La beauté a de tout temps suscité l’exaltation et l’engouement passionné des hommes. Fascinés par les formes de magnificence éparses dans l’univers, beaucoup ont tenté de saisir effectivement et par intellection ce qu’elle est. Subjugués qu’ils sont, les hommes y ont vu alors la manifestation de la perfection, la présence d’une âme cosmique admirable et accomplie. Le plaisir indescriptible procuré par la contemplation du beau a toujours laissé une trace d’ineffable. C’est en cela que, abstraction faite de toutes les tentatives de définition, la beauté demeure insaisissable. Elle relève d’un ordre expérientiel qui renvoie à l’enchantement indicible et à l’émotion trouble.
En outre, l’esthétique comme discipline tenant un discours sur le beau en essayant de cerner le magnifique et le mirifique, aussi bien dans la nature que dans la culture, souligne que ce sont les aspects visuels et auditifs qui impriment aux choses leur beauté. Par leur truchement, la beauté prodigue une sensation de plaisir avec un sentiment de plénitude et de ravissement à soi. Elle procède de ce qui est manifesté par la forme des corps et leurs couleurs, par le mouvement et l’animation des objets, par la sonorité agréable et captivante, par des proportions heureuses dans l’harmonie entre le tout et ses parties. Donc, seules la vue et l’ouïe sont flattées par le beau. Être beau, c’est se rapprocher d’un idéal, c’est tendre vers ce qui doit être splendide et merveilleux, inclinant vers la perfection esthétique.
En réalité, l’intuition de la beauté en soi est supérieure à la jouissance provoquée par la vision des beaux objets particuliers ou par l’acoustique des réverbérations mélodieuses. Très tôt, la sagesse des Grecs s’était investie dans la réflexion relative à cet aspect insaisissable de la beauté et à ses répercussions intérieures. Dans leur sillage, les philosophes musulmans hellénisants, légataires et continuateurs de la pensée grecque, comprirent que chez Platon le beau est associé au vrai et au bien comme une des idées les plus élevées. Ils purent déceler dans le premier texte du Phèdre comment on peut passer du désir des beaux corps à l’amour des belles âmes pour parvenir à la contemplation de la beauté en soi.
Ainsi, dès le IXe siècle, l’esthétique islamique est-elle inspirée par les doctrines néoplatoniciennes avec un texte arabe diffusé sous le nom de Théologie d’Aristote. Bien postérieur au vie siècle, celui-ci est, en réalité, composé d’interprétations, plus ou moins fidèles, d’une partie des Ennéades de Plotin et de commentaires de Porphyre. Il influença tour à tour Al-Kindi (801-873), Al-Fârâbî (872-950) et Avicenne (980-1037), qui reprennent notamment la distinction entre beauté sensible et beauté intelligible, et les liens avec la perception, l’amour et le bonheur.
Il se trouve que dans la tradition religieuse islamique, et dans toute la civilisation qu’elle sous-tend, la beauté n’est pas simplement une qualité extrinsèque des objets, mais elle qualifie la valeur morale de l’âme d’une personne qui est sensible aux belles choses et se résout à en produire. Au travers des perceptions sensorielles, la contemplation est associée à l’élévation spirituelle afin de polir le cœur et d’embellir l’âme. La quête du beau est une recherche effrénée de Dieu et peut-être une manière de participer à sa divinité créatrice.
Aussi, les splendeurs de la Création arrivent-elles très vite dans les thèmes naturalistes mis en exergue par le Coran. Ces thèmes démontrent les bienfaits du Créateur ; la nature est érigée en preuve cosmique. Émerveillés, les exégètes les méditent en espérant l’inspiration dans la lecture du livre-univers. Et, bien que pour les premiers théologiens la révélation coranique fût la manifestation fulgurante dans le monde sensible des ipsissima verba dei, ils ne s’étaient pas empêchés de voir des correspondances avec d’autres œuvres humaines. De la nature, le poème de Parménide, en est un exemple frappant. Dans son fragment VIII, ils lisaient bien : « Il ne reste plus qu’une seule parole celle de la voie énonçant : Il est. Sur cette voie se trouvent des signes très nombreux, montrant que, étant inengendré il est aussi impérissable, unique et entier en sa membrure, sans frémissement et sans terme. Jamais il n’était ni sera puisqu’il est maintenant tout entier ensemble, continu, d’un seul tenant. Quelle origine peut-on chercher pour lui ? Vers où, à partir d’où se serait-il accru ? »
Au-delà du poème, c’est toute la question de l’ontologie qui se pose comme telle, inaugurale dans toute entreprise de connaissance. Elle entre en résonance avec la sourate 112, intitulée « La foi pure ». Elle rassemble, mutatis mutandis, l’essentiel de la conception islamique de Dieu : « Dis : Lui est Dieu un. Dieu l’insondable, Il n’a pas engendré, il n’a pas été engendré, et nul ne lui est égal. »
Le caractère absolument transcendant de Dieu est affirmé avec force. Il est pourtant tout à la fois d’une grande proximité avec l’homme et sa création dans, et par, laquelle il annonce qu’il est le Vrai, tout comme il est éminemment ce qui le surpasse. En réalité, conformément à la théorie philosophique coincidentia oppositorum, le domaine du divin est celui dans lequel se réalise la conjonction des contraires. Cette théorie, développée par la théosophie ismaélienne, trouve son origine dans l’école pythagoricienne. Elle énonce que Dieu est premier et dernier. Il est transcendant et immanent. Il est loin, plus loin que les confins de l’univers, et proche, plus proche que la veine jugulaire. Dieu est tout et ce qui le dépasse. Il est manifeste et caché. Simplement, sa manifestation théophanique est la beauté souveraine et les plus beaux noms lui appartiennent.
En reprenant les trois étapes, bien connues chez les soufis musulmans, de l’initiation à l’anéantissement dans la beauté suprême – la purification purgative, l’ascension illuminative et la contemplation unitive –, les mystiques donnent une forme dialectique aux mystères de l’ascension de l’âme vers le divin. Dans ce cas, le beau est médiateur pour accéder à la divine beauté. L’anéantissement, en se fondant dans l’Être premier doté de la perfection absolue, est le but ultime des soufis. C’est une « extinction » dans la beauté !
Dieu mène les hommes dans une destinée dont ils ignorent et le sens et l’issue. Il les informe de leur céleste origine bien que leur condition soit pulvérale et argileuse, adamique en somme. L’homme est icône et vicaire de Dieu sur terre, créé sous une forme harmonieuse. L’éternel Dieu lui-même l’atteste dans sa parole consignée : « Certes, nous avons créé l’être humain dans la forme la plus parfaite1. »
L’homme est anobli par la dimension pneumatique qui consiste en une exhalaison d’amour et de compassion insufflée en lui. Il est le réceptacle de l’effusion de bonté et de miséricorde qui émane continûment de l’Être premier. Connaissant leurs moindres pensées dans l’intimité de leur conscience, Dieu sonde les cœurs des hommes. Si sa fureur sublime est affirmée – il est « le Terrible » ou « le Redoutable » –, sa dimension primordiale est la miséricorde. C’est un trait caractéristique de sa magnanimité. Sa mansuétude et sa clémence sont incommensurables, de portée cosmique. Néanmoins, Dieu, tel qu’il est décrit dans la théologie apophatique, est essentiellement un mystère qui ne saurait être comparé à rien de semblable. Mais la mystique islamique postule que l’on peut acquérir une connaissance de réalités subtiles qui ne sont a priori ni intelligibles ni accessibles à la perception sensorielle. Alors, une mystagogie intuitive se traduit par la recherche de l’invisible et le témoignage de la présence de l’Absolu, dont la révélation finale se fait au terme de dévoilements successifs. C’est la réalité ultime.
Aussi, l’expérience mystique du beau, caractérisée par la profonde portée émotionnelle, est-elle le viatique d’une quête spirituelle. L’invariant besoin de transcendance et la soif inextinguible de spiritualité prennent pour support de méditation les belles choses. Ils plongent le contemplatif dans un état élégiaque, et l’aphasie éprouvée par la réjouissance jubilatoire intérieure n’est pas qu’un silence contraint. C’est littéralement le souffle coupé qui traduit cette mélancolie soudaine induite par l’appréhension de voir s’éteindre la beauté. Mais la mélancolie est aussi le bonheur d’être triste et la félicité vécue est dans l’extase devant le reflet fugace de la beauté permanente. Les formes de beauté naturelle ne sont que les éclats étincelants de la beauté éternelle. La beauté est la manifestation éblouissante de l’attribut divin par excellence. C’est la suprême théophanie.
Aimé, le beau mène vers la connaissance de l’amour divin. En effet, à l’homme qui interrogea au sujet de l’amour des belles choses, le prophète Muhammad répondit : « Dieu est Beau. Il aime la beauté. » Toutefois, la théodicée de l’harmonie en islam stipule que la beauté est une voie de la perfection spirituelle tant que l’adorateur observe le commandement divin. Sinon, elle pourrait devenir une réelle épreuve. Auquel cas, la passion pour la folie des méfaits enjolivés par mauvais penchants serait la « beauté blâmable », celle qui excite le désir sans fin en enfermant l’homme dans l’illusion et le simulacre, celle de l’inclination exclusive dans ce bas monde pour la pompe du pouvoir par vantardise exagérée, par faste exhibé et par orgueil insolent : « Et ne tends point tes yeux vers ce que Nous avons donné comme jouissance temporaire à certains groupes : c’est un décorum de la vie présente par lequel Nous les éprouvons. Ce que Dieu fournit est meilleur et durable2. »
Il est le maître du meilleur monde possible en dépit des épreuves et des afflictions. La Création de Dieu est aussi belle que son ordre transmis dans le plus beau des récits. À ce sujet, les arabophones sont tous unanimes à propos de l’agencement mélodieux des assonances rimées de la parole coranique. Indépendamment des questions de foi et de croyance, l’effet de la cantillation du Coran est hypnotique sur les auditeurs et sa scansion a une portée émotionnelle certaine.
En outre, Dieu aime ceux dont l’agir est beau. C’est pour cela que dans la morale islamique, la belle chose est aussi la chose bonne, agréable, plaisante et généreuse. Auquel cas, la beauté en devient une forme de bonté. Et la récompense de la vertu est justement la vertu. Mais, qu’est-ce donc que la vertu si ce n’est l’identification immatérielle avec l’ordre harmonieux de l’univers ? Elle est un bien avantageux pour celui qui la perçoit et pour celui qui l’accomplit. C’est la réussite d’une vie bonne polarisée vers, et par, le bel agir.
Justement, dans La Cité vertueuse, Al-Fârâbî introduit l’idée de beauté intelligible dans les discussions sur les beaux noms de Dieu. Il invoque la perfection divine pour justifier les rapports de transcendance entre perfection, beauté et plaisir. Et dans son Traité sur l’amour, Avicenne détaille plus encore les distinctions entre la beauté intelligible et sensible, et les formes de plaisir ou d’attirance, en considérant aussi des éléments psychologiques et spirituels. Il affirme que le désir pour la beauté est une noble chose, aussi longtemps que l’intelligible conserve la faculté d’influencer le sensible.
Les œuvres humaines étant intrinsèquement imparfaites, une part importante des discussions philosophiques concerne les arts. Il s’établira, au fil des siècles, des débats entre théologiens, jurisconsultes et canonistes sur la pertinence de la représentation figurée. Il en résulte en définitive que l’aniconisme ne concerne que la non-représentation de Dieu. Cette part importante des discussions métaphysiques implique que les arts de l’Islam relèvent souvent d’un ensemble d’activités avec une valeur instrumentale. Néanmoins, d’autres activités artistiques constituent une fin en soi et visent l’esthétique libre.
Sur un autre plan, les prosateurs, polygraphes et autres grammairiens s’interrogent sur l’efficacité du langage, ses mécanismes linguistiques, ses usages et ses capacités cognitives. L’excellence dans la rhétorique et la prosodie magnifiée rendent les émotions plus intelligibles par une versification déliée et ingénieuse. La création poétique dans les langues véhiculaires de la civilisation islamique que sont l’arabe, le persan, le turc ou l’ourdou a été portée par des poètes artistes soucieux de beauté formelle et des poètes lyriques qui entretiennent le chant de l’âme, en dépit d’ailleurs d’une mise en garde de la révélation coranique : « Et quant aux poètes, ce sont les égarés qui les suivent. Ne vois-tu pas qu’ils divaguent dans chaque vallée, et qu’ils disent ce qu’ils ne font pas ? À part ceux qui croient et font de bonnes œuvres, ceux qui invoquent souvent le nom de Dieu et se défendent contre les torts qu’on leur fait. Les injustes verront bientôt le revirement qu’ils [éprouveront]3 ! »
Mais l’évocation notamment du nom du Seigneur, sa remémoration et sa méditation comme une sage souvenance ont toujours été une source d’inspiration pour les poètes musulmans. Lorsqu’il est aimant et lucide, le poète est le virtuose de l’ineffable. Il est le pèlerin de l’indicible, qui essaye de voiler le brasier intérieur qui le consume alors qu’il ne voit qu’illumination et flamboyance dans l’univers. Dieu est la source lumineuse de toute chose. Le verset de la lumière, central dans la sourate éponyme, l’affirme avec puissance et vérité. Il est toujours au centre des projections métaphysiques et mystiques : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un récipient de cristal. Lequel cristal ressemble à un astre étincelant qui s’allume à un arbre béni : l’olivier qui n’est ni d’Orient ni d’Occident et dont l’huile éclaire sans qu’un feu la touche ou peu s’en faut. Lumière sur lumière. Dieu guide vers sa lumière qui il veut. C’est ainsi que Dieu propose aux hommes des paraboles. Et de toute chose Dieu est parfaitement connaissant4. » À ce sujet, et entre autres poètes, Hafez (m. 1389) s’exclamait déjà dans son Divan : « Dans la prééternité, le rayon de ta beauté / S’exhala en une lumineuse apparition. / L’amour parut dans une autre réalité. / Et il mit le feu dans l’entière création. »
La poésie, comme une véritable iconographie verbale, dépeint en un jaillissement efflorescent la dimension fractale de la Création. Le poète persan Mahmoud Shabestari (m. 1320) déclamait bien dans sa Roseraie du mystère en offrant cette itinérance de l’âme vers sa divine origine : « Sache que ce monde tout entier est un miroir, / Dans chaque atome se trouvent cent soleils flamboyants / Si tu fends le cœur d’une seule goutte d’eau, il en émerge cent purs océans / Si tu examines chaque grain de poussière, / Mille Adam peuvent y être découverts. »
Nombreux sont ceux qui perçoivent la munificence incommensurable dans la nature belle et mirifique comme l’expression sensible de la Vérité. Les musulmans l’attestent : « Il n’y a de divinité autre que Dieu. » Ils l’entendent dans le galop des chevaux, dans le bruissement des feuilles, dans le clapotis des rivières et le bruissement des eaux, dans le souffle du vent, dans le chant des rossignols. Le gazouillis des oiseaux est une concélébration cosmique dans un concert dédié à l’Auteur premier. Quelle tragique inversion de sens de voir de nos jours la laideur physique et morale l’emporter dans la vision du monde fondamentaliste salafiste !
Et pourtant ! Sur la tapisserie des siècles, les sociétés musulmanes étaient caractérisées par le dessein de faire conjuguer hédonisme et humanisme. Le raffinement allait de pair avec la tendresse et la sensualité. L’élévation spirituelle avait comme support l’art, miroir du sacré. Parce que toute chose s’inscrivant dans l’ordre cosmique harmonieux est le signe d’une conception divine.
Contrairement à une idée très répandue, l’art islamique, en dehors des édifices religieux, est souvent figuratif. Les miniatures dans toutes les écoles et sous toutes les dynasties comportent des représentations humaines et animales figurées. Par la grâce du pinceau et de la plume, l’art figuratif par médiation calligraphique donne de très étonnants calligrammes connus de tous. Les lettres calligraphiées composent le navire, la poire, la colombe, le lion ou l’homme agenouillé priant Dieu… En réalité, la calligraphie est omniprésente, elle anime tous les décors, mêlée aux motifs floraux et aux figures géométriques sous la forme épurée d’arabesques. Elle se donne à lire sur les tapis et kilims. Elle se dévoile dans la sculpture du bois, le stuc et la céramique. Les textes inscrits mêlent versets du Coran, aphorismes du prophète et extraits des odes de versificateurs de génie.
En revanche, l’art islamique a cherché à répondre autrement à la non-représentation du divin, pour cela il a produit l’ornement comme abstraction du réel, c’est ce qui se donne à voir dans l’architecture, notamment dans la reproduction jusqu’au vertige du motif girih. En effet, les girih, qui se présentent comme un entrecroisement de droites se brisant en d’innombrables zigzags, suscitent depuis des siècles une réelle fascination. Ils enrichissent la complexité des décors géométriques palatiaux.
Bien entendu, l’art du jardin se veut une préfiguration de l’Éden céleste. Cette allégorie du paradis projetée sur terre a été aussi l’espace où l’on pouvait s’adonner aux plaisirs charnels et y goûter aux délices paradisiaques. Les bassins d’eau y servent de miroirs aux architectures, allégeant leurs volumes et accentuant le côté immatériel et éphémère des biens labiles et fragiles de ce bas monde. « Combien est beau ce jardin, ce jardin où les fleurs de la terre rivalisent d’éclat avec les astres des cieux. / À cette vasque d’albâtre pleine d’une eau cristalline, que peut-on comparer ? / Seule la Lune dans toute sa splendeur, brillant au milieu de l’éther sans nuage5. »
Enfin, en dépit de ce que peuvent raconter certains imams ignares, un consensus général sur l’importance de la musique dans la société musulmane était présent sur la fresque historique. Ainsi, la dynastie des Abbassides (750-1258) voit-elle se développer un grand mécénat musical. De même, plusieurs auteurs musulmans ont composé des traités soulignant l’importance de la musique comme art d’accommoder les sons d’une manière agréable à l’oreille. Al-Kindi, Al-Ghazali ou Avicenne se sont intéressés à toutes les constructions artistiques destinées à être perçues par l’ouïe. La musique est l’art métaphysique qui commence là où la parole est impuissante à exprimer ce que l’on ressent. À ce titre, Al-Fârâbî était un musicothérapeute qui soignait l’affliction par la musique, et quel meilleur consolateur !
Sur le plan religieux, la présence aux multiples cérémonies du sama‘, ce concert spirituel avec musique et danses d’adeptes se laissant peu à peu envahir par la transe afin d’accéder à l’extase, témoigne de l’engouement des musulmans pour la musique sacrée. Et c’est Ziryab (786-857), musicien de génie et technicien adroit et précis, qui, à son arrivée à Cordoue, créa le premier conservatoire d’Europe ouvert à tous. Il codifia le chant, en limitant les improvisations, et mit au point les techniques vocales qui produisirent les mélopées les plus envoûtantes. Les noubas, ces suites de pièces vocales et instrumentales, témoignent à l’envi du prodigieux foisonnement du chant indissociable de la danse dans les sociétés musulmanes.
Si on ajoute à l’ensemble un goût immodéré pour les belles vêtures et leurs parures, nous voyons que la beauté, lorsqu’elle concorde harmonieusement avec la bonté, embellit le corps, polit le cœur et agrémente l’esprit. C’est en se faisant beau que le croyant adorateur peut s’approcher du Beau. Nous consonnons bien avec Kakuzô Okakura lorsqu’il affirme : « Qui ne s’est pas fait beau soi-même n’a pas le droit d’approcher la Beauté6. »
1 Coran, sourate 95, « Le figuier », verset 4.
2 Coran, sourate 20, « Ta Ha », verset 131.
3 Coran, sourate 26, « Les poètes », versets 224 à 227.
4 Coran, sourate 24, « La lumière », verset 35.
5 W. Irving, Les Contes de l’Alhambra, Éditions Miguel Sanchez, 1991, p. 48.
6 Kakuzô Okakura, Le Livre du thé, Éditions Philippe Picquier, 2017.