Le 14 juillet 2025, dans une France territoriale rénovée, simplifiée et « moderne », le président de la République, élu en 2022, souhaite organiser un grand rassemblement festif de la nation. Mais en raison d’une gigantesque panne des réseaux informatiques, comment adresser cette invitation aux citoyens et autres forces vives du pays ? En effet, le département a disparu sous les coups de boutoir des années 2010 – toute référence à cette ancienne collectivité est strictement interdite par la loi. Et depuis les regroupements par « pôles », le courrier n’est plus distribué régulièrement par La Poste, ni très précisément d’ailleurs. Des manifestations contre les transferts massifs de données ont débouché sur une désobéissance citoyenne ; l’identification du numéro de sécurité sociale n’est plus assurée au niveau local et cela a généré des fraudes massives à l’identité ; les préfets ne sont plus identifiés à un territoire mais à une « zone »…
Gageons que cette politique-fiction ait peu de chances de voir le jour. Mais profitons-en alors pour opérer un arrêt sur image. Une nouvelle carte administrative de la France se dessine aujourd’hui après des décennies de stabilité. Tout semble avoir été dit et écrit quant à la nécessité de clarifier les compétences des collectivités locales, d’économiser la ressource financière, devenue rare, et de simplifier les procédures. En revanche, face à la disparition de nombre d’entreprises, au départ de services publics et à la baisse des interventions publiques, non seulement annoncée mais largement effective désormais, un sentiment d’abandon et de déshérence parcourt les territoires.
Il n’est pas anodin que le titre d’un roman auréolé du prix Goncourt ait porté sur La Carte et le Territoire1 ! Comme si les questions territoriales traduisaient ou plutôt marquaient concrètement la vie des citoyens, après des décennies, voire des siècles d’apparente stabilité. La vision renouvelée de la carte et du territoire aboutit à la prise en compte de l’effacement de l’État et de son corollaire, un système administratif conçu pour quadriller l’espace national à travers les préfets dans les départements. La compétition des collectivités pour la maîtrise de leur(s) espace(s) est une constante historique. La nouveauté vient aujourd’hui du rôle moindre de l’État, concrétisé par cette mise à l’œuvre du « tout diffus » dans les territoires.
Naturellement, d’autres phénomènes sont à prendre en considération. Ils peuvent être politiques, comme la volonté de mettre fin au cumul des mandats, ou économiques, avec le désir d’organiser au mieux dans les territoires le triptyque logement-transports-emploi. Le phénomène de métropolisation prend tout son sens avec, en derniers exemples emblématiques, le nouveau Grand Paris, la naissance du Grand Lyon, ainsi que le projet avorté de fusion des départements alsaciens et de la région en une seule collectivité.
Au fil des siècles, le pouvoir politique n’est jamais resté indifférent au pouvoir régional. S’il a cherché à l’influencer, c’est pour en tirer le meilleur parti dans sa logique progressive de construction de l’État. Le fil conducteur qui relie Hugues Capet au Second Empire est celui de cette construction progressive de la nation France autour de « son » État. Dès lors, les monarques ont dû lutter contre les forces centripètes, qu’elles fussent seigneuriales ou émanant des villes franches qui émergent dès le xiie siècle. C’est ainsi que l’on a assisté pendant des siècles à ces jeux d’alliances et d’oppositions plus ou moins subtiles entre les souverains emblématiques tels Philippe Auguste, Philippe le Bel, François Ier ou encore Louis XIV et les pouvoirs qui se dressaient sur leur chemin. Le pouvoir politique a donc cherché à faire rentrer le pouvoir provincial dans son moule intégrateur. Il n’y est bien sûr qu’imparfaitement arrivé. La Révolution et l’Empire parachèvent ce long travail de construction. Ainsi, entre la prise en main du pouvoir par Louis XIV contre les parlements de province et les cent trente départements de Napoléon, le lien est aisément repérable. Aujourd’hui, plus de deux cent vingt ans après la fin de l’Ancien Régime, il est des régions qui conservent un rapport quasi charnel à leur territoire, pour des raisons géographiques et politiques. Géographiques lorsqu’elles ont été pendant des siècles des territoires de passage. Il en est alors résulté un lien à ce territoire acquis par les monarques (Flandres, Normandie, Comté). Politiques quand le territoire a été raccroché à la France pour des raisons d’alliances (Bretagne, Nancy, Dauphiné…).
Trois éléments serviront de fil conducteur à cette analyse. Tout d’abord, la difficile composition de l’État avec ses territoires conduit à la poursuite du système mis en œuvre sous la IIIe République. Ensuite, la fin d’un modèle régalien tout-puissant a conduit à l’émergence d’un autre modèle, porté par les collectivités locales. Enfin, les projets de partenariats entre le secteur public et l’entreprise privée ne sauraient suffire à servir de modèle pour l’avenir, rendant nécessaire un renouvellement dans la gouvernance des territoires.
- Condescendance étatique et synthèse républicaine
L’État central a toujours eu du mal à composer avec le local. Une alchimie difficile à laquelle s’ajoute une vague condescendance à l’égard de la « province », quel que soit d’ailleurs le pouvoir en place. Il y a un peu plus de cent ans, à l’aube du xxe siècle, le président de la République a invité à Paris l’ensemble des maires de France à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900. Plus de vingt-deux mille sur les trente-huit mille que comptait la France à l’époque firent le déplacement ! Aujourd’hui, le maire demeure ce référent parce que, chaque jour, il est celui vers lequel on peut se tourner, quels que soient sa condition, son âge, sa situation. Mais dans le même temps, nous assistons à un changement d’époque complet. Auparavant, les élus pouvaient décider des besoins pour leurs territoires puis chercher les financements nécessaires. Ce mode de fonctionnement est devenu inopérant depuis la crise de 2008. Dans ces conditions, comment la notion d’aménagement du territoire peut-elle se mettre en perspective dans le cadre d’une histoire riche mais de finances particulièrement contraintes ?
En termes d’aménagement du territoire, le pouvoir politique réussit finalement cette synthèse entre le Second Empire et les débuts de la IIIe République. Le premier, régime trop souvent méconnu et décrié, a fait entrer la France dans la modernité industrielle ; la seconde, elle, a uniformisé pratiques linguistiques et comportements éducatifs et sociaux, notamment au travers de l’instruction publique et du service militaire égalitaire. Dès lors, avec un pouvoir centralisé, des moyens de communication reliant Paris à l’ensemble du territoire et un contrôle opéré par les « empereurs au petit pied » que sont les préfets, le pouvoir politique décide, organise et contrôle les territoires. Les résurgences provinciales sont ensevelies, sinon éteintes, et la question territoriale s’appréhende à travers la France des départements et des sous-préfectures.
L’enracinement communal se double de la volonté d’uniformisation de 1790. Celle-ci fut bien accueillie au départ, car elle s’est accompagnée d’une authentique décentralisation des forces et des lieux de pouvoir. Le département est très vite devenu une instance et un nom familier. De son côté, la commune a reçu une pleine existence administrative et a vu rajeunir sa vitalité.
À partir de la Révolution française, la refonte du territoire s’est donc organisée autour de ces deux termes, opposés et complémentaires, du général et du particulier, du local et du national. Le découpage du territoire sécrète de l’identité. Dès lors, de constants allers et retours vont s’opérer entre deux positions antithétiques ; l’une pose en principe l’indivisibilité du territoire et impose son uniformité, l’autre part au contraire de l’hétérogénéité fondamentale du même territoire. Dans ces conditions, les métropoles, ou plutôt les « grandes villes », s’effacent devant les départements alors que l’idée même de province ou de région est bannie.
Sur la longue durée, l’enjeu des politiques d’aménagement du territoire a été de composer avec le legs de la Révolution, puis de promouvoir une certaine idée de la république, et enfin de rechercher objectivité, efficacité et lisibilité. L’unité et l’indivisibilité de la France doivent résider dans son découpage en circonscriptions rationnelles, tout en endiguant la tentation fédéraliste de circonscriptions trop larges et l’anarchie d’un morcellement excessif. L’un des points forts de la IIIe République est d’avoir réussi cette synthèse entre les territoires, les terroirs (davantage que les provinces) et le pouvoir central symbolisé naturellement par Paris. Le livre emblématique de tout écolier du tournant du xxe siècle est Le Tour de la France par deux enfants, véritable petit livre rouge de la république, qui emmène ses jeunes lecteurs à travers un parcours très historique de la France2. Il s’agit à l’époque de réaliser l’unité de la France par les territoires, alors que le régime est en voie d’installation, si ce n’est de consolidation. Pour prolonger le propos sur ce rapport historique aux territoires, il y a lieu de s’interroger sur les raisons de la pérennité du Tour de France cycliste. L’une d’elles provient de ce lien permanent qui est fait entre les terroirs, vers qui l’on va, et le centre, qui nous y ramène à la fin de l’épreuve.
Le binôme que forment les communes et les départements va devenir le socle de l’organisation du pouvoir. La commune sera la cellule administrative de base et le département une circonscription du territoire favorisant l’émergence des notables et fabriquant, plus tard, sa propre notabilité. La Révolution, bourgeoise, de 1789 abolit la province, car totalement identifiée à l’Ancien Régime, et découpe le territoire de façon rationnelle en quatre-vingt-trois départements. Ceci va ainsi mettre fin à ces territoires et circonscriptions divers qui se chevauchent et empêchent toute vision d’ensemble.
- Fin d’un modèle et difficile émergence d’un autre
Un modèle français d’aménagement du territoire historiquement centralisé. Les comportements humains ont été pour partie liés à l’évolution économique des territoires. Songeons que la première ligne de chemin de fer a été construite en France près de Saint-Étienne, dans la Loire, afin de transporter minerais et charbon.
Pourtant, le pouvoir politique va prendre une orientation diamétralement opposée à celle de l’Angleterre. Outre-Manche, le réseau ferroviaire va progressivement relier les principaux centres industriels. Rien de tout cela en France : il est décidé de construire le réseau ferroviaire en étoile autour de Paris, renforçant ainsi un peu plus la centralisation. Dès lors, des territoires peuplés et industrieux tels que l’Aveyron, l’Ardèche ou la Haute-Saône vont se trouver peu à peu en dehors des couloirs de communication, générant des déplacements vers la capitale. Rappelons que, au recensement de 1851, l’Ardèche comprenait plus de cinq cent mille habitants, ce qui en faisait l’un des départements français très peuplés. Certaines régions seront ainsi fortement représentées à Paris (la Bretagne, l’Aveyron…). Il a fallu attendre la fin des années 2000 pour qu’une première ligne ferroviaire à grande vitesse (lgv) ne soit pas reliée à Paris, avec la lgv Rhin-Rhône.
Pour ce qui est des comportements politiques, certaines régions, comme l’Alsace, ont longtemps été qualifiées de conservatrices ; d’autres plus contestataires telles que le midi viticole ; d’autres encore formaient la « ceinture rouge » de la région parisienne des années 1930 aux années 1980. Les centres industriels ont pendant des décennies été des terres électorales plus favorables à la gauche. Ce qui n’est plus fortement le cas aujourd’hui. Quant à l’Ouest, terre catholique pendant plus longtemps que d’autres, il a évolué lui aussi dans les années 1970.
Aujourd’hui, comment conduire des actions fortes pour faire vivre un territoire ? Il y a cinquante ans, la réponse était simple : « Dis-moi quel est ton préfet et je te dirai à combien tu as droit pour monter ton projet. » Une visite ministérielle opportunément située à quelques semaines des élections locales aurait parachevé le tout. Il y a vingt ans, on remplaçait préfet par président du conseil général pour obtenir la solution. Et il y a quelques années, les fonds structurels (européens) auraient permis de boucler le plan de financement, avec un panneau « Ici, l’État, la région, le département, la communauté de communes et la commune investissent pour votre avenir, avec le concours de l’Union européenne. »
L’État est aujourd’hui confronté à la nécessité de faire baisser les déficits publics. Pour leur part, les collectivités locales font face à des recettes peu dynamiques et à des dépenses qui continuent de croître. Alors que l’État met en place la génération des contrats de plan 2014-2020, personne ou presque n’est dupe dans les territoires : il n’y aura plus de moyens nouveaux ou peu s’en faut. La chasse à la subvention risque de se révéler peu productive et particulièrement chronophage. Il va donc falloir faire preuve d’une forte inventivité pour lancer des actions en mobilisant les énergies et les compétences.
De manière très concrète, le passage au caractère opérationnel des projets de type « village atelier » nécessite de trouver les acteurs tant publics que privés susceptibles de jouer chacun leur rôle. Le rôle de la commune est naturel. Elle dispose du droit de préemption afin de pouvoir, au cas par cas, se déterminer sur l’intérêt à intervenir, sans obérer ses finances. En outre, elle peut mobiliser sans réserve les financements privés. C’est ainsi que la structure de « village atelier » pourra se mettre en place avec l’imbrication successive du public – qui impulse – et du privé, qui prend le risque. Une fois que le bâti privé est là, on se préoccupe de la restauration et de la gestion des chambres pour l’accueil des groupes, qu’ils soient « privés » ou amenés via les formations organisées.
- Partenariats public-privé et renouvellement territorial
Quel est le point commun entre, d’une part, la recomposition impressionnante de Paris sous le Second Empire du baron Haussmann, la construction du viaduc de Millau, la réalisation prochaine de la ligne ferroviaire à grande vitesse (lgv) Sud-Europe Atlantique (sea) et, d’autre part, la construction d’un centre thermo ludique à Chaudes-Aigues, une opération de renouvellement urbain dans une communauté d’agglomération, la mise à deux fois deux voies de la route centre Europe Atlantique (rcea) ? D’avoir fait appel, d’une façon ou d’une autre, à des acteurs publics et privés pour leur réalisation, matérialisant ainsi « l’économie mixte » ; le tout avec la participation de l’État, quoique profondément renouvelée.
En France, cette tradition du partenariat entre les secteurs public et privé est tellement ancrée dans l’histoire qu’elle finirait presque par se confondre avec la construction progressive de l’État via la monarchie capétienne et l’ensemble des régimes qui se sont succédé depuis la Révolution. À l’aube du xxe siècle, sous la IIIe République triomphante, un phénomène massif caractérise presque à lui seul le développement économique territorial : il s’agit de la couverture de l’Hexagone en voies de chemins de fer. Avec quarante mille kilomètres construits en trente ans, le rythme est impressionnant ! Mais l’État étant incapable financièrement de conduire ces opérations, il en a délégué, sous son contrôle, la réalisation puis l’exploitation.
Alors qu’il investit aujourd’hui en euros constants deux fois moins qu’en 1980 – soit quatre fois moins en euros courants –, la décentralisation « version 1982 » est passée par là. Dans les territoires, chaque niveau s’estime légitime à conduire un développement économique territorial : la commune parce qu’elle détient le droit du sol, notamment à travers les plans locaux d’urbanisme et autres permis de construire, l’intercommunalité parce qu’elle offre une vision géographique élargie, la région car elle a souhaité se construire sur ce type de compétence, tandis que le département tient à être présent sur chaque compétence phare telle que l’établissement des schémas numériques au début des années 2010.
L’État a toujours la responsabilité de la conduite de la politique économique, alors que le resserrement sur ses fonctions régaliennes s’est traduit par un recours plus important au privé. À la fin des années 1970, le modèle de développement macro-économique fondé sur la dépense a été remis en cause. Ainsi, à une représentation de l’économie fondée sur la demande s’est substituée celle de l’économie de l’offre.
Après des années de débats, le contrat de partenariat ou ppp peut s’apparenter soit à une sorte d’épouvantail, pour ses opposants les plus farouches, soit à un remède miracle à proposer pour réaliser un projet en manque de financement. Ces deux visions contradictoires n’auraient fait qu’exacerber les passions, sur fond de querelle européenne et de « modèle » optimal à retenir pour conduire les projets dans les territoires.
Pour les uns, il oblige la personne publique à effectuer une réflexion en amont sur le service à créer. Il permet une optimisation du coût global comprenant l’investissement et le fonctionnement d’un service public. Il offrirait ainsi une visibilité financière à la collectivité publique, permettant de programmer les dépenses futures dans le cadre contractuel. Il évite de constituer des équipes en régie qui représentent autant de postes fixes et pluriannuels, voire perpétuels de dépenses, sans remise en question. Mais surtout, le ppp permettrait une accélération considérable, à budget constant, de la réalisation des travaux, en raison de l’étalement dans le temps du paiement des prestations. Il offre également une vraie garantie d’entretien et de surveillance du patrimoine en raison des astreintes pesant sur les entreprises chargées du service sanctionnées au demeurant en cas d’insuffisance ou de défaillance. Il est temps de donner un signal aux territoires et notamment aux maires. Arrêtons de vouloir ordonnancer les territoires en faisant « sauter » l’échelon communal. Car ce dernier permet ce lien et ce liant social que les audits de la « révision générale des politiques publiques » (rgpp) ne pourront jamais appréhender. Au demeurant, chaque crise violente, en milieu urbain, ou larvée, en milieu rural, rappelle son rôle clé, dans nos sociétés ouvertes, désenchantées et désacralisées.
Renouvelons l’organisation de nos territoires de façon pragmatique, à travers la fusion des intercommunalités et des départements. Cette appréhension renouvelée de la gouvernance territoriale permet, au passage, de sortir du débat sans fin sur la suppression d’un niveau de collectivité locale ! En effet, si le présent des communes peut apparaître morose, elles constituent ce repère de la république en incarnant la proximité. L’intercommunalité présente une assise ambiguë mais un poids financier lourd, identique à celui des régions, même après les transferts de 2004. Comme le département constitue l’échelon naturel des solidarités territoriales, ce qui pose difficulté n’est pas son existence ou sa suppression mais la façon dont il incarne la vie économique depuis plus de deux cent vingt ans. Quant à la région, elle n’a pas vraiment émergé, handicapée par son histoire et les oppositions fractales avec le pouvoir central, au-delà des contingences partisanes.
L’héritage historique de la France s’assimile au couple de la république au village, à savoir la commune et le département. Comment dès lors se positionne l’intercommunalité ? Les intercommunalités représentent un poids budgétaire comparable aux régions, puisque chacun de ces blocs pèse 12,5 % du budget cumulé des collectivités. Mais saute aux yeux la différence entre, d’une part, l’essor de l’intercommunalité et, d’autre part, la stabilisation du poids des régions dans notre architecture institutionnelle.
Pour l’intercommunalité, les buts recherchés des dernières réformes sont d’achever au plus tôt la carte intercommunale, de rationaliser les intercommunalités et de poursuivre la montée en puissance des gros établissements de coopération avec, par exemple, la naissance des métropoles, sortes de « super communautés urbaines ». Osons donc un vrai renouvellement du département et non une réforme de la carte cantonale. Comme le territoire national va être intégralement couvert par l’intercommunalité, faisons du conseil départemental le « conseil des communautés ». D’abord, l’équilibre démographique serait pris en compte en faisant naturellement siéger plus de représentants des communautés d’agglomération ou communautés urbaines que de représentants des communautés de communes. Ensuite, cette réforme serait économe des deniers publics puisqu’elle ne coûterait strictement rien. Elle alignerait de ce fait les mandats puisque, le même jour, seraient désignés pour six ans les conseillers municipaux, les conseillers communautaires et, de facto, les représentants au conseil départemental. Par ailleurs, cette réforme est parfaitement compatible avec la montée en puissance des métropoles. Enfin, le gain politique au sens noble du terme serait immense puisque les territoires ruraux n’auraient plus ce sentiment d’abandon, puisqu’englobés dans une vision d’ensemble.
En définitive, si l’aménagement du territoire a été conçu en France comme un processus de modernisation de l’action publique et d’approfondissement de la démocratie via la décentralisation depuis les années 1980, il n’est aucunement une fin en soi. Les politiques d’aménagement du territoire ne doivent pas mésestimer le risque de distorsion durable entre l’État, les collectivités territoriales et la société civile. En effet, au-delà de l’aspect institutionnel notre modèle territorial est écartelé entre le contribuable, l’usager, l’électeur et le citoyen. Gardons alors en mémoire les mots-clés du service public, ceux que la jurisprudence des plus hautes juridictions administratives a forgés au fil du temps, depuis la IIIe République débutante. Ces mots sont simples et porteurs de sens puisqu’il s’agit de continuité, d’égalité et d’adaptation. Et si c’était donc cela un aménagement du territoire rénové, à savoir l’emploi de mots simples et forts qui permettent aux acteurs publics, nationaux et locaux, de se réformer à partir de solutions tenables financièrement ?