N°16 | Que sont les héros devenus ?

André Loez
14-18. Les Refus de la guerre
Une histoire des mutins
Paris, Gallimard, 2010
André Loez, 14-18. Les Refus de la guerre, Gallimard

« Faites-moi fusiller mais je ne monterai pas aux tranchées, d’ailleurs ça revient au même » (soldat Henri Kuhn, 20e régiment d’infanterie, chemin des Dames, 29 avril 1917). Héros ou victimes, les mutins de 1914-1918 ? Ni l’un ni l’autre. Les deux. Était-ce du courage de crier « Non » aux ordres de monter au front ? Était-ce de la lâcheté de revenir dans les rangs aux premières menaces de travaux forcés ou de peloton d’exécution ?

On peut dire : « Les rebelles sont les héros ; les soumis sont les victimes. » On peut aussi dire l’inverse : « Les héros sont ceux qui consentirent au sacrifice ; les victimes sont ceux qui se laissèrent entraîner dans un mouvement contagieux de désobéissance qui a touché deux tiers des divisions de l’armée française au printemps 1917. »

Le traitement historique de ces événements nous touche au plus sensible de notre conscience. Où était le devoir ? L’esprit de solidarité dictait de se lier aux camarades qui consentaient à la mort au peloton d’exécution pour défendre leurs frères promis à la boucherie des offensives inutiles. L’esprit patriotique dictait de ne rien céder devant l’ennemi, quel que fût le nombre à tomber sous la mitraille.

Le livre d’André Loez est important, difficile et nécessaire. Il est important parce que son travail de recherche est sans précédent au vu de la quantité des archives exploitées. Il est difficile parce qu’il n’est pas un cas raconté dans ce livre qui ne nous interpelle d’un « Qu’aurais-je fait si je m’étais trouvé dans une telle situation ? » Il est nécessaire parce qu’on ne peut vouloir commander des hommes au combat sans retenir les leçons des conflits passés. Et la leçon des mutineries de 1917 n’est pas faite. Pourquoi ces mutineries ont-elles pris ce caractère synchrone ? Pourquoi sont-elles survenues cette année-là et pas les années précédentes ? Comment s’est improvisée puis organisée cette action collective ?

L’auteur prend le parti de critiquer les études précédentes qui simplifiaient ces événements avec la conclusion facile que les mutins « ne refusaient pas la guerre mais la manière de la faire ». Il se saisit de tous les documents possibles – récits, lettres, rapports militaires et comptes rendus judiciaires – pour, selon ses mots, retrouver l’épaisseur d’un événement qui ne va pas de soi. Il ne dit ni les héros ni les victimes. Il raconte l’amère aventure de ces soldats, de leurs chefs, de ceux qui essayèrent de les défendre et de ceux qui eurent à les condamner.


L. Capdevila, F. Rou... | Sexes, genre et guerres