Depuis sa mort tragique, le 1er juillet 1962, aucun biographe ne s’était penché sur la vie du général Edgard de Larminat, et son itinéraire n’était mentionné qu’en passant, sans aucun approfondissement, au gré des publications.
Le conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle a estimé que la richesse du personnage ainsi que la qualité et la fidélité de sa relation avec le Général méritaient d’être présentées au public. Et cela sous la forme d’un ouvrage collectif, une formule qui offre l’avantage de laisser une large place à des documents inédits et d’accueillir la réflexion de divers spécialistes (Philippe Oulmont, André Martel, Henri Lerner, Jean-Christophe Notin, Julie Le Gac, Paul Gaujac, Claude d’Abzac-Epezy, Sylvain Cornil-Frerrot, François Broche et Alain Larcan), ainsi que des témoignages des généraux Georges Catroux et René Marchand, d’André Boulloche, de Jacques de La Ferrière, d’Étienne Burin des Roziers et de Xavier de Larminat.
Officier de tradition mais non-conformiste dans l’âme, Edgard de Larminat n’a jamais cessé de surprendre, voire de provoquer. Il s’est toujours défini comme un patriote fidèle à ses engagements, pour autant qu’ils aient été compatibles avec ses valeurs et, d’abord, son sens de l’honneur. Cet homme droit et discipliné plaçait au-dessus de tout, y compris de la discipline, l’intérêt supérieur de la patrie et le patriotisme éclairé par le libre examen rationnel.
Depuis le Levant, en juin 1940, en passant par l’Afrique équatoriale française (aef), l’Afrique du Nord, l’Italie, la Provence et le front de l’Atlantique, il fut de tous les combats de la France libre, à l’exception de la chevauchée finale de 1945 en territoire allemand, mais sans avoir reçu le très grand commandement qu’il attendait.
Son franc-parler (au sein de la France combattante, il était l’un des rares, avec Brossolette, Bongen, Leclerc et Philip, à tenir tête à de Gaulle), ses lettres et ses discours, dont certains sont reproduits dans cet ouvrage, sont des preuves certaines de son courage et de sa liberté totale de pensée qu’il n’a à aucun moment abdiqué au profit de De Gaulle. Son engagement dans la campagne pour la Communauté européenne de défense (ced) au côté de son ami Pleven confirme bien cette indépendance d’esprit, puisqu’il fut le seul gaulliste à faire ce choix, de même qu’il fut l’un des seuls fidèles du Général à ne pas adhérer au Rassemblement du peuple français (rpf).
En 1959, de Gaulle le chargea officiellement du Comité du souvenir et des manifestations nationales prévues pour le vingtième anniversaire de l’Appel du 18 juin. Nommé par la suite commissaire aux monuments des guerres et de la Résistance, son efficacité et son esprit non partisan en feront un grand artisan d’une politique de la mémoire des guerres.
De 1946 à 1962, il présida l’Association des Français libres. Il se donna la mort alors qu’il venait d’être désigné par de Gaulle pour présider la Cour militaire de justice, créée par l’ordonnance du 1er juin 1962 pour prendre la suite du Haut Tribunal militaire supprimé au mois de mai.
À son frère Xavier de Larminat, le général de Gaulle écrivit en 1964 : « Il fut, certes, un grand chef, et les succès remportés par nos armes sous son commandement sont là pour l’attester à jamais. Mais aussi, il fut un Français de la plus haute qualité et un homme de cœur. Dieu, j’en suis sûr, l’a en sa sainte garde. »