« J’ai connu des officiers qui s’enfermaient dans un silence de trappiste » : Alfred de Vigny, dans Servitude et Grandeur militaires, ne jette pas ce jugement sans une nuance de désolation. Aliénant sa liberté motu proprio pour l’honneur de servir, le militaire accepte non seulement d’exposer sa vie dans une action de combat pour la défense des intérêts supérieurs de la nation, mais aussi d’être soumis à une obligation de réserve plus stricte que celle des fonctionnaires. Cette obligation est un poids et c’est, je crois, le sens de la réflexion qui m’a été demandée. Elle est aussi un refuge : toute carrière voulue dans l’armée ne promet-elle pas cette existence nouvelle et protégée que, dit Bossuet dans son sermon pour la prise de voile de Madame de La Vallière, la solitude du cloître offre à la pénitente ?
La portée de l’obligation de réserve prête à interprétation. Elle laisse toutefois un espace qui, dans les circonstances présentes, mérite d’être interprété généreusement : la loi permet aux militaires de ne pas être cantonnés à l’action. Les limites juridiques, sauf interprétation exorbitante du droit, ne doivent pas déboucher vers l’inhibition. Dans le champ militaire ou en dehors, le silence n’est pas de rigueur : qu’il corresponde à une tentation intérieure du soldat ou à celle des responsables politiques, il convient d’en mesurer le prix, puisqu’il n’est pas de réflexion libre sans expression et que la vocation de soldat comme le lien entre l’armée et la nation doivent être entretenus. La France s’honore d’ailleurs d’une longue tradition d’expression libre de la pensée militaire, de Lyautey à de Gaulle en passant par Foch et Castex, dont la fécondité perdure. Dans un contexte stratégique renouvelé, alors que la guerre du futur pose des problèmes éthiques, juridiques et techniques intenses, dans une société qui les héroïse à nouveau sans guère les connaître, les militaires peuvent s’exprimer avec davantage de confiance.
- Teneur et justifications du devoir de réserve
L’obligation de réserve est, dans la conception française, la contrepartie de la liberté de conscience et le corollaire de la neutralité du service ; elle préserve la liberté d’opinion, mais limite, sans l’annihiler, la liberté d’expression. Le champ d’application personnel de ce devoir est mieux défini que son étendue substantielle, soit les attitudes ou les propos admis des agents qui y sont soumis.
L’obligation de réserve pèse sur tous les fonctionnaires, avec des nuances importantes. Aux deux extrémités, on trouve le professeur d’université et l’enseignant-chercheur, dont la libre expression et l’indépendance sont constitutionnellement garanties, et le militaire, dont l’obligation de réserve est fréquemment présentée ou perçue comme un quasi-devoir de se taire, une interprétation dont le bien-fondé et la justesse historique méritent d’être interrogés.
De fait, la situation des militaires est particulière, mais elle ne présente par rapport à celle des fonctionnaires civils qu’une différence de degré, non de nature. La loi garantit la liberté d’opinion des uns et des autres1. La particularité des militaires tient à ce que l’obligation de réserve, qui est une création jurisprudentielle, est codifiée les concernant, comme c’est le cas pour les magistrats, les membres du Conseil d’État et les policiers : aux termes de l’article L. 4121-2 du Code de la défense, « les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire ». Le statut interdit aussi l’adhésion à des groupements ou associations à caractère politique et à des syndicats : l’obligation de réserve est également collective.
Il ne fait pas de doute qu’une application plus stricte de cette obligation prévaut dans la fonction publique militaire, parce qu’elle impose une discipline particulière et un devoir de neutralité renforcé. Les forces armées sont par vocation au-dessus de l’esprit partisan.
Les justifications en sont nombreuses. Elles sont d’abord liées, classiquement, à ce que le juge administratif nomme le bon fonctionnement du service, parce que la discipline est une condition de la capacité d’action de la troupe, mais aussi parce que son unité impose une restriction dans l’expression de certaines préférences. En Allemagne, l’approche du devoir de réserve met l’accent sur ce qu’exige la camaraderie2, sur l’importance par suite que les officiers n’imposent pas trop leurs vues à leurs subordonnés, en cohérence avec l’inspiration libérale de la loi fondamentale, qui justifie des restrictions à la liberté d’expression par cette liberté elle-même.
Au-delà, ces justifications tiennent à la nécessité de préserver la confiance dans l’armée, à la considération dont l’administration et ses autorités doivent bénéficier, et à la prééminence du pouvoir politique, plus ou moins jalousement gardée selon ce que les circonstances historiques et la solidité des institutions commandent ou paraissent commander. C’est ainsi que l’obligation de réserve est caractérisée par sa permanence : elle s’impose au militaire dans et hors ses fonctions.
En France, tout particulièrement, l’obligation de réserve des militaires tient à leur subordination organique au pouvoir et, en ce sens, fait figure de mesure protectrice de l’autorité de l’État. Elle est liée, de manière peut-être trop systématique, à l’obligation de loyauté, qui a trait au respect par l’agent des institutions et de sa hiérarchie, et à son acceptation d’un ordre constitutionnel libéral et démocratique : c’est que la correspondance ontologique entre l’armée et l’État fait peser sur les militaires plus que sur tout autre la nécessité de prévenir toute mise en contradiction de l’État avec lui-même.
- Une notion essentiellement relative
À ces finalités nombreuses et éminentes correspond une obligation rétive à toute définition, au-delà de deux pôles tangibles : l’obligation de neutralité politique, soumise à des évolutions récentes sur lesquelles je reviendrai, et celle tenant à la préservation des secrets. Le devoir de réserve le plus absolu et même de silence a en effet trait à la sécurité opérationnelle : il correspond plutôt ici à l’obligation de discrétion, qui interdit au militaire comme au fonctionnaire de faire état d’informations et de documents auxquels il a accès dans le cadre de ses fonctions3.
Quant à l’obligation de réserve strictement entendue, elle n’est définie par aucun texte, les auteurs du statut ne s’y sont pas essayés et il est revenu à la jurisprudence d’en préciser les contours. En conséquence, il s’agit d’une notion essentiellement relative, dont le contenu n’est pas toujours aisé à appréhender : l’obligation de réserve s’illustre plus qu’elle ne se définit, elle manque ainsi à l’exigence de prévisibilité puisqu’il est impossible de dire a priori qu’une action est constitutive d’un manquement. Pèse de ce fait toujours sur son maniement le soupçon d’une exigence de « conformisme idéologique »4.
Une instruction a longtemps été en vigueur, ayant pour objet d’éclairer les militaires quant au contenu de cette obligation5 ; elle se bornait, en réalité, à reprendre les principaux acquis de la jurisprudence administrative en ce domaine, en ajoutant qu’« à l’égard du devoir de réserve, parfois méconnu de nos jours [1972], les militaires doivent donner l’exemple, en toute occasion ».
De la jurisprudence peut être dégagée une définition faisant de l’obligation de réserve une limitation de la liberté d’expression ayant pour objet d’interdire les attitudes et les propos, tant en service qu’en dehors, de nature à porter tort à la considération et à la confiance dont l’administration et ses autorités doivent bénéficier. Il est ainsi demandé au fonctionnaire ou au militaire de « ne pas transformer ses opinions en émotions publiques »6.
Le degré de déconsidération ou l’importance de la rupture de la confiance dépendent de plusieurs paramètres, qui constituent des circonstances aggravantes sans qu’aucun d’entre eux ne soit nécessaire à la caractérisation d’une méconnaissance de l’obligation de réserve : la nature des fonctions, soit leur plus ou moins grande sensibilité, et le niveau hiérarchique de l’agent ; la publicité, l’ampleur de la diffusion ; le fait, pour l’intéressé, de s’être prévalu ou d’avoir entendu profiter de sa fonction pour donner du poids à une position personnelle ; le lieu de l’expression (une plus grande réserve est attendue à l’étranger) ; le non-respect des formes et de la mesure dans l’expression (notamment ton ou propos agressifs).
Tous ces facteurs interviennent dans l’appréciation du juge saisi de la question de la légalité d’une sanction infligée à un militaire pour violation de l’obligation de réserve. Cette intervention du juge appelle deux remarques. En premier lieu, les juridictions veillent à une conciliation équilibrée de l’obligation de réserve avec la liberté d’expression et pratiquent désormais un contrôle normal7 de proportionnalité qui donne toutes ses chances au militaire souhaitant contester le principe ou le quantum de la sanction prise à son encontre. En second lieu, la jurisprudence est peu abondante et n’éclaire donc que modérément les militaires : il est vrai que jusqu’en 1995, les sanctions les visant étaient considérées comme des mesures d’ordre intérieur jouissant d’une immunité de juridiction8.
Le caractère totalement résiduel de ce contentieux devant le juge administratif9 révèle sans doute à la fois une forte autocensure des militaires, une faible propension de la hiérarchie à réprimer leur parole ou une réticence des militaires sanctionnés à saisir le juge. Toutes les décisions que nous avons pu recenser sont défavorables aux militaires, mais les faits à l’origine de la sanction, comportement manifestant une radicalisation ou des injures sur les réseaux sociaux, relèvent de l’usage le plus pauvre et douteux de la liberté d’expression.
Les deux affaires portées devant le Conseil d’État sont plus intéressantes puisqu’elles ont conduit à confirmer la sanction consécutive à la parution d’un article critiquant la politique gouvernementale de rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur et la participation à une manifestation interdite10. Elles témoignent d’une relative indifférence du juge à l’expertise, qu’elle soit officiellement reconnue ou non, du militaire (cas d’un commandant de police également, collaborateur d’un laboratoire du cnrs) dans le domaine sur lequel il s’est exprimé. De même, le militaire dépend exclusivement de l’exécutif et ne peut s’exprimer librement devant la représentation nationale comme le ferait un expert en politiques de défense : le fait qu’il soit auditionné n’est pas de nature à le délivrer de son obligation de réserve ou à en diminuer la portée11.
Le juge constitutionnel ne s’est jamais prononcé sur l’obligation de réserve, mais la Cour européenne des droits de l’homme12 reconnaît que la discipline militaire ou la crédibilité du corps militaire justifient des restrictions particulières à l’exercice de la liberté d’expression, qui ne sauraient cependant pas excéder ce qui est nécessaire pour préserver les intérêts supérieurs justifiant cette restriction (discipline interne du service et neutralité politique).
Le manque de prévisibilité des limites imposées par l’obligation de réserve – le droit américain parlerait de griefs d’imprécision et de portée excessive, vagueness et overbreadth – contribue sans nul doute, plus que le nombre des sanctions, au sentiment de vulnérabilité des militaires ; s’y ajoute une difficulté plus grande à se défendre par rapport à d’autres agents publics, du fait de l’absence d’organisations syndicales et de la crainte d’une sanction déguisée sous la forme d’un déroulement de carrière désavantageux.
Faut-il alors souhaiter une définition plus précise dans la loi ? On peut en douter : le législateur qui aujourd’hui abordera de manière libérale ce devoir ouvrira peut-être la voie à une définition demain plus stricte en réaction à tel ou tel événement ou circonstance. Entretenir la conversation avec les responsables politiques et la société comme le font depuis de nombreuses années des représentants éminents des armées semble plus utile pour parvenir à une application adaptée du devoir de réserve, limitant les sanctions autant qu’une auto-censure culturellement intériorisée et favorisant des prises de position argumentées de la part des militaires.
- Un moment historique favorable à une nette atténuation
du « cantonnement juridique du pouvoir militaire »13
La participation des militaires au débat national se présente aujourd’hui sous un jour nouveau, pour trois raisons qui conduisent à regarder comme anachronique la relative inhibition de leur parole.
La première tient au contexte historique dans lequel la méfiance n’est pas de mise. La participation des militaires au débat national a connu des heures fastes, désormais assez éloignées de nous : au lendemain de la Première Guerre mondiale et jusqu’à la nomination en 1935 du général Gamelin comme chef d’état-major général, ils écrivent à foison sur la doctrine d’emploi et l’équipement des forces comme sur les questions géopolitiques ou culturelles. Après la Seconde Guerre mondiale, la pensée militaire se fait plus discrète ; la fin du conflit algérien et les trente premières années de la Ve République lui sont peu favorables. Ces évolutions historiques ont souvent été rappelées et ce n’est pas mon propos que de les restituer dans tous leurs méandres, sinon pour montrer que la situation actuelle est favorable à un renouveau de la parole militaire. L’autorisation préalable pour toute prise de position publique sur des sujets politiques ou internationaux à laquelle le Statut général des militaires de 1972 les soumettait n’a plus cours sous l’empire du statut de 2005. La loi et la jurisprudence laissent de vastes espaces, sans que le devoir d’information ne soit encore pleinement investi par le commandement.
L’image des armées, c’est une deuxième raison, n’a jamais été aussi bonne depuis des décennies : alors que notre pays, sur la longue période, s’est remarquablement tenu à l’écart du césarisme, le putsch et sa résonance paraissent aujourd’hui distants et sans postérité. L’image du militaire est à un point haut sans que sa place dans la Nation soit également confortée.
Enfin, des évolutions notables promues récemment, à la demande du juge, ont en matière d’expression des militaires des conséquences qui peuvent gagner en importance. Pour répondre à une censure de la Cour européenne des droits de l’homme14, la création d’associations professionnelles nationales de militaires a été autorisée et elles se sont vu reconnaître le droit d’ester en justice. Et demain, une fois la Loi de programmation militaire promulguée, il sera possible pour un militaire d’active d’exercer un mandat électoral dans les petites communes et intercommunalités. L’incompatibilité générale et absolue prévue par la loi a en effet été jugée par le Conseil constitutionnel15 excessive au regard de ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu contre les risques de confusion et les conflits d’intérêts.
Ces formes nouvelles d’expression collective et politique des militaires leur donneront une visibilité croissante dans la cité, mais elles n’épuiseront pas la parole militaire et ne doivent pas en devenir les formes dominantes.
Ce qui se joue profondément s’agissant de l’obligation de réserve, on le touche ici du doigt, c’est la spécificité militaire, l’attachement qui lui est dû et la crainte que la grande main du droit commun ne s’avance jusqu’à l’étouffer.
Le silence qu’induit une obligation de réserve forte marque aujourd’hui plus nettement qu’hier cette spécificité. Et ce silence n’est pas rien : dans un monde de plus en plus bruyant, dans lequel l’intimité se fait bavarde, il est une marque paradoxale de grandeur. J’en ai fait l’expérience au Royaume-Uni s’agissant d’une autre corporation, celle de la haute magistrature, qui, comparée à la nôtre, s’accommode d’une discrétion absolue, et n’en est que plus éminente et respectée.
La valeur de ce silence existe. Elle ancre cette idée d’un militaire dévoué, brave sans fracas. Mais elle va de pair avec un sentiment d’extranéité croissant, qui a gagné la littérature dans la seconde partie du xxe siècle : la figure concrète, tangible, du soldat ou de l’officier s’efface dans la littérature de l’après-guerre ; restent Le Désert des Tartares et Le Rivage des Syrtes, romans du silence et de l’étrangeté.
Mais de l’absence d’expression vaine et nombriliste au silence, l’espace est important. Le devoir de réserve ouvre sans nul doute aujourd’hui un espace à des prises de position utiles, attendues, nécessaires, sauf à être surinterprété et de ce fait démonétisé. Surinterprété par le pouvoir politique, il révèle alors une fragilité des institutions dont il a vocation à préserver la crédibilité, ainsi que leur absence de neutralité. La pensée militaire ne peut être réduite à sa quote-part obligée de communication institutionnelle. Surinterprété par le militaire, il relève d’une autocensure suspecte : la liberté d’expression est contrainte par le cadre juridique, mais plus encore par le goût des uns et des autres à s’exprimer, donc à prendre un risque. Le militaire s’exprime, il est vrai, mais de préférence dans une presse spécialisée à faible diffusion, ayant peu d’écho dans le public. Les officiers généraux en deuxième section se sentent plus libres que les militaires d’active et sortent plus volontiers de l’expression professionnelle pour parler de sujets de société. Ils ne sont pas soumis à l’interdiction d’adhésion à un groupement politique ; la seule sanction opérante à leur encontre est la révocation16, or celle-ci serait évidemment disproportionnée dans la plupart des cas ; et même en cas de révocation, la sanction produit avant tout des effets symboliques.
La parole militaire n’est ni malsaine ni suspecte, elle peut trouver un espace plus important, respectueux de l’autorité morale et du devoir de neutralité. Elle peut le faire sans pratiquer le non-dit, le sous-entendu, l’art du flou et sans céder non plus au risque de l’entre-soi, des revues spécialisées ou au tribalisme numérique, avec grand profit pour l’institution et pour la société. Combien m’ont frappée depuis ces quelques mois que je sers au ministère des Armées la richesse du débat interne sur les questions stratégiques, la réflexion éthique qui vit dans de nombreux cénacles, mais, au-delà, les riches prédispositions des militaires pour une conversation nourrie d’une expérience humaine hors du commun et, souvent, d’une solide culture personnelle !
Une expression responsable, c’est-à-dire dense sur le fond et dans une forme maîtrisée, répond tout d’abord au devoir de transmission qu’assument les militaires à l’égard de ceux qui s’engageront après eux. La difficulté bien souvent n’est pas tant d’accomplir son devoir que de le connaître, de l’assumer.
L’engagement militaire contraste de plus en plus nettement avec le reste des parcours professionnels, y compris dans la fonction publique, où le moine soldat dessine une image de saint laïc mythique, celle du fonctionnaire dévoué qui vit son service comme un sacerdoce. Est-ce à dire que tout soldat doit être moine pour préserver sa spécificité ? Celle-ci est-elle liée au fait de tenir une épée plutôt que la plume ? Impose-t-elle à l’officier de vieillir à son poste tel un moine dans sa cellule ? L’Église s’accommode bien de la réflexion et de la contestation sans laquelle aucun engagement ne vaut vraiment.
L’héroïsme militaire est plus que jamais donné comme signe le plus abouti de l’unité de la Nation dans la paix comme dans la guerre : une expression plus libre, plus présente des militaires rencontrerait le besoin de notre époque pour la recherche d’un idéal et contribuerait à rebours à ce qu’ils se frottent aux valeurs de la société dans laquelle ils vivent.
1 Article L. 4121-2 du Code de la défense et article 6 de la loi du 13 juillet 1983.
2 Voir Ch. Autexier, La Liberté d’expression des fonctionnaires en uniforme en Allemagne, Paris, Economica, 2000.
3 Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 4121-2 du Code de la défense : « Indépendamment des dispositions du Code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. »
4 J. Rivero, « Sur l’obligation de réserve », ajda, 1977, p. 586.
5 Instruction n° 50-475 dn/cc du 29 septembre 1972.
6 C. Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques, Paris, Dalloz, 2e édition 2012.
7 Pour les fonctionnaires, ce, 13 novembre 2013, Dahan ; pour les militaires, 14 mars 2016, Machaux.
8 ce, Ass., 17 février 1995, Hardouin, p. 82.
9 Neuf décisions de tribunaux administratifs, quatre de cours administratives d’appel et deux du Conseil d’État.
10 ce, 12 janvier 2011, Matelly, n° 338461 ; 22 septembre 2017, Piquemal, n° 404921.
11 L. Klein, « La loyauté des chefs militaires vis-à-vis de l’exécutif à l’épreuve de l’audition parlementaire », ajda, 2017, p. 1876.
12 cedh, 25 novembre 1997, Grigoriades c/Grèce, n° 24348/94 ; cedh, 15 septembre 2009, Matelly c/France, n° 30330/04.
13 M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Paris, Siret, 2e édition 1929.
14 cedh, 2 octobre 2014, Adefdromil c/France.
15 Décision n° 2014-432 qpc du 28 novembre 2014.
16 Article L. 4141-4 du Code de la défense.
“I’ve known officers who observed the same strict silence as Trappist monks”: Alfred de Vigny, in Servitude et Grandeur Militaires, struck a note of despair when making this pronouncement. Foregoing freedom of expression motu proprio for the honour of serving, military personnel not only accept to risk their lives in combat to defend the higher interests of the Nation but also accept an obligation to observe a stricter code of professional discretion than employees of the civil service. This obligation is a burden, and I think that this is the aspect of the question that I have been asked to examine. However, the obligation is also a refuge: is it not true that every desired career in the army holds out the same promise of a new and protected existence, which—in the words of Bossuet, in his sermon on the occasion of Madame de La Vallière taking the veil—is offered to the penitent by the solitude of the cloister?
The exact scope of the obligation of professional discretion is open to interpretation. However, it does allow some “wiggle-room”, which, in the present circumstances, deserves to be interpreted generously: the law does permit military personnel not to confine themselves to action. The legal constraints on free speech, barring exorbitant interpretation of the law, should not lead to inhibition. In the military field or in the outside world, silence is not compulsory: it corresponds to an inner temptation of the soldier or of the political authorities. We should measure its price, since there is no freedom of thought without freedom of speech, and the vocation of the individual soldier as the link between the army and the Nation must be maintained. In fact, France prides itself on a long tradition of freedom of speech in military thought, from Lyautey to de Gaulle, by way of Foch and Castex, and their prolific speeches and writings have stood the test of time. In a changing strategic context, where the wars of the future pose intense ethical, legal and technical problems, in a society that lauds soldiers as heroes while barely knowing them, soldiers can express themselves with greater confidence.
- Scope and justification of professional discretion
In French thought, the obligation of professional discretion is the counterpart of freedom of conscience and the corollary of the neutrality of public service: it preserves freedom of opinion but also restrains, without annihilating, freedom of speech. The scope of application of this obligation is more clearly defined in terms of the people concerned than in its actual substance, i.e. the attitudes or discourse that are permitted to the individuals subject to the obligation.
The duty of professional discretion weighs on every public servant, but with major nuances. At the two extremes, we find, at one end, the university professor and researcher-teacher, whose freedom of speech and independence are constitutionally guaranteed, and, at the other, the soldier, whose duty of professional discretion is frequently presented or perceived as a virtual vow of silence: the reasoning and historic accuracy of this interpretation merit closer inspection.
In fact, the situation of military personnel, while specific, only differs from the situation of civilian public servants in degree, not in nature. The law guarantees freedom of opinion to both military and civilians1. The particularity of military personnel is that the obligation of professional discretion, which is a jurisprudential creation, is codified in their case, as it is for magistrates, members of the Conseil d’Etat (supreme administrative court) and the police: under the terms of article L. 4121-2 of the French Defence Code (“Code de la Défense”), “opinions or beliefs, especially of philosophical, religious or political nature, are free. However, these opinions and beliefs can only be expressed outside the context of active service and with the due restraint (discretion) required by military regulations”. For example, military regulations prohibit membership of political groups or associations and of trade unions: so, the obligation of professional discretion is also collective.
There is no doubt that this obligation is applied more strictly to the military than to other public services, since military service imposes particular discipline and a reinforced obligation of neutrality. The armed forces, by vocation, are above partisanship.
There are many justifications for this insistence. First, these justifications classically concern what the administrative judge terms “the smooth operation of the service”, because discipline is a condition of the troop’s capability for action, and its unity requires that the expression of certain preferences should be restricted. In Germany, the approach to the obligation of professional discretion emphasizes the needs of comradeship2, and consequently the important requirement that officers must not excessively impose their own views on their subordinates, in consistency with the liberal spirit of the Basic Law, which justifies restrictions on free speech by this freedom itself.
Apart from this aspect, justifications for constraints on free speech concern the need to preserve public trust in the army, the respect that the administration and its authorities must enjoy and the pre-eminence of the political authority, which is jealously guarded, to varying degrees, according to what the historic circumstances and the solidity of the institutions dictate or appear to dictate. This is the reason why the obligation of professional discretion is characterized by its permanence: it applies to military personnel both during and outside active duty.
In France, in particular, the obligation of military personnel to observe professional discretion derives from their organic subordination to the political branch of government, and in this sense can be seen as a means of protecting the authority of the State. Discretion is also considered—perhaps over-systematically—as an essential aspect of the obligation of loyalty, which involves the respect owed by the military to the institutions and to its hierarchy. and of its acceptance of a liberal and democratic constitutional order: in other words, the ontological correlation between the army and the State imposes a stricter necessity for the military than for any other entity to prevent any contradiction between the State and itself.
- An essentially relative notion
These numerous and eminent aims give rise to an obligation that resists any attempt at definition, with the exception of two tangible aspects, namely the obligation of political neutrality, subject to recent developments that I will examine later, and the obligation to preserve State secrets. The most absolute duty of discretion and even silence concerns operational safety: here, it corresponds to the obligation of professional confidentiality, which prohibits all military personnel and public servants from disclosing information and documents made accessible to them in the exercise of their functions3.
However, the obligation of discretion as such is not defined in any legal text. The authors of the above statute did not attempt a definition, and it was left to case law to determine its contours. Consequently, the notion is essentially relative. Its content is not always easy to apprehend: the obligation of professional discretion is explained more by illustration than by definition, and it lacks the necessary predictability, since it is impossible to tell a priori whether a particular action constitutes an infringement. So, its application is always subject to the suspicion of a demand for “ideological conformism”4.
One instruction that has long been in force is intended to provide guidance to military personnel on the practical content of this obligation5, but, in reality, the instruction confined itself to repeating the principles acquired from administrative jurisprudence in this field, with the addition of the following rule: “concerning the duty of discretion, which is sometimes forgotten today [1972], military personnel must set an example on every occasion”.
The jurisprudence in this field brings out a definition that frames the obligation of discretion as a limitation on free speech for the purpose of prohibiting attitudes and comments, whether on or off duty, that could diminish the respect and trust owed to the administration and the authorities. So, civil servants or military personnel are required “not to transform their opinions into public emotions”6.
The degree of disrespect or the extent of the loss of trust depend on several factors, which constitute aggravating circumstances, although none of these factors are necessary to judge a person to be in breach of the obligation of discretion: these factors include the nature of the person’s functions, or the degree of sensitivity of these functions, and the hierarchical level of the person concerned, the associated publicity and scale of coverage, the fact that the individual concerned used or intended to profit from his or her position to give weight to a personal opinion, the location (greater discretion is expected abroad) and the failure to comply with accepted etiquette and moderate language (in particular aggression in tone or comments).
All these factors will be taken into account by a judge asked to rule on the legality of a punishment imposed on a member of the military for breach of the obligation of discretion. This intervention by the judge raises two points. First, courts seek to preserve a balance between the obligation of discretion and freedom of speech, and so they exercise a standard evaluation of7 proportionality, which gives every chance to members of the military wishing to contest the principle or quantum of any penalty they may have incurred. Second, the case law on this subject is relatively meagre and therefore provides only limited guidance to members of the military: in fact, up to 1995, the punishments applied to military personnel were considered to be internal measures outside the jurisdiction of the courts8.
The entirely residual nature of this dispute before the administrative court 9 clearly shows the high degree of self-censorship exercised by members of the military, together with the low propensity of the hierarchy to repress their free speech, and a reluctance on the part of military personnel to appeal to the civil courts in the event of punishment. All the decisions that we have been able to examine have gone against the individual member of the military, but these cases that incurred punishment manifestly involved radicalization or insults on social media, and therefore had the weakest and most tenuous claims to freedom of speech.
The two cases brought before France’s supreme administrative court, the Conseil d’État, are more interesting, because they led to a confirmation of punishment following the appearance of an article criticizing the government policy to transfer authority for the gendarmerie from the Defence Ministry to the Interior Ministry and participation in a prohibited demonstration10. These cases reveal the relative indifference of the judge to the expertise of the individual member of the military, regardless whether this expertise is officially recognized (case of a senior police officer who was also an employee of a cnrs laboratory) in the domain in which he expressed his opinion. Similarly, military personnel are exclusively subordinate to the executive branch of government and cannot freely express themselves before parliament in the same way as experts on defence policy: the fact that a member of the military is heard before parliament does not release him or her from their obligation of discretion or diminish its scope11.
The constitutional judge has never ruled on the obligation of discretion, but the European Court of Human Rights12recognizes that military discipline or the credibility of the military corps can justify specific restrictions on the exercise of freedom of expression, although these restrictions must not exceed the extent strictly necessary to preserve the higher interests justifying the restrictions (internal discipline of the service and political neutrality).
The lack of predictability of the limits imposed by the obligation of discretion—American law would fault the rules for vagueness and overbreadth—contributes, without doubt, even more than the number of punishments, to the sense of vulnerability of military personnel. There is also the added problem that it is always more difficult for a member of the military to mount a defence against other public agents, due to the absence of trade unions and the fear of concealed punishment through negative effects on career advancement.
So, should we wish for a more precise definition of the law? There is room for doubt on this question: any legislator taking a liberal position on this obligation would perhaps open the door to a subsequent stricter definition in reaction to a particular event or circumstance. Maintaining the conversation with political authorities and society, as eminent representatives of the armed forces have been doing for several years, appears to be an effective method of ensuring flexible application of the obligation of discretion, limiting punishments and culturally interiorized self-censorship while also favouring the expression of reasoned opinions by military personnel.
- A historic moment conducive to a clear attenuation
of the “legal cantonization of the military authorities”13
The participation of military personnel in national debate is seen today in a new light, for three reasons, which each tend to show that the relative inhibition of their free speech is anachronistic.
The first reason relates to the historic context, where distrust of the military is no longer as relevant as it once was. The participation of the military in national debate has had its glory days, now relatively distant from the current time: after the end of the First World War and up to the appointment of General Gamelin as General Chief of Staff in 1935, members of the military wrote prolifically on the doctrine of employment and the equipment of the armed forces and on geopolitical or cultural questions. After the Second World War, military thought become more discrete; the end of the Algerian conflict and first the thirty years of the Fifth Republic were not favourable to public pronouncements from the military. These historical developments have often been cited, and my intention is not to reiterate them in all their complex implications, but simply to demonstrate that the current situation is conducive to a renewal of military free speech. The prior authorization that military personnel were obliged to obtain under the General Military Regulations of 1972 before expressing a public position on political or international subjects is no longer applicable under the Regulations of 2005. French law and jurisprudence leave vast room for free speech, even though the duty to inform has not yet fully taken root in military command.
The second reason is that the image of the armed forces is the best it has been for many decades. Our country, over a long period, has remained remarkably free from Caesarism, and the military putsch and its repercussions now seem distant and without posterity. The image of the military is at a high point, although the place of military personnel in the Nation has not been equally elevated.
Finally, as a third reason, the changes promulgated recently, at the request of the courts, may have increasingly important consequences for the freedom of speech of military personnel. In response to a censure by the European Court of Human Rights14, the creation of national professional associations for members of the military has been authorized, and the right of these associations to appear in court has been recognized. Also, in the near future, when the Military Planning Law is promulgated, members of the military in active service will be permitted to exercise an electoral mandate in small third-tier local authorities (“communes”) and combined inter-commune authorities. The general and absolute incompatibility previously stipulated by law has now been judged by the Constitutional Council (“Conseil Constitutionnel”) France’s highest constitutional authority15 to be excessive in relation to the rules strictly necessary to protect the freedom of choice of the electorate or the independence of the elected representative against risks of confusion and conflicts of interest.
These new forms of collective and political expression for members of the military will provide increasing visibility in civil society but will not be the only outlets for military free speech and should not become its main forms.
Here, what is profoundly at stake with the obligation of professional discretion becomes tangible: we are speaking of the specific nature of the military as a profession, the attachment due to it and the fear that the broad sweep of common law will stifle its specificity.
The silence induced by a strict obligation of discretion is now, more than in the past, a key aspect of this specificity. And this silence is no small matter. In an increasingly noisy world, where intimacy has become talkative, keeping silence is a paradoxical sign of strength and greatness. I experienced this in the United Kingdom, in the context of another public institution, the supreme court, which, compared to ours, observes absolute discretion and is no less eminent and respected for that.
There is a value in this silence. In the case of the military, it anchors the idea that the members of the armed forces are devoted, brave and able to hold their tongue. But this also comes with a sense of increasing alienation, which gained ground in the literature of the second half of the 20th century: the concrete and tangible figure of the soldier or officer faded from post-war literature, leaving in its place The Tartar Steppe and The Opposing Shore, novels of silence and strangeness.
However, between the absence of vain, self-obsessed self-expression and total silence, the space is large. Today, without doubt, the obligation of professional discretion leaves the door open to useful, expected and necessary expressions of position, except when the obligation is over-interpreted and consequently devalued. If over-interpreted by the political authority, the professional discretion observed by the military can reveal a fragility of the institutions whose credibility the military has a vocation to preserve, and also a lack of neutrality. Military thought cannot be reduced to its mandatory share of institutional communication. If over-interpreted by military personnel, discretion can be suspected of equivalence to self-censorship: freedom of speech is constrained by the legal framework, but even more by the taste of some individual to express an opinion, and therefore take risks. Military people do express their opinions, but preferably in the confines of a highly specialized press, with low distribution and little echo in the general public. French reserve senior officers feel freer than their active counterparts and are more willing to venture beyond the specific questions of their profession to talk about other subjects concerning society. They are not prohibited from belonging to a political group, and the only operative punishment against them would be their revocation16, which would obviously be disproportionate in most cases; similarly, in cases of revocation, the effects of the punishment are mainly symbolic.
Military free speech is neither unhealthy nor suspect: it can be broadened, while respecting moral authority and the duty of neutrality. It can do this without resorting to unspoken hints, insinuations and the art of vagueness, and also without succumbing to the risk of self-confinement in the closed bubble of specialized reviews or digital tribalism, to the greater benefit of the institution and of society as a whole. Over these last few months at the Ministry of the Armed Forces, I have been frequently struck by the richness of internal debate on strategic questions, the ethical reflections at the heart of many discussion groups and, beyond that, the rich predisposition of the military to enter conversation, nourished by their out-of-the-ordinary experience and, often, by their deep personal culture.
Responsible speech—in other words speech that is strong on content and restrained in form—first and foremost fulfils the duty of transmission that military personnel assume in relation to those who enlist after them. The main difficulty, very often, is not to perform your duty but to know what it is and to assume responsibility for it.
Enlistment in the military now stands in increasingly sharp contrast to the other professional career paths, including in the civil service, and the notion of the “warrior monk” is taking on the image of a mythical lay saint, a devoted public servant whose life of service is experienced as a kind of priesthood. Does that mean that every soldier must be a monk to preserve this specificity? Is this specificity due to holding a sword and not a pen? Does it require the officer to hold guard at the post like a monk in his cell? Even the Catholic Church accommodates reflection and argument, without which no commitment can be truly whole.
Today, more than ever, military heroism is cited as the clearest sign of the unity of the Nation, both at peace and at war: freer and more frequent self-expression by military personnel would meet the need of our age for an ideal to aspire towards and would also help reduce friction with the values of the society in which the members of our military live.
1 Article L. 4121-2 of the French Defence Code (“Code de la Défense”) and article 6 of the Law of 13 July 1983.
2 See Ch. Autexier, La Liberté d’expression des fonctionnaires en uniforme en Allemagne, Paris, Economica, 2000.
3 Under the terms of paragraph 2 of article L. 4121-2 of the French Defence Code: “Independently of the provisions of the Penal Code concerning breaches of national defence secrecy and professional secrecy, military personnel must observe confidentiality concerning all facts, information and documents that come to their knowledge in or during the exercise of their functions”.
4 J. Rivero, “Sur l’obligation de réserve”, ajda 1977, p. 586.
5 Instruction No. 50–475 dn/constitutional court dated 29 September 1972.
6 C. Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques, Paris, Dalloz, 2nd Edition 2012.
7 For civil servants, Conseil d’État, 13 November 2013, Dahan; for military personnel, 14 March 2016, Machaux.
8 Conseil d’État, Plenary. 17 February 1995, Hardouin, p. 82.
9 Nine decisions of the administrative tribunals, four from the administrative appeal courts and two from the Conseil d’État.
10 Conseil d’État (ce), 12 January 2011, Matelly, No. 338,461; 22 September 2017, Piquemal, No. 404,921.
11 L. Klein, “La loyauté des chefs militaires vis-à-vis de l’exécutif à l’épreuve de l’audition parlementaire”, ajda 2017, p. 1876.
12 echr, 25 November 1997, Grigoriades c/Greece, No. 24,348/94; ecdh, 15 September 2009, Matelly c/France, No. 30,330/04.
13 M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Paris, Siret, 2nd Edition 1929.
14 echr, 2 October 2014, Adefdromil c/France.
15 Decision No. 2014-432 qpc dated 28 November2014.
16 Article R. 4141-4 of the French Defence Code (“Code de la Défense”).