Quand on est cité dans les remerciements d’un livre, il semble logique de parler, de formuler une critique. Le lecteur peut aussi comprendre l’intérêt de la découverte du résultat d’un long travail. La Guerre et après… est comme un documentaire radio tel que ceux que réalise l’auteur, la journaliste Pauline Maucort. On peut entendre très régulièrement sa voix, toujours brièvement, sur les ondes de Radio France. La Guerre et après… est une rencontre avec des militaires qui sont revenus de la guerre, souvent d’Afghanistan, avec des troubles, des angoisses, bref un syndrome post-traumatique. Où est l’originalité me direz-vous, tant le sujet depuis cinq ans devient une sorte de marronnier, au point que maintenant les militaires commencent à refuser leur victimisation systématique ?
L’intérêt de l’ouvrage vient de la compilation de différents témoignages sur lesquels aucun jugement n’est porté par l’auteur. Visiblement, elle y a pourtant mis sa patte en réécrivant quelques chapitres où le vocabulaire employé est vraisemblablement plus châtié que dans la réalité. Le témoignage est donc brut. On entend les voix de ces neuf narrateurs dont une femme, on les sent respirer, souffrir, lutter et parfois trouver une solution. L’autre intérêt est que pour trouver ses « sujets », Pauline Maucort n’a pas voulu passer par l’institution militaire. Le lecteur sera peut-être comme moi surpris par deux d’entre eux. Le premier est un légionnaire qui, pour parler de son syndrome post-traumatique, explique qu’en plus de la non-reconnaissance de sa pathologie par son assureur, il a l’impression d’avoir été trompé par l’institution. Il décrit sa dure formation, voire les brimades de la formation initiale à Castelnaudary, mais n’explique pas quel est son véritable mal, comment il essaie de lutter. Le témoignage n’est pas inintéressant, mais il est décalé dans cet ouvrage. L’autre est celui d’une femme qui lutte pour pouvoir porter l’uniforme, pour s’imposer auprès de ses camarades. Pas de combat, pas de stress post-traumatique. La place de la femme au combat ou en opération n’est pas abordée. Une femme est-elle potentiellement susceptible d’être plus facilement victime d’un pts ? Au-delà de cette question, qui reste sans réponse, les descriptions sont creuses. Fallait-il absolument qu’une femme parle ? N’y en avait-il pas d’autres ? En revanche, les autres portraits sont extra ordinaires. Le capitaine du génie Légion inquiète le lecteur par son angoisse, sa volonté crispée et raide d’être à la hauteur de ses légionnaires. Mais la façon dont il raconte le pts est fort riche en enseignements. La mort de l’autre comme miroir de la sienne propre…
La mort est encore présente avec l’annonce de la mort au combat. Le cérémonial militaire pour aller annoncer à la famille le décès du soldat est peu connu. On pense toujours à la famille, peu aux acteurs de l’annonce. Bravo au caporal-chef d’avoir fait ressentir ce drame. D’aucuns pourront s’énerver à la lecture des « exploits » du caporal en rca. Il a le mérite d’être réaliste, humain. Il parle simplement de la notion de responsabilité. Les autres sont tous aussi attachants les uns que les autres. Oui, attachants est le mot qui vient sous la plume, attachants, aimables et respectables. Découvrez-les, entendez-les ! Mais, par esprit de camaraderie, j’insisterai un peu plus pour mon « pti co » de Saint-Cyr qui ouvre le livre avec son carnet de psychologue qui lui aussi souffre. François-Xavier, je savais que ce n’était pas toujours facile pour toi, mais pas à ce point. Qui soigne les soignants ? François-Xavier, bravo d’avoir accepté de témoigner et de dévoiler une part de ton intimité. François-Xavier, merci d’avoir aidé un de mes lieutenants et de lui avoir retiré son pistolet. Et merci à Pauline Maucort, malgré une forme de naïveté dans son regard sur la chose militaire, d’avoir su faire parler nos camarades. Merci aussi pour cet exemple d’une forme de journalisme profond et humain.