Monrovia, printemps 2004. Les derniers combats se sont achevés il y a près d’un mois dans la province du Nimba et le nouveau programme de désarmement a repris à Gbarnga.
Comme chaque soir, la petite cour du Mamba Point Hotel, îlot occidental anachronique au cœur du chaos, est remplie de véhicules tout-terrain dont les longues antennes de radios haute fréquence se mêlent aux branchages des trois seuls arbres de la place. Malgré la présence de poussière et de boue séchée sur la plupart des carrosseries, les plaques diplomatiques et les autocollants des organismes internationaux, des associations de solidarité internationale ou des agences de presse apparaissent distinctement. Ils forment un étonnant patchwork multicolore dans cette capitale sombre privée d’électricité depuis une quinzaine d’années. Sur la terrasse du premier étage, la chaleur est étouffante et l’humidité frôle les 100 %. Autour de petites tables en bois cohabitent des personnes d’horizons différents. Pendant la journée, tous œuvrent pour le rétablissement de la paix, reconstruisent les infrastructures, luttent contre la famine ou des maladies d’un autre âge. Ils s’expriment dans un anglais plus ou moins élaboré qui trahit immédiatement leur origine. Ils portent des pantalons aux couleurs claires, des jeans délavés ou leurs uniformes camouflés. Les premiers sont arrivés au cours de l’offensive de l’été 2003, les derniers ont débarqué il y a seulement quelques heures. Avec le bruit des groupes électrogènes et la musique libanaise du propriétaire, il faut parler fort. La plupart d’entre eux ne se sont jamais rencontrés auparavant et pourtant, ensemble, ils se souviennent des quartiers de Sarajevo, de l’arrivée de l’Alliance du Nord à Kaboul, des marais qui couvrent le Sud Soudan, des splendeurs du lac Malawi ou des négociations avec la guérilla tamoule.
Ces conversations, ils les ont répétées maintes fois, que ce soit dans un salon feutré ou sous un arbre à palabres. Ils sont souvent exaspérés, veulent parfois décrocher, mais vivent pourtant la plus belle des aventures au rythme des vanités du monde.
Cependant, l’osmose n’est pas évidente entre ceux qui portent la cravate, ceux qui portent les armes, ceux qui assistent les populations vulnérables et ceux qui rapportent dans les médias. En effet, il faut d’abord compter avec les idées reçues : « militaires réactionnaires, humanitaires militants, langue de bois des diplomates, recherche de scoops des journalistes… ». Ces stéréotypes sont fondés ou non, mais il existe bel et bien une constante. Un individu qui se trouve plongé dans un environnement inconnu et hostile va se renforcer grâce au sentiment d’appartenance à un groupe. De plus, il va être tenté de s’opposer aux groupes connus et identifiés afin d’être plus facilement reconnu par ses pairs. L’écart entre humanitaires et militaires est alors flagrant. Dès lors, ce sera la défiance voire la provocation pour bien montrer que l’on connaît bien son rôle. Les premières réunions de coordination dans les vastes opérations multinationales sont parfois épiques et peuvent rapidement tourner à la bataille rangée.
Ainsi, un long travail inconscient a permis à la terrasse du Mamba Point Hotel de devenir un lieu de rencontre et d’échange entre internationaux issus de groupes hétérogènes et parfois antagonistes. Les différents groupes se sont prudemment rapprochés. Des normes, des valeurs, des codes et des rites communs ont été adoptés. Une certaine conscience collective est apparue. Tous se sont solidarisés et sont devenus une communauté à part entière. Si ce rapprochement s’est progressivement matérialisé au cours des nombreuses opérations récentes, il n’a jamais été en mesure de prévenir les confrontations et les déchirements. L’équilibre est précaire et peut être menacé. Comme dans toute communauté, on s’aime, se dispute, se hait puis se retrouve. Querelles de famille ?
Des mondes bien différents
Dans une vision traditionnelle de la guerre avec des conflits inter-étatiques de haute intensité, les différents acteurs ne sont pas particulièrement prédisposés au rapprochement. Il existe des militaires pour faire la guerre, des diplomates pour faire la paix, des secouristes pour aider les victimes et des journalistes pour rapporter la situation au reste du monde. Chacun est à sa place et le mélange des genres n’est pas le bienvenu.
Pour des armées qui, il y a plus d’un siècle se déployaient dans leur ancien espace colonial, il existait peut être des passerelles pour jouer plusieurs rôles simultanément. En effet, les aspects tactiques de la défense du territoire national au cœur du djebel ou aux portes du Sahel prenaient vraisemblablement une autre dimension. L’officier placé à la tête d’une troupe portant fièrement l’ancre d’or sur son calot découvrait rapidement les vertus de la nomadisation et les bienfaits de l’assistance aux populations. Il remplissait alors sa mission principale de protection, tout en conservant en tête ses missions secondaires, parmi lesquelles sont comprises l’administration, l’éducation ou le soutien sanitaire des populations. Les officiers de la « coloniale », avec une avance doctrinale certaine, conduisaient ainsi des opérations militaires tout en menant des actions de renseignement et des actions civilo-militaires au contact des différents individus rencontrés.
Pendant près d’un demi-siècle, la guerre froide n’a pas facilité l’intégration des différentes catégories d’acteurs impliqués dans les conflits, les directives politiques sont claires. Cependant, quelques conflits de faible intensité surviennent occasionnellement comme piqûre de rappel de la tension ambiante entre l’Ouest et l’Est. Les incidents se règlent alors par une habile diplomatie, le déploiement d’une poignée d’observateurs militaires, le rappel des Conventions de Genève et la mobilisation de quelques médecins du Comité international de la Croix-Rouge (cicr). L’enjeu de chaque incident est la paix et la sécurité internationales dans leur ensemble. De part et d’autre, l’ennemi est identifié. La guerre est rare, limitée, contrôlée et maîtrisée.
Avec la guerre du Biafra apparaît une nouvelle forme d’engagement. L’équilibre entre les acteurs de l’urgence est remis en question par une équipe française déployée par la Croix-Rouge. En réponse à un nouveau type de conflit (une guerre civile comme il y en aura tant d’autres plus tard) l’équipe sort de son devoir de réserve et de la neutralité imposée par les sept principes de la Croix-Rouge. Les french doctors portent alors assistance à une population en danger tout en dénonçant le comportement des belligérants. La nécessité de franchir, parfois clandestinement, des frontières pour suivre les réfugiés est un concept révolutionnaire. Il donne son nom à la première des organisations humanitaires modernes : Médecins sans frontières (msf). Cependant, malgré un cœur militant et l’idéologie forte qui les rassemble, les fondateurs de msf vont vivre des querelles internes et faire scission quelques années plus tard suite à un différend sur une action au Viêtnam. Médecins du monde et l’Aide médicale internationale sont les premières déclinaisons de msf au tout début des années 1980. L’humanitaire français est désormais engagé. Il fait fi du code de conduite des Nations unies ou du cicr pour établir ses propres règles. Plus rien ne sera jamais comme avant dans ce domaine.
La formation d’un esprit de corps
Avec des activités qui dépassent très rapidement la seule aide médicale, les humanitaires apparaissent désormais comme des acteurs incontournables et pèsent dans les relations internationales. En effet, msf et ses successeurs ont accès au plus haut niveau de décision politique et se dotent de services de communication très performants pour influencer un public de donateurs privés. Si la méfiance, la méconnaissance et l’incompréhension sont initialement de mise entre militaires, diplomates, humanitaires et journalistes sur le terrain, ces difficultés sont assez vite surmontées par des individus qui, après de longues phases d’observation, se découvrent de nombreux points communs. C’est la rencontre !
Même s’ils le contestent et le contesteront toujours publiquement, les acteurs civils et militaires de l’urgence se ressemblent. Ils adoptent, souvent sans le savoir, des objectifs et des modes opératoires similaires. Ils ont une intelligence des situations très proche, et ce malgré des moyens qui diffèrent dans de vastes proportions. Sans entrer dans des généralités malhabiles, leurs profils tendent également à converger même s’ils adoptent des voies différentes. Enfin et surtout, ils vivent une aventure commune qui fait qu’ils sont aujourd’hui ici, qu’ils étaient hier là-bas et qu’ils seront demain ailleurs, ensemble et pour de bonnes raisons.
Au lendemain des massacres perpétrés en Bosnie et au Rwanda, une réponse commune à la barbarie se profile : c’est le « plus jamais ça ». Les acteurs de l’urgence se rejoignent et partagent alors relativement ouvertement les mêmes frustrations. Les équipes médicales des associations de solidarité internationale, confrontées au pire dans la région des Grands Lacs, partagent en effet les mêmes sentiments que les diplomates, les Casques bleus ou les journalistes confrontés au pire dans les Balkans. Début 1999, tandis que les forces serbes mènent des actions contre les populations de souche albanaise dans la province du Kosovo, la coalition du « plus jamais ça » brandit la menace d’un nouveau génocide aux portes de l’Europe, puis sonne la charge. Dans la nuit du 23 au 24 mars 1999, les frappes aériennes de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (otan) débutent sur le Kosovo et la Serbie. Dès lors, le porte-parole de la plus grande alliance militaire justifie plus qu’il n’en faut ces opérations, qui font étonnamment la quasi-unanimité. Des centaines de milliers de déplacés accourent en Macédoine et en Albanie. Les troupes de la coalition construisent des camps de réfugiés et les livrent au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés en un temps record. En France et partout en Europe, les familles composent de petits colis de nourriture ou de produits d’hygiène, récoltés puis envoyés sur le terrain par la Croix-Rouge. Dans les ministères, les associations, les rédactions ou les casernes, tous sont mobilisés et attendent pied à l’étrier « l’ouverture » du Kosovo. La problématique est multidimensionnelle et complexe et les acteurs ne peuvent travailler qu’en complémentarité. Sur le terrain, ils s’activent quatorze à dix-sept heures par jour. Ils se réunissent quotidiennement à l’hôtel Continental de Skopje ou sur la base aérienne de Petrovec en Macédoine, à moins qu’ils ne se retrouvent sur le port de Durrës ou dans les camps de Kukës et de Krumë en Albanie. Ils partagent leurs informations pour mieux se préparer ou réagir. Le rapprochement est effectif. Il existe désormais bel et bien une communauté de l’urgence dont l’esprit de corps se forme derrière le fameux « plus jamais ça » !
Dans les mois qui suivent la gigantesque opération du Kosovo, les mêmes acteurs se retrouvent déjà en Turquie pour le tremblement de terre d’Izmit ou au Timor oriental face à la guérilla séparatiste. Dans les années qui suivent, ils parcourent les pays affectés par des catastrophes, des crises ou des conflits en Afrique, en Asie centrale et au Moyen-Orient. Leur expérience commune leur permet aujourd’hui de comprendre leurs mandats distinctifs et la pertinence d’une coordination. Les différents groupes se respectent car ils se connaissent. Ils bénéficient de clés de lecture suffisantes pour comprendre leurs contraintes respectives. Si les images du diplomate et du fonctionnaire international sont constantes, le journaliste n’est plus systématiquement perçu comme un intrus et le militaire ne passe plus obligatoirement pour un espion. Pour sa part, le paysage associatif évolue vers la professionnalisation à l’anglo-saxonne au détriment du militantisme à la française.
Confusion des genres ou ouverture ?
Si les opérations militaires ou humanitaires de la fin du vingtième siècle ont permis un rapprochement inespéré entre les différents acteurs de l’urgence, des effets pervers se sont rapidement profilés. Pour certains l’ouverture vers de nouvelles activités est positive, pour d’autres cela s’apparente à une dangereuse confusion des genres.
Il faut reconnaître que les dynamiques internationales ont été particulièrement bouleversées par les progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’influence des médias dans la prise de décision est en croissance constante. Que l’on soit sur les plateaux arides d’Afghanistan face aux talibans ou sur l’île philippine de Mindanao avec Abu Sayyaf, la guerre se fait aujourd’hui en mondovision et quasiment en temps réel. Le journaliste est présent, il informe tous les protagonistes et peut choisir un angle politique, économique, sécuritaire ou humanitaire dans la même situation. L’émergence du direct oblige tous les acteurs à s’adapter à une contrainte supplémentaire. Les forces armées, les organisations internationales ou les organisations non gouvernementales (ong) ne doivent plus uniquement combattre, négocier ou apporter de l’aide aux populations vulnérables. Elles doivent être en mesure de faire flotter leurs couleurs dans l’arrière-plan des images télévisées ou des photographies de la presse magazine. Comme toujours, il y a ceux qui y sont et ceux qui n’y sont pas ! Sans porter de jugement de valeur sur l’impact des moyens modernes de communication, on reconnaît que la mobilisation générale ne se fait plus sans la presse et les médias audiovisuels. Par ailleurs, on note en conséquence les orientations de certains organismes selon l’évolution de la demande du grand public. L’officier de presse et le porte-parole sont devenus incontournables dans toutes les organisations. Dans le cadre des ong, si les dépenses de fonctionnement n’augmentent que sensiblement au cours des dernières années, la part des dépenses de communication, de lobbying, d’influence et de relations avec les donateurs est en croissance exponentielle. Chaque organisation est condamnée à rester en pointe et à le faire savoir. À défaut, c’est le nerf de la guerre qui sera transféré chez un concurrent.
La notion de concurrence est probablement la plus pertinente pour comprendre les difficultés que connaissent les différents acteurs dans leurs relations actuelles. Alibi humanitaire ou tentation politique, les rôles peuvent même s’inverser.
Le département des opérations de maintien de la paix des Nations unies a développé non sans heurts la notion de « mission intégrée » d’intégration avec l’intention de rationaliser l’action de l’Organisation sur le terrain. Il s’agit pour le représentant spécial du secrétaire général d’être à la fois le chef d’une mission de paix envoyée par le Conseil de sécurité et de « coordonner » les agences spécialisées comme l’Organisation mondiale de la santé, le Programme alimentaire mondial, l’unicef ou le Haut comité aux réfugiés. Désormais le chef de mission protège, nourrit, éduque, soigne et reconstruit sous la même bannière. Dans un autre domaine, toutes les armées occidentales ont développé le concept d’actions civilo-militaires (acm), de Civil Affairs ou de cimic. En dehors des forces de paix pour lesquelles les activités non-militaires apportent un crédit substantiel, la notion d’intégration est souvent accueillie défavorablement. Si les autres acteurs reconnaissent que la sortie de crise ne se réduit plus au déploiement d’une force impartiale entre des belligérants, ils craignent toutefois qu’un doute sur le rôle de chacun soit semé parmi la population. Qui fait quoi ? La vision des acm par ces mêmes personnes est quelque peu plus nuancée dans la mesure où elle leur fournit des contacts privilégiés pour leur sécurité. La principale question est donc de déterminer si la population locale fait la différence entre des hommes non armés circulant dans le véhicule tout-terrain d’une association pour effectuer une distribution alimentaire, des hommes non armés circulant dans le véhicule tout-terrain d’une agence de presse pour effectuer un reportage et des hommes armés et en uniforme circulant dans un véhicule tout-terrain similaire pour participer à la réparation d’un puits avec une équipe du génie. On peut effectivement s’y perdre, mais les nouvelles règles du jeu sont ainsi. Pour sa part, msf annonce en 2004 son retrait d’Afghanistan en dénonçant « l’alibi humanitaire » et le risque qu’il fait peser sur ses équipes. Quelques années et quelques opérations plus tard, la « confusion des genres » fait toujours débat dans la communauté.
Si les forces de paix multinationales sont pointées du doigt par les ong pour leur glissement progressif vers la sphère humanitaire, la « tentation politique » de certaines associations se matérialise également de plus en plus. En effet, les ong présentes sur le terrain abordent désormais des sujets aussi variés que la démocratisation et la bonne gouvernance, le développement des médias ou la réforme des services de sécurité. Trente ans plus tard, nous sommes bien loin des motivations des fondateurs de msf, dont l’aspect militant avait pour objectif de soutenir les actions sanitaires. Comme la presse, les ong participent aujourd’hui plus que jamais au débat politique. Certaines fonctions demeurent cependant du ressort de la diplomatie. La communauté internationale doit ainsi impérativement se doter de mandats plus précis et plus complets en période de sortie de crise. À défaut, une brèche s’ouvre pour des organisations plus ou moins indépendantes et sérieuses dont les effets finaux recherchés sont contestables.
Enfin, une forme de « dictature » des bailleurs de fonds est désormais instaurée. L’Union européenne et les États-Unis donnent aujourd’hui la possibilité à tous les acteurs, devenus « sous-traitants » ou « prestataires de services », de mener des projets et des programmes de plus en plus importants. Dès lors, ils orientent considérablement l’aide en déterminant des priorités. De nombreuses associations vont pester contre les organisations internationales ou les bailleurs de fonds mais il est pourtant primordial pour elles de se positionner sur les appels d’offres de l’Union européenne ou de l’administration américaine. À défaut, elles seront dans l’impossibilité d’obtenir des « parts de marché » dans les crises les plus importantes où leur visibilité, et donc leur croissance, est garantie. La notion de neutralité, d’indépendance et d’éthique de ces organisations prend une tout autre dimension dans ce contexte nouveau, peu abordé voire minimisé par les protagonistes. Par ailleurs, des zones géographiques entières sont désertées par les associations en l’absence de financements spécifiques et ce malgré les besoins avérés des populations. Ce fut pendant longtemps le cas au Soudan, au Congo ou au Liberia, où une intervention sur fonds propres représentait un risque.
D’autre part, les bailleurs de fonds semblent pouvoir fixer les « sujets à la mode » : droits de l’homme, démocratisation et bonne gouvernance pendant quelques années, rôle des femmes dans la vie politique et sauvegarde de l’environnement aujourd’hui. Cependant, ces thèmes peuvent être en parfait décalage avec les réalités d’une région affectée par la famine. Même si cela est absurde, les ong internationales répondent aux appels d’offres et les élites locales n’hésitent plus à se constituer en association et ouvrir des programmes pour lesquels le financement est garanti.
Le bel avenir de la guerre
Philippe Delmas constatait en 1995 que « pendant cinquante ans, l’assurance de la mort nucléaire pour tous avait tenu la guerre en lisière. » Aujourd’hui, son essai sur la panne des États et le bel avenir réservé à la guerre est plus que jamais d’actualité. Les conflits ont été multipliés, les règles du jeu ont été modifiées et les acteurs de l’urgence ont évolué. Même s’ils se déchirent toujours à propos de leurs prérogatives respectives, leurs interventions ont renforcé leur alliance. Ils forment désormais une véritable communauté, une même famille au service de la paix et de la sécurité humaine.
Au sein de cette famille, on ne peut négliger le retour en force des organisations religieuses dont l’influence sur nos théâtres d’opérations sera grandissante au cours de la prochaine décennie. Comme les humanitaires et les journalistes auparavant, les organisations religieuses vont vraisemblablement peser sur les relations internationales.
Les églises baptistes, mennonistes, adventistes, pentecôtistes ou méthodistes provenant des États-Unis et les organisations islamiques soutenues par les pays du Golfe sont déjà particulièrement implantées dans certaines zones des Balkans, de l’Afrique ou de l’Asie centrale. Elles apparaissent pour certains comme des acteurs nouveaux. Les communautés religieuses ne sont-elles pas à l’origine des notions de solidarité et d’assistance aux personnes vulnérables ? Un moment oubliées face à la croissance des ong modernes, elles sont à nouveau et plus que jamais sur le devant de la scène. Présentes et engagées de façon permanente sur le terrain, elles sont de fait intégrées dans la famille des acteurs de l’urgence. Leur fonctionnement sur fonds propres leur permet de s’affranchir d’une tutelle financière, donc des influences de la communauté internationale. À ce jour, leurs règles du jeu les distinguent des acteurs précédemment évoqués.
Mais dans un contexte où les hommes vont vraisemblablement continuer à se faire la guerre, que la famille des humanitaires soit « recomposée » ou non, aura-t-elle d’autre choix que de s’unir et de consolider son union ?
Pour conclure
Militaires, humanitaires, diplomates et journalistes partagent des expériences fortes dans des situations d’exception. Au-delà de leurs différences, ils se rapprochent, s’entraident et ne forment finalement qu’une seule et même communauté au service de la paix.
Synthèse Jérôme Évrard
Les catastrophes et les conflits récents ont permis aux acteurs de l’urgence de se rapprocher considérablement. Militaires, humanitaires, diplomates, fonctionnaires internationaux et journalistes ont appris à vivre et à travailler ensemble dans des situations d’exception. S’ils forment désormais une communauté à part entière, la confusion des genres fait toutefois débat en leur sein. Les militaires sont pointés du doigt pour leur glissement vers la sphère humanitaire, une certaine tentation politique anime le monde des ong et les principaux bailleurs de fonds influencent l’orientation de l’aide internationale.
Traduit en allemand et en anglais.