Élie Tenenbaum et Marc Hecker, chercheurs à l’Institut français des relations internationales (ifri), sont spécialistes des questions de défense et de terrorisme. Dans cet essai brillant, fruit d’un colossal travail de recherche, ils allient leurs expertises pour présenter, en puisant aux meilleures sources disponibles, l’histoire de la lutte contre le terrorisme depuis le 11 septembre 2001. Avec ces attentats s’ouvre en effet le cycle de la « guerre » contre le terrorisme, qui devient la pierre angulaire de la politique étrangère et de sécurité américaine. Le propos des deux auteurs se centre sur le terrorisme et le contre-terrorisme aux États-Unis et en Europe, ainsi que sur les conflits en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Mais il embrasse une vision bien plus large de la problématique en traitant également, par exemple, du Yémen, de la Somalie, de la Libye, de l’Égypte, du Sahel…

Pour analyser cette « guerre de vingt ans », Marc Hecker et Élie Tenenbaum suivent un plan chronologique sous la forme d’un drame en cinq actes. Le premier correspond à la période 2001-2006 et à l’onde de choc de l’hyper terrorisme, un temps marqué d’abord par la sidération puis par une très forte réaction (interventions en Afghanistan, puis en Irak). Ensuite, de 2006 à 2011, vient « l’ère de la contre-insurrection » : Al-Qaïda noue des alliances et les États-Unis tentent de maîtriser le chaos provoqué. Le troisième acte, de 2011 à 2014, correspond au « choc des “printemps” arabes » et les djihadistes en profitent pour relancer le conflit. Les années 2014-2017 renvoient, elles, à l’apogée du « califat » de Daech. Enfin, le cinquième acte s’ouvre en 2018 et pose la question de savoir si le cycle débuté en 2001 est en train de se clore. En effet, même si « ni le djihadisme ni la mécanique infernale de l’extrémisme violent ne semblent épuisés », les pays occidentaux aspirent à passer à autre chose. Le terrorisme n’apparaît plus comme une menace existentielle – « moins » de trois cents morts depuis 2015 en France – et de nouveaux adversaires émergent, comme la Chine. Les djihadistes, quant à eux, sont en phase de transition après la perte de leur sanctuaire syro-irakien.