Cet ouvrage éclaire la place et le sens des viols en temps de guerre. Parce que les victimes étaient en majorité des civils et des femmes, ces viols furent longtemps relégués au second plan, en marge du champ de bataille. Ils étaient pensés entre butin et repos du guerrier, sans effet sur le cours de la guerre, marquant l’assouvissement de la pulsion sexuelle masculine. Vingt auteurs, menés par Raphaëlle Branche et Fabrice Virgili, se penchent ici sur les différents conflits du xxe siècle, des guerres mondiales aux guerres civiles, de la Colombie à la Tchétchénie. Ils retracent l’histoire de cette violence, en soulignent la complexité et l’ampleur, présentent la diversité des situations, le poids des imaginaires, les conséquences sociales et politiques mais aussi intimes et émotionnelles.

L’intérêt principal de ce livre tient à sa nouveauté, qui doit être saluée comme telle. Elle correspond à un changement de culture. Tout d’abord, grâce notamment aux revendications des femmes sur l’absolue propriété de leur corps, de tels actes apparaissent aujourd’hui plus que jamais dans leur inhumanité, leur barbarie. Ensuite, les études consacrées à la guerre, longtemps centrées sur les plans de bataille, les types de défense…, s’attachent aujourd’hui aux dimensions sociales, culturelles et de genre des conflits. L’autre intérêt majeur de cet ouvrage est de s’éloigner des clichés, de ne pas s’en tenir à la simple domination du masculin sur le féminin (l’acte ne vise pas seulement les femmes !), de différencier chaque environnement local ou historique.

Une lecture indispensable, à compléter par celle de l’article de Véronique Nahoum-Grappe, « Violences sexuelles en temps de guerre », publié dans le n° 17 d’Inflexions.