, nor can be, a science of the beautiful, and the judgement of taste cannot be determined by means of principles”4, Kant renounces the objectivity of beauty and instead affirms its subjective universality. Is this not the real outcome of relativism? Is this not the strongest attempt to re-establish a truth of the beautiful? However, the problem of the variety of content constituting this judgement seems to be insoluble. The supposed agreement of others does not bring any guarantee of effectiveness. The virtuality of the stated postulate seems to leave the universality of this judgement devoid of substance. We have to recognize that the community, in fact, is not in common agreement with itself.
So, the relativity of beauty seems to be inevitable. Who can judge what is beautiful? Is there still any point in judging beauty, if it is only a subjective impression? However, we cannot deny that some works seem more powerful than others. Might the criterion of beauty then be socially explicit? We can postulate that art-lovers might be the best-placed people to judge the beauty of a work. However, by accepting the relativity of the beautiful, we are faced with the Protagoras described by Plato, arguing that “man is the measure of all things”, not by virtue of being man, but by virtue of being the extreme of particularity, by virtue of being white, black, poor, rich, educated etc.? Theory, ineffective and second-best, cannot do anything with, or against, this designation of the beautiful, which is no longer defined by concept but by a process of historical and social classification. Relativism only signifies the death of truth, not of judgements about things. This modern approach, termed “anti-essentialist”5 by Rorty, abolishes the distinction between intrinsic, an essence, and extrinsic, the diverse relation to individuals.. For the pragmatists, the work of art, like any other reality, does not have any characteristic other than that of its relations: there is no such thing as an intrinsic nature or essence. It is therefore impossible to describe what the thing is in reality; all we can do is to describe the relations existing between it and the needs, consciousness or language of man.
What can you object to someone who says they find certain pieces of rap music as beautiful as Tristan und Isolde? Nothing. To assert the superiority of Wagner over American rap, as Shusterman shows in Pragmatist Aesthetics, is to reproduce the hierarchy constructed by educational institutions and systems. By going so far as to promote the complete dissolution of any intellectual criteria of differentiation between popular art and intellectual art, after showing the “intellectual potential” of rap music, Shusterman militated for the right to appreciate the art you love without humiliation6: no intellectual and conceptual norm has the right to establish a hierarchy. Is that the ultimate consequence of relativism?
But, beyond this aesthetic and artistic egalitarianism that reduces the beautiful to the pleasure experienced, the abolition of any natural or objective criterion offers the possibility for arts that had refused the demands of the Poetics—the demands of Mimesis—to finally gain recognition. After all, if the “natural” criteria established by Aristotle had not been challenged, abstract art, whether in music, painting or sculpture, could never have appeared. The recognition of beauty without any recognizable representation of something else would be impossible. By ending the reign of the imitation of nature, we accomplish the liberation theorized by Klein: we gain the right not to look for “content” in a painting, and not to impose our recognition of this content as the criterion of its existence. The removal of the demands of composition has released art from the Aristotelian prison of representation. Colour, hitherto imprisoned in forms by line-drawing7, as Klein puts it, is freed from the line. A beauty that is not composed,, without forms, made only of colours, can finally appear, delivered of any injunction to represent something. Did this liberation necessarily require the disappearance of any criterion at all? Could it only appear in the new horizon of relativism? Or are these two phenomena the effect of one and the same disappearance? All the philosophical traditions that have attempted to impose a criterion on painting, are thinking of something other than painting: they are thinking of the image, the work produced by and for its meaning8. If that is the case, why should we continue to desire a criterion? Why do we still have a nostalgia for it? Should we not recognize that, without the strictures of nature, the visible can finally be itself? Without nature, without expression, the beautiful can finally be, in and for itself.
The disappearance of “Nature” as standard could only lead to the disappearance of objective beauty. Without a model that founds subjective judgement “in reality”, relativism seems to be the destiny of Western art. Rather than constituting the decline of classical forms and the impossibility of any artistic education, this relativism opens our judgement to the multiplicity of abstract visual forms, which could only have met with rejection as long as the belief in an objective criterion persisted.
1 Aristotle, Poetics, (1448a in French translation by J. Hardy, Paris, Les Belles Lettres, 1977.
2 Descartes, Œuvres Philosophiques (Philosophical Writings) Vol. I, (French edition) Paris, Garnier, 1963, pp. 251-252.
3 Ibid.
4 E. Kant, Critique of Judgement, §60, translation : Werner S. Pluhar, Hackett Publishing Company Inc.1987).
5 R. Rorty, Hope in place of knowledge: the pragmatics tradition in philosophy.
6 R. Shusterman “Too Legit to Quit? Popular Art and Legitimation”.
7 Y. Klein, Overcoming the Problematics of Art and other writings (published in French by M.-A. Sichère and D. Semin, Éditions Ensba, 2003, p. 202.
8 J.-M. Le Lannou, Voir Infiniment. Malevitch-Klein-Soulages, Paris, Hermann, 2019, p. 112.