N°19 | Le sport et la guerre

Walter Bruyère-Ostells
Histoire des mercenaires
Paris, Tallandier, 2011
Walter Bruyère-Ostells, Histoire des mercenaires, Tallandier

Maître de conférences à Sciences-Po d’Aix, Walter Bruyère-Ostells a choisi de chanter historiquement le troisième couplet de La Marseillaise : « Quoi ! Ces cohortes étrangères/Feraient la loi dans nos foyers !/ Quoi ! Ces phalanges mercenaires/Terrasseraient nos fiers guerriers. » Il conte la première histoire, aussi pittoresque qu’instructive, du « deuxième plus vieux métier du monde », comme disait Bob Denard : celle des soldats de fortune qui s’enrôlèrent pour tenter de faire fortune ou pour arrondir leur pension de retraite, qui prétendirent que le monde étant leur seule patrie on pouvait s’y vendre au plus offrant et céder à bon compte au parfum de l’aventure, au goût pour la « castagne » ou à l’entêtement idéologique ; l’histoire de ceux qui ne crurent ni à l’armée de métier ni à la conscription, et pas davantage aux patries dites en danger depuis 1792. Et même, vrais hors-la-loi, qui échappèrent au contrôle des gouvernements, qui choisirent leur camp ou leur cause. Ainsi Walter Bruyère-Ostells fait-il l’envers d’une histoire du peuple en armes, de la conscription, du soldat-citoyen ou de la société militaire.

S’ensuit un livre installé dans les multiples conflits des xixe et xxe siècles, bourré de traits étonnants. Qui savait, par exemple, que François Drouet, l’homme de Varennes, devenu vétéran de la Grande Armée, finit après 1815 par aller combattre en Argentine puis au Chili pour arrondir sa pension ? Que l’infanterie sikhe pouvait être commandée en français ? Pourquoi les gurkhas excellaient au couteau ? Surtout, le livre montre que le mercenariat, vieux comme les « routiers » et les condottieri, a certes été ravagé par le choc de 1789-1792, mais qu’il n’a jamais disparu. Car il fallut sinon réinventer d’autres gardes suisses, d’autres corps francs ou d’autres légions étrangères, mais bel et bien adapter le mercenariat au monde contemporain, en un faisant un volontariat qui a pu au xixe siècle et jusqu’à la fin de la guerre froide au xxe mobiliser pour les raisons idéologiques les plus diverses – de garibaldiens en indépendantistes en Grèce, de Brigades internationales en division Charlemagne, de Légions noires en ex-oas mal repentis –, sans que disparaissent les corsaires et les aventuriers, notamment à l’heure des expansions coloniales.

Walter Bruyère-Ostells conduit aussi sa recherche jusqu’au tournant de la fin du xxe siècle, avec le retour des « chiens de guerre » au Katanga, en Rhodésie ou au Biafra, en Côte d’Ivoire ou en Libye, puis à l’irruption dans la guerre moderne de sociétés militaire privées (smp), avec soldats de cdd, en Irak notamment, mais aussi en Afrique ou en Colombie, peuplées souvent de pantouflards du service actif (on repère, par exemple, beaucoup d’anciens de Tsahal), qui hantent notre nouveau monde a-polaire.


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