N°31 | Violence totale

Sylvain Tesson
Bérézina
Chamonix, Éditions Guérin, 2015
Sylvain Tesson, Bérézina, Éditions Guérin

Sur les traces de l’empereur, le lecteur est entraîné dans un récit assez exceptionnel. Le dialogue qui ouvre le livre donne le ton : « Pourquoi ne pas revenir à Paris en side-car ? À bord d’une belle Oural de fabrication russe. [...] Pourquoi ne pas faire offrande de ces quatre mille kilomètres aux soldats de Napoléon ? À leurs fantômes. À leur sacrifice. [...] C’est à nous de saluer la Grande Armée. Il y a deux siècles, des mecs rêvaient d’autre chose que du haut débit. [...] Ce sera un voyage de mémoire. [...] Pourquoi répéter la retraite exactement ? Pour le panache, chérie, pour le panache. »

Le 3 décembre 2012, la petite équipe démarre pour suivre le même itinéraire que la Grande Armée deux siècles plus tôt. Au fil des chapitres et des kilomètres, des étapes et des paragraphes, le passé et le présent alternent, se croisent et parfois se mélangent : Borodino, Wiazma, Smolensk, la Bérézina et, au-delà, Vilnius et Varsovie. L’auteur tente de décrypter les choix tactiques de l’empereur (paradoxalement l’armée française multiplie les succès locaux sur fond de défaite stratégique) et ceux de Koutouzov, le général russe qui fait le choix de harceler les Français sans engager de bataille majeure. Sylvain Tesson s’interroge sur la guerre des partisans, mais détaille également le voyage d’aujourd’hui ; il raconte ses visites sur les lieux qui virent passer et souffrir les soldats de la Grande Armée, mais aussi son affection pour les gens qu’il rencontre. Le ton n’est pas celui d’un livre d’histoire, mais il s’agit d’une véritable ode à l’histoire, d’un hommage aux chefs et aux soldats, d’un journal de route à la fois passionnant et écrit avec verve, que l’on quitte à regret. Cet ouvrage a été couronné du prix Erwan Bergot 2015.

PTE

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